9 - Incidences du Brexit en matière de TVA et de droits de douane
Depuis le 1er janvier 2021, tout échange effectué avec le Royaume-Uni de biens ou de services est réalisé avec un État tiers à l’UE du point de vue de la TVA et des douanes.
Répartition du droit d'imposition
Retour aux notions d’importations ou exportations pour les échanges de marchandises
Exonération de la TVA et régime douanier à l'exportation depuis l'UE
En matière de TVA, les principes de la TVA intracommunautaire ne sont plus applicables entre l’UE et le Royaume-Uni.
Désormais, les entreprises européennes qui livrent des marchandises en faveur d’une entreprise britannique réalisent des exportations au départ de l’UE (et non plus des livraisons intracommunautaires). Les entreprises européennes doivent ainsi compléter une déclaration d’exportation dans l’État membre de départ des marchandises (il n'y a plus de déclaration d'échanges de biens (DEB) avec le Royaume-Uni).
Rappelons qu'à l’exportation, le régime douanier est obligatoire. L’exportateur doit présenter les marchandises et une déclaration préalable à la sortie (déclaration en douane, déclaration de réexportation, déclaration sommaire de sortie) au bureau de douane compétent.
À noter
Outre la question des droits de douane et de la TVA, d’autres problématiques spécifiques doivent faire l’objet d’attentions particulières selon la nature des biens commercialisés par l’entreprise française : régimes préférentiels, origine UE, etc.
TVA à l'importation
Rappelons que la TVA est en principe due à l’importation, auprès de l’administration des douanes concernée ou autoliquidée sur la déclaration de TVA (CGI art. 292 et 1695).
Côté britannique, les marchandises importées sur le territoire britannique peuvent être soumises à la TVA britannique à l’importation, aux droits de douane et aux taxes additionnelles le cas échéant. Les entreprises doivent par conséquent déposer une déclaration en douane pour chaque introduction de marchandises sur le territoire du Royaume-Uni. Une déclaration Intrastat doit être déposée jusqu'au 31 décembre à l'importation au Royaume-Uni pour des raisons statistiques.
À noter
Les entreprises européennes réalisant des opérations pour lesquelles elles sont redevables de la TVA en Grande-Bretagne, notamment compte tenu des incoterms fixés entre les parties, doivent s’immatriculer à la TVA en Grande-Bretagne afin de déclarer et de collecter la TVA britannique (voir § 9-8), sous réserve de la mise en place d’un régime d’autoliquidation.
En outre, les entreprises britanniques qui livrent des marchandises à des entreprises dans l’UE réalisent des exportations depuis la Grande-Bretagne. De même, ces marchandises font l’objet d’une importation au sein de l’UE et les entreprises britanniques doivent déposer une déclaration d’importation en douane et s’acquitter des droits de douane (sauf origine préférentielle accordée aux produits, voir § 9-3), de la TVA à l’importation et des éventuelles autres taxes. En revanche, il n'est plus nécessaire de déposer une déclaration Intrastat (pour les biens importés dans l'UE en provenance du Royaume-Uni).
Exonération des droits de douane prévue par l'accord de commerce et de coopération
L'accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni prévoit pour tous les produits le démantèlement des droits de douane appliqués par les deux parties dès le 1er janvier 2021, sous réserve de respecter les règles de l’origine préférentielle précisées dans l'accord (chapitre 2 et annexe orig2). Cette exonération, sollicitée dans la déclaration en douane, est conditionnée à la notion de « produit originaire » d’une des deux parties et ne saurait s’appliquer indistinctement à l’ensemble des échanges entre l’UE et le Royaume-Uni.
Les produits ne respectant pas les conditions de mise en œuvre de l'accord sont soumis respectivement au Tarif Extérieur Commun à l’importation dans l’Union européenne et au « UK Global Tariff » à l’importation au Royaume-Uni. Pour illustrer cette règle, nous reproduisons l'infographie extraite du site de la direction générale des douanes (voir ci-après).
À noter
Si le tarif extérieur commun britannique ou européen est nul, il n’est pas nécessaire de solliciter le bénéfice de l’origine préférentielle, qui induit un coût financier et organisationnel (maîtrise de la détermination de l'origine préférentielle, établissement de preuve de l’origine, conservation des justificatifs, etc.). Si en revanche le produit est soumis à un droit de douane en droit commun, et qu'il respecte les règles d'origine préférentielle qui lui sont applicables aux termes de l'accord, il convient alors de solliciter le bénéfice de la préférence tarifaire.
Pour connaître les droits de douane applicables à un produit, l'administration a mis en place une banque de données : https://trade.ec.europa.eu/access-to-markets/fr/home
Tour d'horizon des obligations douanières
Le Brexit a entraîné un retour des contrôles douaniers au Royaume-Uni et au sein de l’UE pour les marchandises en provenance de l’autre territoire douanier. Les entreprises européennes et britanniques envoyant des biens de part et d’autre de la Manche doivent désormais exporter et importer ces biens. La mise en place de cette frontière implique :
-le dépôt de déclaration d’importation et d’exportation au Royaume-Uni et au sein de l’Union européenne. À noter que jusqu’à la fin de l’année 2021, au Royaume-Uni uniquement, des déclarations incomplètes, devant être complétées dans les six mois, peuvent être présentées ;
-une obligation de désigner un représentant en douane dans les deux territoires douaniers. En France, la désignation d’un représentant fiscal n’est pas nécessaire compte tenu des instruments juridiques réciproques mis en œuvre en ce qui concerne notamment l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances fiscales, la coopération administrative et la lutte contre la fraude fiscale (arrêté du 16 février 2021, JO du 26, texte 36) (voir « Dictionnaire Fiscal » RF 2021, § 60620) ;
-une obligation d’obtention d’un numéro EORI au Royaume-Uni et au sein de l’Union européenne (le numéro EORI européen n’étant plus utilisable au Royaume-Uni), pour les entreprises qui ne se sont pas vu attribuer un numéro automatiquement ou qui n’en disposent pas déjà ;
-la mise en place de l’autoliquidation de la TVA à l’importation au Royaume-Uni et dans États membres d’importation, permettant d’éviter les avances de trésorerie (voir § 9-8) ;
-un traitement TVA spécifique pour les colis de faible valeur importés au Royaume-Uni et dans l’Union européenne (voir § 9-9).
Il n'y a plus de déclaration européenne des services (DES) à remplir depuis janvier pour les opérations de prestation de service vers le Royaume-Uni.
Le prérequis pour réaliser les déclarations en douane est la détention d’un numéro EORI. Des n° EORI de masse ont été attribués en 2019 par la DGDDI. Donc, avant de déposer une demande d’immatriculation, vous pouvez cliquer sur le lien suivant vers le site douane.gouv, afin de vérifier si un EORI vous a déjà été attribué en saisissant votre numéro SIRET : https://www.douane.gouv.fr/eori
Prestations de service : application des principes généraux
Achat de prestations à un fournisseur britannique
Le Royaume-Uni étant considéré comme un pays tiers à l'UE, les opérations de prestations de services ne sont plus qualifiées comme intracommunautaires.
Selon le principe général, les prestations entre assujettis sont soumises à la TVA au lieu d'établissement du preneur assujetti. La sortie du Royaume-Uni n'entraîne pas d'incidence spécifique, la TVA étant toujours autoliquidée par le preneur européen (CGI art. 283, 2 et 259, 1°). Ainsi, les factures émises par le prestataire britannique sans établissement stable en France ne doivent pas comporter de TVA.
S'agissant des prestations réalisées auprès d'un non-assujetti, par principe le lieu d'imposition est celui du prestataire. Là encore, il n'existe aucune incidence spécifique liée au Brexit.
Réalisation de la prestation en France
Sauf règles de territorialité particulières, la réalisation par un assujetti établi en France d'une prestation au profit d’un assujetti établi au Royaume-Uni (B to B) n'est pas imposable à la TVA française mais soumise à la TVA britannique. Le prestataire français établit une facture sans TVA. Il porte en effet la mention « TVA non applicable – art. 259-1 du CGI » si le client est un assujetti établi hors de l'UE.
S'il s'agit d'une prestation par un assujetti établi en France envers un particulier non assujetti britannique (B to C), l’opération est en principe soumise à la TVA française. La localisation de son client particulier dans ou hors de l'Union européenne est sans incidence (voir tableau ci-après).
Procédure de remboursement de la TVA
Les entreprises françaises qui ne réalisent pas d’opération imposable au Royaume-Uni peuvent solliciter un remboursement de TVA directement auprès de l’administration britannique depuis le 1er avril 2021. Les assujettis établis au Royaume-Uni peuvent bénéficier de la procédure de la 13e Directive pour demander le remboursement de la TVA supportée au sein de l'UE.
La plateforme du mini guichet unique (MOSS) prévue dans l’UE pour les prestations de service n’est plus applicable depuis le 31 décembre 2020 aux assujettis établis au Royaume-Uni.
Régimes TVA spécifiques mis en place au Royaume-Uni
Autoliquidation de la TVA britannique
L’Administration fiscale britannique (HMRC) a annoncé l’introduction d’un mécanisme d’autoliquidation de la TVA à l’importation au Royaume-Uni. Ce mécanisme peut s’appliquer à toutes les importations de marchandises sur le territoire britannique réalisées par une entreprise identifiée à la TVA au Royaume-Uni et titulaire d’un numéro EORI britannique.
Opérations de ventes de biens par des assujettis étrangers à des clients britanniques
Biens situés en dehors du territoire britannique au moment de leur vente dont la valeur globale d’envoi n’excède pas 135 £
Pour les ventes de biens situées en dehors du Royaume-Uni au moment de la vente (avant expédition vers le Royaume-Uni) et réalisées par des vendeurs étrangers à des clients britanniques, assujettis ou non assujettis, quand la valeur de l’envoi est inférieure ou égale à 135 £, l’événement déclenchant l’exigibilité de la TVA est modifié (voir tableau). En effet, jusqu’à présent la TVA était due lors de l’importation/livraison des biens au Royaume-Uni. Désormais, la TVA anglaise est due au moment de la vente locale britannique qui est réputée intervenir après l’importation au Royaume-Uni.
La valeur de 135 £ est calculée sur la base du prix de vente du colis livré au client britannique, soit le prix hors taxe de la marchandise vendue, hors frais de transport et d’assurance (sauf dans le cas où ils sont inclus dans le prix et non facturés séparément) et autres taxes et charges identifiables dans les différents documents douaniers.
À noter
Il convient de prendre en compte l’ensemble des biens contenus dans le colis envoyé au consommateur britannique pour la détermination du seuil, et non chaque produit composant le colis pris séparément.
Cette valeur de 135 £ s’aligne sur la valeur douanière de 135 £ en deçà de laquelle les droits de douane ne sont pas perçus à l’importation des biens.
Par ailleurs, l’établissement de ce nouveau seuil engendre la suppression de la valeur fiscale de 15 £ en deçà de laquelle la TVA n’était pas perçue sur les biens importés jusqu’à cette année. La TVA d’importation n'est donc pas perçue pour les importations dont la valeur douanière est inférieure au seuil de 135 £. Cependant, indépendamment de cette franchise de droits de douane et de TVA d’importation, des formalités douanières de dédouanement devront être remplies.
Biens situés sur le territoire britannique au moment de la vente, qui se réalise via l’intermédiaire d’une plateforme en ligne
Dans l'hypothèse où les biens ont été importés précédemment au Royaume-Uni, les droits de douane et la TVA sont dus par le vendeur non établi au moment de l’importation. Toutefois, la vente subséquente est désormais réputée intervenir directement entre la plateforme et le client britannique. D’un point de vue TVA, le vendeur étranger n’est donc plus réputé effectuer une vente au client britannique, et c’est la plateforme en ligne qui devient redevable de la TVA due sur la vente locale.
En outre, le vendeur non établi est réputé réaliser une vente taxable à taux 0 % à la plateforme, ceci afin qu’il puisse s’immatriculer à la TVA au Royaume-Uni et récupérer la TVA versée à l’importation par le biais de ses déclarations de TVA britannique. Il devra par ailleurs y reporter le montant des ventes réalisées en faveur des clients britanniques, alors même que c’est la plateforme de vente en ligne qui est en charge de la collecte de la TVA sur ces opérations.
Ce nouveau traitement s’applique dans la configuration suivante, quelle que soit la valeur de l’envoi en cause :
-les biens sont détenus par un vendeur non établi au Royaume-Uni ;
-les biens sont situés au Royaume-Uni au moment de leur vente ;
-le vendeur vend ses marchandises à un client britannique particulier (B to C) via une plateforme de vente en ligne ;
-la vente n’est pas effectuée à un client immatriculé à la TVA au Royaume-Uni.
Attention
Relations B to B : ces nouvelles règles ne s’appliquent pas si le client fournit à la plateforme de vente en ligne un numéro de TVA britannique valide. Il convient de noter que la plateforme n’est de son côté pas tenue de demander la communication de son numéro à son client : c’est à ce dernier de le fournir sur une base volontaire, à défaut la nouvelle règle « B to C » s’applique.
Tableau récapitulatif
Trois situations et autant de traitements TVA doivent être distingués (voir tableau ci-après).
Régimes spécifiques de TVA britannique | ||
---|---|---|
Type d’opération | Moment de réalisation de la vente | Obligation du vendeur |
Les ventes « B to C » s’effectuant sans l’intervention d’une plateforme de ventes en ligne | L’opération est assimilée à une vente directe entre le vendeur étranger et le client britannique. | Le vendeur étranger doit le cas échéant s’immatriculer à la TVA au Royaume-Uni. Ce dernier doit ainsi facturer, déclarer sur ses déclarations de TVA, collecter et verser au Trésor la TVA britannique. Le vendeur étranger doit par ailleurs produire des factures conformes à la législation britannique. |
Les ventes « B to C » s’effectuant par l’intermédiaire d’une plateforme de ventes en ligne | Pour la TVA, la vente domestique au Royaume-Uni est réputée s’effectuer entre la plateforme de ventes en ligne et le client britannique. | C’est la plateforme de ventes en ligne qui devient redevable de la TVA britannique et de son paiement. La plateforme de vente en ligne doit donc le cas échéant s’immatriculer à la TVA au Royaume-Uni. |
Les ventes « B to B » | Les règles sont les mêmes que pour les ventes directes « B to C ». Toutefois, un mécanisme d’autoliquidation de la TVA peut s’appliquer sur la vente domestique lorsque le client britannique assujetti à la TVA communique au vendeur son numéro de TVA britannique. |