8 - Impacts du Brexit en matière de fiscalité personnelle
Le retrait de l'UE a de multiples conséquences sur la fiscalité des particuliers. Les avocats de PwC Société d'Avocats en évoquent quelques-unes ci-après.
Fin de l'exonération de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine
Depuis l'imposition des revenus de 2018, la CSG et la CRDS sur les revenus du patrimoine ne sont pas dues par les personnes qui, à la fois (c. séc. soc. art. L. 136-6, I ter ; voir « Impôt sur le revenu », RF 1123, § 2457) :
-relèvent de la législation d'un autre État de l'UE ou de l'Espace économique européen (EEE : Islande, Norvège, Liechtenstein) ou de Suisse en matière d'assurance maladie ou encore du régime commun de sécurité sociale des institutions de l'UE, par application des dispositions du règlement européen 883/2004 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;
-ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire de sécurité sociale français. Selon l'administration fiscale, l'affiliation au régime d'assurance maladie doit être effective au 31 décembre de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie (31 décembre 2020 pour les revenus du patrimoine perçus ou réalisés en 2020, par exemple).
En conséquence, depuis le 1er janvier 2021, les résidents britanniques ne bénéficient plus de l’exonération de CSG et de CRDS sur les revenus du patrimoine, dans la mesure où le Royaume-Uni n'est plus soumis au règlement européen précité. Dès lors, les revenus du patrimoine sont soumis aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %, pour les revenus perçus ou réalisés à compter de cette date.
Organismes sans but lucratif britanniques exclus de la réduction d’impôt pour dons
En principe, les seuls organismes sans but lucratif étrangers éligibles à une réduction d’impôt sur le revenu de 75 % ou 66 % pour les dons et versements sont ceux dont le siège est situé dans un État membre de l’UE ou dans un autre État partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (CGI art. 200, 1 ; voir RF 1123, § 1319).
Par conséquent, les dons à des organismes sans but lucratif britanniques n’ouvrent plus droit à la réduction au titre du don. À notre sens, cette exclusion vaut pour les dons réalisés à compter du 1er janvier 2021.
Obligations déclaratives d'exit tax
Rappelons qu’en application du dispositif de l’exit tax, le transfert du domicile fiscal hors de France entraîne, sous certaines conditions, l’imposition à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes, des plus-values en report d'imposition et des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix (CGI art. 167 bis ; voir RF 1123, § 904).
En cas de transfert de domicile fiscal hors de France à partir du 1er janvier 2019, le sursis de paiement de l’impôt afférent aux plus-values et créances est accordé de plein droit, sans constitution de garanties, en cas de départ vers un État de l’UE ou vers tout autre État ou territoire (sauf État ou territoire non coopératif – ETNC – défini à l’article 238-0 A du CGI) ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement (CGI art. 167 bis, IV ; CGI, ann. II art. 41 tervicies A). Le Royaume-Uni disposant d’instruments juridiques d’assistance en matière de recouvrement et de lutte contre la fraude fiscale similaires à ceux existant entre États membres de l’UE, les opérateurs britanniques seront dispensés de désigner un représentant fiscal et le sursis de paiement automatique sans constitution de garanties continue de s’appliquer.
Éligibilité temporaire à certains régimes de titres dont l'émetteur est situé au Royaume-Uni
PEA et PEA-PME
Délai jusqu’au 30 septembre 2021 pour s’organiser
Principe
Pour être éligibles au PEA ou au PEA-PME, les titres doivent être émis par une société qui a son siège en France ou dans un autre État de l’UE ou de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et qui, par ailleurs, est soumise à l’IS ou à un impôt équivalent (c. mon. et fin. art. L. 221-31, I.4° et L. 221-32-2, 5 ; voir « Titres des dirigeants : quelle fiscalité ? », RF 2018-4, § 807).
Du fait du Brexit, les titres antérieurement inscrits au compte-titre d’un PEA ou PEA-PME émis par des sociétés dont le siège est situé au Royaume-Uni deviennent inéligibles aux PEA et PEA-PME à compter du 1er janvier 2021 (BOFiP-INT-DG-15-10-§ 50-11/03/2021).
Par ailleurs, des titres de sociétés ou d’OPCVM situés au Royaume-Uni ne peuvent plus être comptabilisés dans le quota minimum de 75 % d’investissement en titres de sociétés européennes exigé des organismes de placement collectif. Par suite, si l’organisme cesse de satisfaire au respect de ce quota, ses parts ou actions deviennent inéligibles à ces plans (voir § 8-7).
En outre, les titres ou parts acquis ou souscrits à compter du 1er janvier 2021 ne seront plus éligibles à ces plans.
Une ordonnance a toutefois tempéré les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l’UE à compter du 1er janvier 2021 sur les titres éligibles aux plans d’épargne en actions (PEA et PEA-PME) et sur le quota d'investissement des fonds de capital investissement pendant une période temporaire (ord. 2020-1595 du 16 décembre 2020, JO du 17) (arrêté du 22 décembre 2020, JO du 27, texte 29).
À noter
Exclus de l'accord commercial signé le 24 décembre 2020 entre le Royaume-Uni et l'UE, les services financiers ont fait l'objet de négociations spécifiques. Les deux parties ont en effet conclu un protocole d'accord post-Brexit de coopération sur la réglementation des services financiers. À l'heure où nous rédigeons ces lignes, cet accord n'a toutefois pas encore été signé. Le cas échéant, les mesures prises par l'ordonnance du 16 décembre 2020 seront susceptibles d'évoluer.
Mesures transitoires
L’ordonnance du 16 décembre 2020 prolonge l'éligibilité au PEA de ces titres, parts et actions acquis avant le 31 décembre 2020, pendant une période fixée à neuf mois par l'arrêté. Demeurent ainsi éligibles au PEA jusqu'au 30 septembre 2021 :
-les titres souscrits ou acquis avant le 31 décembre 2020 dont l’émetteur a son siège au Royaume-Uni ;
-les titres dont l’émetteur a son siège au Royaume-Uni et qui sont détenus par des organismes de placements collectifs qui emploient plus de 75 % de leurs actifs éligibles dans des sociétés établies dans l’UE ou l’EEE au 17 décembre 2020 ;
-les parts ou actions d’organismes de placements collectifs en valeurs mobilières établis au Royaume-Uni souscrites avant le 31 décembre 2020 qui emploient plus de 75 % de leurs actifs dans des titres émis par des PME-ETI dont au moins 2/3 en actions, parts et obligations.
Que faire des titres britanniques ?
Comme l’a indiqué l’administration, pendant la période transitoire de neuf mois, le titulaire du plan peut choisir (BOFiP-INT-DG-15-10-§ 90-11/03/2021) :
-soit de céder les titres en cause ;
-soit de retirer les titres du plan, en effectuant sur celui-ci, dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de ce retrait, un versement compensatoire en numéraire d’un montant égal à la valeur des titres appréciée à cette même date ;
-soit de retirer les titres du plan, sans effectuer de versement compensatoire. Dans ce cas, le désinvestissement en résultant constitue un retrait au sens de l'article L. 221-32 du code monétaire et financier. Dès lors, lorsque le retrait est opéré sur un plan ouvert il y a moins de cinq ans, il emporte clôture du plan (sauf exceptions prévues à l'article L. 221-32 du code précité, à savoir les retraits effectués pour cause de licenciement, invalidité, mise à la retraite anticipée ou financement de la création ou reprise d'une société). Le gain net de retrait est, sauf exceptions, imposable selon les règles des plus-values sur valeurs mobilières (CGI art. 200 A, 5 et 150-0 A ; voir RF 2018-4, § 831).
Ainsi en cas de cession ou retrait du plan dans le délai de neuf mois, et toutes autres conditions de l’ordonnance précitée étant en outre satisfaites, l'exonération d’IR (voir RF 2018-4, § 801) s'applique à l’intégralité du gain de cession et des produits afférents aux titres de sociétés établies au Royaume-Uni (sans qu'il y ait lieu de distinguer la part de la plus-value ou des produits afférente à la période antérieure ou postérieure au 31 décembre 2020).
Au terme de ce délai de neuf mois, si les titres en cause figurent toujours sur le plan, ce dernier est clos (CGI art. 1765), et les cotisations d'impôt résultant de cette clôture sont immédiatement exigibles.
Cas des parts de SICAV, FCP et OPCVM européens ne respectant plus le quota d’investissement de 75 %
Signalons qu’il revient à l'organisme de placement collectif (OPC), dans le délai de neuf mois (voir § 8-5), de modifier son actif afin de respecter de nouveau le quota d’investissements éligibles de 75 % à l’issue de ce délai sans tenir compte des titres de sociétés établies au Royaume-Uni. De manière continue pendant la totalité du délai de régularisation, l’OPC doit respecter le quota de 75 %, en tenant compte des titres de sociétés établies au Royaume-Uni acquis ou souscrits jusqu'à la fin de ce délai.
En conséquence, en matière de parts de SICAV, de FCP et d’OPCVM européens ne respectant plus le quota d’investissement de 75 % (BOFiP-INT-DG-15-10-§§ 110 à 140-11/03/2021) :
-si l’OPC décide de renoncer à satisfaire la condition tenant au quota minimum d’investissement à l’issue de la période d’adaptation, la société de gestion a dû en informer le teneur de compte du PEA avant le 1er mars 2021 (arrêté du 22 décembre 2020, art. 1, IV). Ce dernier doit alors informer le titulaire du plan de la perte d’éligibilité, avant le 1er mai 2021, en cas de perte d’éligibilité du titre détenu. Il revient alors au titulaire du plan de céder ou de retirer ses parts d’OPC ;
-si l’OPC décide de continuer à respecter les conditions d'éligibilité au PEA ou au PEA-PME, à l’issue de la période d’adaptation accordée, il revient à la société de gestion de l’OPC d’informer le teneur de compte (avant le 1er mars 2021) de son intention de respecter le quota de 75 % dans les conditions de droit commun à l’issue du délai de neuf mois. Les titulaires de plan n’ont alors aucune obligation de céder ni de retirer du plan les parts d’OPC concernées figurant dans le plan à la date de la fin de la période de transition pour conserver le régime fiscal de faveur.
Structures de capital risque
Sous certaines conditions, les distributions et gains afférents à des titres de certaines structures de capital risque (fonds communs de placement à risques – FCPR –, et les fonds d'investissement de proximité (FIP)) bénéficient d'une exonération d'impôt sur le revenu (CGI art. 163 quinquies B et 163 quinquies C ; voir RF 1123, § 795). Par ailleurs, la souscription de parts de FCPI et de FIP peut ouvrir droit à réduction d’impôt (CGI art. 150-0 A, III ; voir RF 1123, § 716). Ces avantages sont toutefois subordonnés à une condition de conservation des parts pendant cinq ans et à l’atteinte de quotas d’investissement (70 % ou 50 %, voire 20 %) dans certains titres de sociétés européennes par la structure.
À compter du 1er janvier 2021, les titres émis par des sociétés dont le siège se situe au Royaume-Uni ne sont en principe plus comptabilisés dans les quotas d'investissement. Ainsi, en cas de non-respect de ces quotas pour ce motif, d’une part, les nouvelles souscriptions ne donneront plus droit au régime fiscal de faveur et, d’autre part, les exonérations obtenues au titre des années antérieures comprises dans le délai de cinq ans suivant de telles souscriptions doivent en principe être remises en cause au titre de l’année 2021. Toutefois, l’ordonnance prévoit, s'agissant des FCPI et des FIP, que les titres financiers britanniques et les parts de société à responsabilité limitée britanniques éligibles acquis ou souscrits par ces fonds au plus tard le 31 décembre 2020 demeurent éligibles aux quotas d'investissement soit sans limite temporelle, soit pendant une période temporaire de 12 mois selon les mécanismes visés (BOFiP-INT-DG-15-10-§§ 320 à 410-11/03/2021).
À noter
Par exception, les FCPI et les FIP peuvent investir dans des sociétés britanniques après le 31 décembre 2020 lorsque le fonds s'est engagé à acquérir ou à souscrire des titres émis par ces sociétés dans le cadre de pactes d'actionnaires ou d'accords conclus avec la société émettrice (BOFiP-INT-DG-15-10-§ 390-11/03/2021).
Assurance-vie
Le Brexit entraîne en principe l'inéligibilité de certains titres britanniques (parts ou actions d'OPCVM) aux unités de compte proposées dans les contrats d'assurance-vie en France.
Un décret assure toutefois la continuité, sans limitation de temps, des parts ou actions des OPCVM régis par la réglementation du Royaume-Uni et souscrites avant le 1er janvier 2021 en tant qu'actifs constituant des unités de compte. Les titres concernés ne peuvent plus faire l'objet de nouvelles souscriptions ou de nouveaux choix d'arbitrage dans le cadre de contrats existants (décret 2021-262 du 9 mars 2021, JO du 11, texte 9 ; c. ass. art. R. 332-14, al. 2 nouveau).