10 - Impacts du Brexit en matière de fiscalité des groupes de sociétés
Lorsque pour bénéficier de certains régimes favorables (régime mères-filles, exonération de retenue à la source…), l'une des conditions est la localisation de la société dans l'UE, l'administration fiscale fait preuve de tolérance afin de laisser une chance aux sociétés de s'organiser.
Incidence sur le périmètre de l'intégration fiscale
L’administration fiscale a déjà commenté les dispositions de la loi de finances pour 2019 destinées à anticiper les conséquences fiscales du retrait d'un État de l’Union Européenne ou de l’accord sur l’Espace Économique Européen (EEE) sur les groupes intégrés fiscalement (BOFiP-IS-GPE-50-60-40-11/03/2021 ; voir FH 3846, §§ 5-2 et s.).
Rappelons que, après la date de la clôture des exercices ouverts avant le 31 décembre 2020, si une société britannique d’un groupe intégré a la qualité d’entité mère non résidente, le groupe cessera, entraînant toutes les conséquences de la cessation d’un groupe, sauf si une société étrangère (au sens du régime de groupe fiscal et qui en remplit les conditions) se substitue en tant que nouvelle entité mère non résidente (BOFiP-IS-GPE-50-60-40-§ 30-11/03/2021).
De la même manière, si une société britannique d'un groupe intégré a la qualité de société étrangère ou de société intermédiaire, toutes ses filiales et sous-filiales sortiront du groupe, entraînant toutes les conséquences de la sortie d’un membre du groupe. Les groupes disposent, sous conditions, de possibilités pour éviter ou atténuer ces conséquences, en reclassant au sein du groupe les titres des filiales concernées, en modifiant la forme de leur option pour le régime, ou en faisant absorber la société mère par un membre du groupe qui se constitue nouvelle société mère.
Quote-part de frais et charges égale à 1 % maintenue en cas de distributions intragroupe ouvrant droit au régime mères-filles
Pour rappel, le régime mères-filles est un dispositif optionnel permettant aux sociétés mères de bénéficier de l'exonération des dividendes reçus de leurs filiales, sous réserve de la taxation d'une quote-part de frais et charges fixée forfaitairement à 5 % du produit total des participations, crédits d'impôt étrangers compris, quel que soit le montant des frais et charges exposés (CGI art. 145 ; voir « Groupes de PME », RF 2019-5, § 1220).
Ce régime n’est pas conditionné à l’établissement de la filiale distributrice dans l’UE (hors ETNC). Dès lors, la société mère française recevant des produits d’une filiale britannique ne sera pas privée du bénéfice de ce régime du seul fait du Brexit.
Dans le cadre du régime de l’intégration fiscale, le taux de la quote-part de frais et charges est fixé à 1 % pour les distributions internes au groupe ainsi que pour les distributions reçues par des sociétés intégrées ou des sociétés françaises non intégrées de filiales européennes (voir FH 3843, §§ 7-1 à 7-5).
En principe, à compter du 31 décembre 2020, date à laquelle a pris fin la période de transition, les sociétés britanniques ne pourront plus satisfaire à la condition d’établissement dans l’UE ou l’EEE. En conséquence, à compter des exercices clos à compter du 31 décembre 2020, la quote-part de frais et charges correspondant aux distributions provenant de ces sociétés devrait s’appliquer au taux de 5 % si le régime mères-filles est appliqué et, dans le cas contraire, la distribution devrait demeurer comprise pour son montant total dans le résultat de la société bénéficiaire.
Aussi, l'administration admet que les produits perçus par la société bénéficiaire de la distribution à raison de participations dans des sociétés établies au Royaume-Uni jusqu’à la clôture de l’exercice clos le 31 décembre 2020 ou en cours à cette date, seront réputés provenir de sociétés établies dans l’UE. Après la clôture de ces exercices, les produits de participation éligibles au régime mères-filles provenant de filiales établies au Royaume-Uni donneront lieu à l’application d’une quote-part de frais et charges calculée au taux de 5 % (BOFiP-RES-000035-11/03/2021 ; BOFiP-INT-DG-15-20-11/03/2021).
Néanmoins, cette mesure de tempérament ne s'applique pas aux distributions mises en paiement après la clôture du dernier exercice ouvert par la société distributrice avant le 31 décembre 2020, quelle que soit la date de l'assemblée générale (AG) des actionnaires ayant décidé du versement du dividende et quel que soit l'exercice comptable au cours duquel le résultat de la filiale ainsi distribué a été réalisé.
À noter
Cette tolérance administrative s'applique également (BOFiP-INT-DG-15-20-§§ 20, 30 et 40-11/03/2021) :
-aux produits de participation n'ouvrant pas droit au régime mères-filles perçus par une société intégrée d'une filiale établie dans l'EEE et qui sont retranchés du résultat d'ensemble à hauteur de 99 % de leur montant (CGI art. 223 B, al.3 ; voir FH 3843, §§ 7-7 et 7-8) ;
-aux produits de participations ouvrant droit ou non au régime mères-filles, perçus par une société française membre d'un groupe intégré pendant l'exercice clos le 31 décembre 2020 ou en cours à cette date provenant de filiales européennes qui sont détenues par une société intermédiaire, une société étrangère au sens de l'article 223 A, I.al. 2 du CGI ou par une entité mère non résidente établie au Royaume-Uni ;
-aux produits de participations provenant de filiales britanniques versés à leurs sociétés mères françaises dites « isolées », c’est-à-dire à des sociétés qui ne sont pas en mesure d’appartenir à un groupe fiscal, mais qui pourraient en former un avec leurs filiales européennes si celles-ci étaient établies en France.
Exemples
Une société clôture son exercice le 31 décembre 2020.
Elle perçoit, le 30 septembre 2020, un dividende d'une société britannique. Sous réserve de réunir les conditions d'application des distributions intragroupe ouvrant droit au régime mère fille, la quote-part de frais et charges correspondant à ce dividende est calculée au taux de 1 %.
En revanche, un dividende versé par la même société britannique le 30 septembre 2021 ne pourra plus bénéficier de la mesure de tempérament et la quote-part de frais et charges sera calculée au taux de 5 % de son montant.
La société mère clôture le 31 mars 2021 son exercice ouvert le 1er avril 2020 et le dividende est versé le 15 février 2021. Le dividende peut bénéficier de la mesure de tempérament car il a été perçu au cours d'un exercice ouvert avant le 31 décembre 2020.
Taux de retenue à la source appliqué aux dividendes de source française reversés à une entreprise britannique
La distribution de dividendes entre une société filiale française et une société mère qui a son siège dans un État de l’UE ou dans un autre État partie à l'accord sur l'EEE ayant conclu avec la France une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale est exonérée de la retenue à la source (CGI art. 119 ter). Cette exonération ne s’applique que sous certaines conditions, notamment si la société mère détient une participation minimale de 10 %, voire 5 % (voir « Dividendes – Distributions », RF 2020-4, § 1617).
Du fait du Brexit, les sociétés britanniques ne pourront plus bénéficier de cette exonération de retenue à la source sur les dividendes de source française prévue en droit interne, sous réserve de l’application éventuelle de la convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni (BOFiP-INT-DG-15-20-§ 60-11/03/2021).
Toutefois, il est admis que cette exonération de retenue à la source s’applique à l’ensemble des distributions mises en paiement au cours de l’exercice ouvert avant le 31 décembre 2020 par une société française au profit de sa société mère britannique, sous réserve du respect des autres conditions prévues par l’article précité (à l'exception de la condition de localisation de la société mère dans l'UE ou l'EEE).
À noter
Cette mesure de tempérament ne s'applique donc pas aux distributions mises en paiement après la clôture du dernier exercice ouvert par la société distributrice avant le 31 décembre 2020, quelle que soit la date de l'AG des actionnaires ayant décidé du versement du dividende et quel soit l'exercice comptable au cours duquel le résultat de la filiale française ainsi distribué a été réalisé.
Exemples
Une société française dont l'exercice se clôture le 30 septembre 2020 verse le 15 janvier 2021 un dividende à une société britannique. Ce dividende bénéficie de l'exonération de retenue à la source sous réserve du respect des autres conditions prévues à l'article 119 ter du CGI.
Une société française dont l'exercice se clôture le 31 décembre 2020 verse le 15 janvier 2021 un dividende à une société britannique. La mesure de tempérament ne s'applique plus et la retenue à la source prévue à l'article 119 bis, 2 du CGI est applicable, sous réserve de l'application de la convention fiscale conclue entre la France et le Royaume-Uni.
Après la date de la clôture de l'exercice ouvert avant le 31 décembre 2020, sauf cas particuliers, deux situations sont à distinguer (convention fiscale franco-britannique, art. 11, 1) :
-les dividendes sont versés par une entreprise française à une entreprise britannique qui détient, directement ou indirectement, moins de 10 % du capital de l’entreprise française. Dans ce cas, le taux de la retenue à la source ne pourra excéder 15 % en application de la convention fiscale franco-britannique ;
-les dividendes sont versés par une entreprise française à une entreprise britannique qui détient, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital de l’entreprise française. Aucune retenue à la source n'est due en France en application de la convention.
Traitement fiscal des transferts de siège ou d'établissement
Le transfert du siège ou d’un établissement hors de France, dans un État autre qu'un État membre de l'UE ou qu'un État partie à l'EEE, emporte les conséquences d’une cessation d’entreprise et l’imposition immédiate à l'IS (CGI art. 221, 2 ; BOFiP-INT-DG-15-20-§ 120-11/03/2021).
Lorsque le transfert du siège ou d'un établissement est réalisé vers un État de l'UE ou de l'EEE et qu'il s'accompagne du transfert d'un ou plusieurs éléments de l'actif immobilisé, l'IS est dû à raison des plus-values latentes constatées sur les éléments de l'actif immobilisé transférés et des plus-values en report ou en sursis d'imposition sur ces mêmes éléments. Toutefois, la société peut opter soit pour le paiement immédiat de l’impôt dû, soit pour son étalement sur cinq ans.
Dans certaines situations, notamment lors du transfert d'un ou plusieurs actifs vers un État situé hors de l’UE ou de l'EEE dans le délai de cinq ans, l’imposition dont le paiement a été étalé devient immédiatement exigible (CGI art. 221, 2. al. 6).
S'agissant des transferts de siège ou d'établissement vers le Royaume-Uni intervenus au plus tard le 31 décembre 2020 pour lesquels la société a opté pour le paiement fractionné de l'IS sur cinq ans, il est admis que l’étalement de l’imposition due soit maintenu jusqu'à son terme (sauf survenance d'un autre événement mentionné à l'article 221, 2.al. 6 du CGI). En revanche, en cas de transfert du siège ou d'un établissement vers le Royaume-Uni postérieurement à la date du 31 décembre 2020, les conséquences d'une cessation d'entreprise s'appliquent.
Traitement fiscal des produits d'OPCVM investis en actions au Royaume-Uni
Les sociétés soumises à l’IS sont en principe imposées à la clôture de chaque exercice sur les écarts de valeur liquidative des titres de certains organismes de placement collectif (OPC) français ou étrangers (CGI art. 209-0 A). Par exception, l'imposition sur les écarts de valeurs liquidative ne s'applique pas aux parts ou actions d’OPC établis dans l’UE et dont l’actif est composé de façon constante à 90 % au moins d’actions ou de titres comparables émis par des sociétés ayant leur siège dans l’UE et qui sont soumises à l’IS ou à un impôt équivalent (OPC « actions ») (CGI art. 209-0 A, 1°. al. 6 à 8). Les sociétés détenant des parts ou actions d'OPC « actions » sont alors imposées lors de la cession effective des titres.
Du fait du Brexit, en principe, à compter du 31 décembre 2020, les OPC établis au Royaume-Uni ne satisfont plus à la condition de localisation dans l'UE et les sociétés françaises détentrices de leurs titres sont imposées à la clôture de chaque exercice sur les écarts de valeur liquidative. En outre, les titres de sociétés britanniques ne seront plus pris en compte pour l'appréciation du quota de 90 % des OPC « actions », y compris lorsque l'OPC lui-même est établi en France ou dans un autre État de l'UE.
Toutefois, s'agissant des OPC « actions » britanniques ou des participations détenues dans des sociétés britanniques par des OPC « actions », l'administration admet que la condition relative à la localisation dans l'UE, respectivement de l’OPC ou des sociétés dont les titres sont détenus par l’OPC, est réputée satisfaite jusqu’à la clôture du dernier exercice ouvert avant le 31 décembre 2020 (BOFiP-INT-DG-15-20-§ 170-11/03/2021).
Exemple
Une société à l'IS, qui clôture ses exercices au 31 décembre, détient des parts d'un OPC « actions » français, dont l'actif, composé à 95 % d'actions de sociétés établies dans l'UE, comprend 20 % de titres de sociétés britanniques et 75 % de titres de sociétés établies dans d'autres États de l'UE.
Pour l'exercice clos le 31 décembre 2020, ses gains réalisés par ses porteurs de parts restent éligibles à la dispense d'imposition des écarts de valeur liquidative.
Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2021, si l'OPC n'a pas modifié la composition de son actif afin de respecter le quota de 90 % de titres de sociétés situées dans l'UE, la société porteuse de parts sera imposée à l'IS sur les écarts de valeur liquidative si elle détient toujours les parts de l'OPC à la clôture de l'exercice.