1 - La loi PACTE et les retraites supplémentaires : état des lieux
La loi PACTE s’inscrit dans le processus, en cours depuis de nombreuses années, de transformation des règles encadrant les dispositifs de retraite « supplémentaire ». Explications.
Loi définitivement adoptée le 11 avril 2019
Les multiples dispositifs
Compléter les régimes de retraite obligatoire
Si la dénomination « fonds de pension » semble être taboue en France, il n’en demeure pas moins qu’existent de nombreux dispositifs destinés à générer un revenu complétant les pensions de retraite, à titre obligatoire ou facultatif. Ceux-ci s’ajoutent aux contrats d’assurance « en cas de vie », dans lesquels l’événement garanti est la perte de revenu qui découle de la fin de l’activité professionnelle qu’il s’agit de compenser – partiellement – et qui est souvent complétée par une assurance en cas de décès de l’assuré, produit d’épargne favori des Français.
Certains d’entre eux sont ouverts à tous, tel le plan épargne populaire (PERP), une assurance collective dédiée. Mais les retraites supplémentaires sont souvent liées à un statut socio-professionnel : salarié, indépendant, fonctionnaire, fonctionnaire hospitalier (voir § 2-1).
Des engagements de l'entreprise
Les options de l’employeur
Les engagements de retraite d’une entreprise privée envers ses salariés ou ses dirigeants résultent d’une combinaison de choix, soit de l’employeur lorsque la décision de mise en place est unilatérale, soit des partenaires sociaux – d’entreprise ou de branche - lorsque celle-ci résulte de la négociation collective.
La nature de l’engagement relève pareillement de la liberté contractuelle : le choix est alors celui d’un régime à prestations définies ou d’un régime à cotisations définies.
Les régimes à prestations définies
Dans les régimes à prestations définies, l’entreprise garantit, par convention, un niveau de prestations. Il y a « engagement de résultat ». Ces régimes sont couramment désignés sous l’appellation « régimes article 39 » en référence à l’article du code général des impôts qui définit les règles de déductibilité des charges des entreprises (voir § 3-2).
Les plans d’épargne retraite
Dans les régimes dits « à cotisations définies », l’entreprise (et le cas échéant le salarié) ne s’engage que sur le financement du système. L’employeur alimente un fonds (nécessairement géré par une entité distincte) pour le compte de chaque salarié affilié en fonction de certains critères définis au moment de la mise en place. Les cotisations, patronales et salariales, sont soit converties en points, soit investies dans des supports financiers donnant droit à l'attribution d'unités de compte, soit exprimées en euros. Il y a dans tous les cas accumulation d’un capital, et à partir du jour de la retraite les pensions sont prélevées sur ce capital.
Ces régimes sont aussi dits « régimes article 83 » (régimes à adhésion obligatoire des salariés) permettant de garantir le versement d’une rente viagère que le salarié soit ou non présent dans l’entreprise au moment de son départ à la retraite.
L'entreprise peut également, par convention d’entreprise ou décision unilatérale, décider d’affecter une partie de l’épargne salariale à la constitution d’un capital versé au moment du départ à la retraite ou transformable en rente viagère, comme c’est le cas pour le plan d’épargne retraite collectif (PERCO).
Ces régimes sont couramment dénommés plans d’épargne retraite (voir § 2-1).
Des caractéristiques communes
Dispositifs encouragés par l’État
La première caractéristique commune à ces dispositifs est d’être encouragés par l’État au moyen d’exonérations de cotisations sociales sur la participation patronale à leur financement, ainsi que par des avantages fiscaux accordés tant à l’entreprise qu’au bénéficiaire.
Dispositifs soumis à des règles en constante évolution
La seconde caractéristique des « fonds de pension à la française » est – et ce n’est pas le moindre paradoxe dans la mesure où ces engagements de long terme devraient évoluer dans un environnement juridique stable ou du moins prévisible – l’incessant changement de règles auxquelles ils sont soumis. Les modifications de la fiscalité ou des règles de cotisations sociales ne se comptent plus.
De même, on a vu changer les modalités de mise en place, ou de nouveaux cas d’abondements à tel ou tel dispositif. Plus encore, de nouvelles hypothèses de retraits anticipés des fonds ont été multipliées, en contradiction flagrante avec le souci d’inciter à une épargne retraite.
On a, de surcroît, vu apparaître des règles additionnelles quant aux préférences des modes de placement, dans un souci de protection des bénéficiaires perdus devant des choix de placement à faire.
Enfin, il s’est développé une fiscalité de « désincitation » à la mise en place de retraites à prestations définies à la suite de certains événements médiatisés portant sur des retraites chapeau de dirigeants d’entreprise, tout comme de nouvelles « niches » destinées à encourager l’épargne longue, dont on espère qu’elle servira à financer les (seules) entreprises françaises. Une réforme en chasse l’autre.
Les multiples ambitions de la réforme
Place des organismes assureurs
Il est apparu que les organismes assureurs français proposant des produits de retraite supplémentaire étaient en situation de concurrence défavorable vis-à-vis de fonds de pension d’autres pays de l’Union européenne : les premiers appliquent des règles européennes de couverture des engagements plus sévères que les seconds.
L’entrée en vigueur du nouveau référentiel prudentiel (de norme de gestion et de fonds minima) « Solvabilité 2 », depuis le 1er janvier 2016, a compliqué la situation des régimes de retraite supplémentaire en France, gérés dans le cadre d’opérations d’« assurance classique ». Le nouveau référentiel impose en effet aux organismes d’assurances de détenir suffisamment de fonds propres pour couvrir les risques. Or, les règles retenues par les autorités européennes sont particulièrement exigeantes pour les régimes de retraite supplémentaire et ne tiennent pas suffisamment compte de leurs spécificités (le risque de retraite est un « risque long »), notamment au niveau des investissements en actions.
Afin d’aider les organismes gestionnaires, il a été choisi de créer un nouveau cadre juridique, avec des garanties financières assouplies, dénommé Organismes de retraite professionnelle supplémentaire (ORPS), s’appuyant sur des règles européennes dérogatoires à la pleine application du référentiel « Solvabilité 2 » (voir § 4-1).
Prise en compte de la mobilité professionnelle
La multiplicité des dispositifs applicables est également vue comme un obstacle à la mobilité professionnelle, puisque les sommes accumulées dans un dispositif à cotisations définies ne peuvent souvent pas être transférées sur un autre produit.
Mise en concurrence des organismes assureurs
Jusqu’à présent, les organismes assureurs (mutuelles, institutions de prévoyance, sociétés d’assurances etc.) ne pouvaient pas offrir un PERCO. De leur côté, les gestionnaires de fonds (PERCO) ne pouvaient proposer des produits d’assurance collective ou individuelle en cas de vie.
Le législateur encourage leur mise en concurrence sur tous les compartiments d’épargne retraite au nom de l’intérêt des épargnants (voir § 4-1).
Les multiples textes de réforme
La méthode de création des nouvelles règles est d’une complexité déroutante.
Déjà, la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II » avait, après les nombreuses réformes depuis 2000, entamé un nouveau processus de modification des règles, en autorisant la création de fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS) par ordonnance.
L’ordonnance 2017-484 du 6 avril 2017 relative à la création d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire et à l'adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unités de rente vient d’être ratifiée par la loi PACTE, ce qui ouvre le chantier des décrets d’application.