7 - Impacts du Brexit en matière de mobilité internationale
La nécessité d'un titre de séjour, l'influence du retrait du Royaume-Uni sur les détachements en cours, les obligations d'affiliation aux organismes de sécurité sociale sont des questions régulières pour les populations en mobilité.
Droit de circulation
Distinction entre les salariés britanniques déjà en France au 31 décembre 2020…
Il convient de distinguer la situation des salariés britanniques déjà en France au 31 décembre 2020 de ceux arrivés après.
Les ressortissants britanniques et les membres de leur famille résidant en France ou installés en France avant le 31 décembre 2020 doivent engager une procédure en ligne de demande de titre de séjour avant le 1er juillet 2021 (https://contacts-demarches.interieur.gouv.fr/brexit/brexit-demande-titre-sejour/). Une fois le dossier instruit, un courriel sera adressé au demandeur par les services de la préfecture afin de fixer un rendez-vous en préfecture pour finaliser la demande (réception de la photographie et prise d'empreintes). Le titre de séjour sera ensuite adressé au demandeur par voie postale. Ce dernier est gratuit.
Dans le cadre de cette procédure en ligne, ceux qui peuvent justifier d’un séjour en France depuis plus de 5 ans bénéficieront d’un droit au séjour permanent. En revanche, ceux qui ne peuvent pas justifier d’une telle durée de résidence bénéficieront d’un droit au séjour sous réserve d’apporter la preuve de leur statut (actif, inactif, étudiant, profession libérale).
Sont exclus de la procédure en ligne :
-les frontaliers (éligibles à un visa de circulation à demander en préfecture),
-les salariés britanniques ou de pays tiers détachés par une entreprise britannique (non concernés par l’accord de retrait),
-les conjoints des ressortissants de l’UE (éligibles à un titre de séjour à demander directement en préfecture).
Les mineurs (moins de 18 ans) sont dispensés de l’obligation de détenir un titre de séjour. Ils n’ont pas à effectuer de demande en ligne.
Les titres de séjour UE délivrés, avant l’accord de retrait, aux ressortissants britanniques et aux membres de leur famille ne seront plus valides à compter du 1er octobre 2021. Il convient d'effectuer une demande en ligne afin d'obtenir un titre de séjour portant la mention « accord de retrait du Royaume-Uni de l'UE ».
À noter
La possession d'un titre de séjour sera obligatoire à compter du 1er octobre 2021 pour toute personne âgée de plus de 18 ans. Jusqu’à cette date, les droits en matière de séjour et de travail, ainsi que l’intégralité des droits sociaux sont maintenus.
Salariés de l'UE travaillant côté britannique
À l'inverse, les ressortissants de l’UE qui sont arrivés au Royaume-Uni au 31 décembre 2020 sont autorisés à rester dans ce pays avec les membres de leur famille. En outre les mesures suivantes ont été prises :
-les membres de la famille peuvent les rejoindre à tout moment en demandant un permis familial d’outre-mer – à condition que la relation existe avant le 31 décembre 2020 ;
-tous doivent s’inscrire au programme de règlement de l’UE d’ici le 30 juin 2021. Après 5 ans, la résidence continue peut être admissible au statut d’établissement (résidence permanente) ;
-ils sont autorisés à travailler pour n’importe quel employeur sans autre autorisation de travail ou parrainage de l’entreprise ;
-les travailleurs frontaliers peuvent demander un permis de travailleur frontalier (ce qui leur permet de se rendre au Royaume-Uni pour une date d’une cinquantaine d’années sans restrictions).
… et ceux arrivés à compter du 1er janvier 2021
D’un point de vue de l’immigration, les ressortissants britanniques sont assujettis aux règles de droit commun sauf rares exceptions saisies dans l’accord de retrait.
Ainsi une dispense de visa Schengen est mise en place pour les séjours de 90 jours consécutifs ou non sur une période de 180 jours. Toutefois, à l’entrée en France, les ressortissants britanniques devront être en mesure de présenter des justificatifs d’hébergement, de couverture médicale, de motif du séjour, voire éventuellement une autorisation de travail selon les circonstances.
Pour les longs séjours, les ressortissants britanniques devront être munis d’un visa de long séjour délivré en fonction de leur situation, et devront enclencher une demande de titre de séjour ou d’enregistrement OFII à leur arrivée en France.
Salariés de l'UE entrant au Royaume-Uni
À l’inverse, les ressortissants de l’Union européenne entrant au Royaume-Uni sont traités de la même manière que les ressortissants non membres de l’UE à savoir :
-des autorisations de travail et visas sont requis dans le cadre du nouveau système d’immigration ; à des fins professionnelles, il s’agit généralement d’un travailleur qualifié parrainé ou d’un visa de transfert intra-entreprise (TIC) ;
-certains visas conduisent à la résidence permanente après 5 ans ;
-il existe une exemption de visa de visiteur pour voyager au Royaume-Uni pendant moins de 6 mois où les activités sont limitées aux activités des visiteurs d’affaires.
Détachement en droit de la sécurité sociale
Focus sur la coordination en matière de sécurité sociale
Dans le nouvel accord de commerce et de coopération (voir § 6-2), un protocole dédié à la sécurité sociale a été publié et reprend les grandes lignes de la législation applicable au sein de l’UE.
La durée d’application de ce protocole est fixée à 15 ans. Le Royaume-Uni et l’UE pourront décider entre-temps de le prolonger et/ou de l’actualiser.
En application de ce protocole et s’agissant de la détermination de la législation applicable, et donc du régime auprès duquel les cotisations doivent être acquittées, les dispositions du Règlement (CE) n° 883/2004 sont pour la plupart reprises, à l'exception de la procédure dérogatoire, communément appelée « Article 16 », qui permettait notamment d’obtenir des certificats de détachement de cinq voire six ans.
Le principe de l'unicité de la législation applicable est affirmé. Les règles de pluriactivité continuent de s'appliquer, peu importe que la situation ait pris effet avant ou après le 1er janvier 2021 (voir § 7-6). La règle du détachement pour une période limitée à 24 mois continue également de s’appliquer (voir § 7-5).
À noter
Les situations ayant pris effet avant le 1er janvier 2021 et qui se poursuivent après cette date ont vocation à être appréhendées en tout point par le Règlement (CE) n° 883/2004. À la différence de celles qui prennent effet à compter du 1er janvier 2021, elles peuvent par conséquent, sous réserve de l’accord des autorités britanniques et françaises, bénéficier d’un maintien au régime de sécurité sociale du pays d’envoi (et ainsi d’une exonération corrélative dans le pays d’activité), pendant cinq voire six ans.
S’agissant des prestations, il convient d’observer que les prestations familiales ne sont pas concernées par le Protocole, lequel exclut par ailleurs l’exportabilité des prestations chômage et invalidité (la législation française permettant néanmoins l’exportation des pensions d’invalidité, celles-ci continuent à être exportables pour les pensionnés résidant au Royaume-Uni). La possibilité de bénéficier – sous certaines conditions (strictes) – des prestations chômage prévues par l’État de résidence même sans y avoir cotisé en dernier lieu n’est pas non plus reprise.
Pour le reste, aucun changement important ne semble devoir s'appliquer. Les principes de totalisation, d'assimilation (des faits), d'égalité de traitement et de levée des clauses de résidence sont maintenus.
Effets sur les détachements en cours
Les travailleurs indépendants et les salariés en mission au Royaume-Uni avant le 1er janvier 2021 et bénéficiant à ce titre d’un certificat de législation applicable « A1 » délivré par les autorités françaises (attestant de l’exonération des cotisations britanniques) continuent à en bénéficier dans les mêmes conditions prévues par la législation européenne. Ils sont susceptibles d’obtenir la prolongation de ce certificat après le 31 décembre 2020 selon les conditions fixées par la réglementation européenne et, si les conditions de la mission restent inchangées, pendant une période pouvant atteindre cinq, voire six ans.
Effets sur les détachements ayant pris effet à compter du 1er janvier 2021
Les travailleurs indépendants régulièrement immatriculés en France devant accomplir au Royaume-Uni une mission de 24 mois ou moins, et les salariés détachés par leur employeur français au Royaume-Uni pour une période n’excédant pas 24 mois peuvent être maintenus au régime français de sécurité sociale et corrélativement exonérés du paiement de cotisations au Royaume-Uni sous réserve d’obtenir un certificat de législation applicable « A1 » délivré par les autorités françaises.
Si la mission professionnelle en cause est initialement prévue pour plus de 24 mois, une affiliation au régime britannique de sécurité sociale doit être envisagée dès le début de la mission.
Si cette mission doit être prolongée au-delà de 24 mois, la période excédant ce seuil devra faire l’objet d’un assujettissement au Royaume-Uni.
Effets sur les activités professionnelles poursuivies en France et au Royaume-Uni (« pluriactivité »)
Toute(s) activité(s) professionnelles(s) régulièrement exercée(s) en France et au Royaume-Uni, ayant pris effet avant ou après le 1er janvier 2021, échappe(nt) au double assujettissement en France et au Royaume-Uni. Ces situations dites de « pluriactivité » doivent relever d’une seule législation (nationale) de sécurité sociale. Les règles qui permettent de déterminer cette législation et d’obtenir ainsi un certificat « A1 » (afin d’être exonéré du paiement des cotisations dans l’autre pays) restent les mêmes.
Par exemple, un salarié français travaillant pour le compte d’un employeur français en France et au Royaume-Uni où il réside doit être assujetti au régime anglais de sécurité sociale s’il exerce au Royaume-Uni au moins 25 % de son temps de travail ou au régime français dans le cas contraire.
Droits à la retraite et à l’assurance chômage
Les périodes d’emploi accomplies au Royaume-Uni avant le 1er janvier 2021 ou à compter de cette date seront prises en compte pour la liquidation des droits à la retraite (de base) en France, et inversement.
De la même manière, les périodes d’emploi britanniques, accomplies avant ou après le 1er janvier 2021, pourront, si nécessaire, être prises en compte par Pôle Emploi pour examiner le droit à l’Allocation de Retour à l’Emploi (et inversement).
Pas d’obligation d’affiliation à Pôle Emploi des salariés expatriés au Royaume-Uni
Dès lors que le contrat de travail n’est pas rompu, et donc même s’il est suspendu et qu’un contrat de travail est conclu avec la société étrangère d’accueil, les employeurs français sont tenus d’affilier à Pôle Emploi leurs salariés expatriés en dehors de l’Espace Économique Européen et de la Suisse.
La question se pose donc de savoir si une telle obligation s’applique pour les salariés expatriés au Royaume-Uni à compter du 1er janvier 2021. En application du Protocole de sécurité sociale conclu entre le Royaume-Uni et l’UE, il convient d’écarter cette obligation et d’en déduire que les employeurs français ne doivent pas affilier à Pôle Emploi leurs salariés expatriés au Royaume-Uni.