3 - Réforme des régimes de retraite à prestations définies
La loi PACTE prévoit la transposition de la directive 2014/50/UE du 16 avril 2014 du Parlement et du Conseil relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres de l’Union Européenne en ce qui concerne les retraites supplémentaires.
Elle implique la transformation des régimes de retraite à prestations définies dits « art. 39 ».
Loi définitivement adoptée le 11 avril 2019, art. 197
L'essentiel
Les entreprises ont intérêt à anticiper la réforme à venir. / 3-1
Objet
Transposition de la directive européenne 2014/50/UE
La loi PACTE habilite le Gouvernement à prendre des mesures par ordonnance afin de transposer la directive 2014/50/UE « relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres en améliorant l’acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire ».
À noter
Les lecteurs ne doivent pas se méprendre sur le terme de « retraite complémentaire » visé notamment par la directive 98/49/CE du 29 juin 1998 (JOUE L 209/46 du 25 juillet 1998) et repris par la directive 2014/50/UE du 16 avril 2014.
Il s’agit de la terminologie utilisée en droit de l’Union européenne, mais en France, on utilise le terme de « retraite supplémentaire ».
La directive définit le « régime complémentaire de pension » comme « tout régime professionnel établi conformément à la législation et la pratique nationale, tel qu’un contrat d’assurance de groupe, un régime par répartition conclu par une ou plusieurs branches ou par un ou plusieurs secteurs, un régime par capitalisation ou une promesse de retraite garantie par des provisions au bilan des entreprises, ou tout autre dispositif collectif ou comptable, destiné à servir une pension complémentaire à des travailleurs salariés ou non-salariés » (dir. 98/49/CE art. 3).
Le projet de loi fixait le délai d’habilitation à 12 mois à compter de la promulgation de la loi. Le délai de transposition de cette directive étant expiré depuis le 21 mai 2018 (dir. 2014/50/UE, art. 8), le législateur impose au pouvoir exécutif d’agir dans un délai réduit à six mois courant à partir de la promulgation de la loi (loi art. 197, I). Le gouvernement devra donc, dans ce délai, prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de ladite directive. Un projet de loi de ratification sera alors déposé trois mois après la publication de cette ordonnance (loi art. 197,II).
Autrement dit, compte tenu de ce délai restreint, les entreprises vont devoir rapidement adapter leurs régimes de retraite à prestations définies et ont tout intérêt à anticiper la réforme des régimes de retraite supplémentaire annoncée par la loi PACTE. En effet, une ordonnance entre en vigueur dès le lendemain de sa publication au Journal Officiel, sachant qu’il faut, au préalable, que le Gouvernement y ait été habilité par le Parlement pendant un délai limité.
Ratification de l’ordonnance. On rappelle qu’une ordonnance est une mesure prise par le Gouvernement dans des domaines juridiques relevant normalement de la loi (et donc de la compétence du Parlement). Aux termes de l’article 38 de la Constitution, dans le cas où le Gouvernement prend des mesures par ordonnance, un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Le Parlement peut approuver cette ordonnance et, dans ce cas, elle a la valeur d’une loi. Le Parlement peut ne pas ratifier cette ordonnance et, dans un tel cas, elle conserve une valeur purement réglementaire.
Régimes de retraite concernés
La directive concerne principalement les contrats à prestations définies et les contrats à droits aléatoires dits « article 39 » régis par l’article 39 du Code Général des Impôts (voir « Détermination du résultat fiscal », RF 1101, §§ 552 à 554).
Rappelons que le régime de retraite dit « article 39 » est un régime de retraite à prestations définies. De nature collective et à adhésion obligatoire, il est financé par l’employeur selon ses capacités financières. Le régime de retraite est mis en place pour tous les salariés ou pour une catégorie homogène d’entre eux. À la retraite, les salariés concernés bénéficient d'une rente viagère dont le montant est fixé par le régime.
Les contributions des employeurs au financement des régimes des retraites supplémentaires à prestations définies sont soumises à un régime spécifique distinct de celui des autres contributions au financement des régimes de retraites supplémentaires (c. séc. soc. art. L. 136-1-1, III.2°.e et art. L. 137-11 ; voir « Les cotisations sociales de l’entreprise », RF 1095, §§ 4600 à 4636).
L’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale les exclut de plein droit et sans limitation de l’assiette des cotisations sur salaires, de la CSG et de la CRDS.
Toutefois, ces sommes sont soumises à une contribution patronale spéciale affectée au Fonds de réserve des retraites, à un taux élevé. De plus, la rente viagère est soumise à cotisations, CSG, CRDS et à une contribution spécifique (c. séc. soc. art. L. 137-11-1).
Amélioration des règles relatives à l’acquisition et la préservation des droits à pension
Une nouvelle condition d’acquisition des droits
Le Gouvernement devra prendre, par ordonnance, les mesures visant à établir l'interdiction de conditionner l'acquisition définitive des droits à retraite supplémentaire à une présence des bénéficiaires dans l'entreprise au-delà d'une période de trois ans. Il sera donc mis fin aux régimes de retraite à prestations définies dits « art. 39 » qui supposent la présence de leur bénéficiaire dans l’entreprise à l’achèvement de leur carrière.
En effet, la directive exige que les droits à retraite supplémentaire soient acquis au-delà d’une période qui ne peut excéder 3 ans pour les travailleurs « sortants », à savoir, selon l’article 3 de la directive, un affilié actif dont la relation de travail prend fin et qui se déplace entre les États membres de l’Union Européenne.
La loi PACTE, élargit, quant à elle, la portée de cette législation européenne, en garantissant ces droits à pensions à tous les bénéficiaires des retraites à prestations définies.
Cette interdiction devrait être établie, selon le texte, dans le respect des droits constitués antérieurement à la transposition de la directive. Autrement dit, des dispositions transitoires seront prises pour garantir les droits qui ont été constitués antérieurement à la transposition (loi art. 197, I.1°.a).
Des nouvelles règles d’information des bénéficiaires
Le Gouvernement doit également prendre, par ordonnance, des mesures permettant d’établir les dispositions garantissant l'information des bénéficiaires sur leurs droits et sur les conséquences de leurs choix de carrière sur ces derniers (loi art. 197, I.1°.c).
Ce droit à l’information est décrit de manière exhaustive par la directive.
L’ordonnance transposera donc les dispositions de l’article 6 de la directive selon lesquelles l’information doit être relative :
-aux conditions d’acquisition des droits à pension complémentaire et aux conséquences de l'application de celles-ci lors d'une cessation d'une relation de travail ;
-à la valeur de ces droits ;
-aux conditions de traitement futur des droits à pension dormants. Les droits à pension dormants sont, au sens de la directive « les droits à pension acquis maintenus dans le régime dans lequel ils ont été accumulés par un bénéficiaire différé » (dir. 2014/50/UE art. 3).
Par la transposition de la directive de 2014 (dir. 2014/50/UE), la France devra mettre en place un système d’information des bénéficiaires par lequel ces derniers pourront obtenir des informations concernant :
-la valeur de leurs droits à pension dormants ;
-les conditions régissant le traitement de ces droits à pension.
Ces informations devront être communiquées par écrit de manière claire dans un délai raisonnable.
Des dispositions transitoires
Par ordonnance, seront édictées des dispositions transitoires pour les régimes de retraite à prestations définies existants qui conditionnent la constitution de droits à prestations à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise (loi art. 197, I.1°.b).
Mesures relatives à la modernisation du cadre juridique
Évolution du financement
L’article 197 de la loi habilite, dans un second temps, le Gouvernement à prendre, par ordonnance, dans le délai de six mois précité (voir § 3-1), des mesures qui relèvent du domaine de la loi nécessaires à l’évolution et l’adaptation du cadre juridique des régimes de retraite à prestations définies.
Les mesures ont, en premier, lieu pour objet d’adapter le régime social et fiscal de faveur applicable au versement des employeurs et aux rentes versées aux bénéficiaires (loi art. 197, I.2°.a), dans une logique de simplification et afin de le mettre en cohérence avec les autres dispositifs de retraite supplémentaire.
Plafonds d’acquisition des droits
L’ordonnance devra prévoir des plafonds d’acquisition des droits à retraite supplémentaire versés sous forme de rentes viagères (loi art. 197, I. 2°.b).
Autrement dit, seront fixées des limites dans lesquelles les droits à retraites supplémentaires pourront être constitués.
Conditions de bénéfice des droits
Enfin, les mesures qui devront être prises par ordonnance viseront à déterminer les modalités selon lesquelles le bénéfice des droits à prestations peut être subordonné à des critères individualisables comme celui des performances professionnelles du bénéficiaire (loi art. 197, I.2. d).