2 - Rénovation des plans d’épargne retraite
La loi PACTE réforme les plans d’épargne retraite dans un sens qui se veut plus favorable aux épargnants.
Elle instaure un « plan d’épargne retraite » pour 2020 au plus tard, qui fixe un cadre dans lequel les plans existants, tant individuels que collectifs, devront converger, favorisant notamment la portabilité des droits de leurs titulaires dans un contexte de « mobilité professionnelle » accrue.
Loi définitivement adoptée le 11 avril 2019, art. 71
L'essentiel
Les plans d’épargne retraite individuels et collectifs seront placés sous un régime juridique commun. / 2-2
Plusieurs ordonnances devront préciser les modalités de mise en œuvre de ces nouvelles dispositions, notamment leur régime fiscal. / 2-11
Le taux du forfait social est réduit à 16 % pour l’épargne gérée de manière pilotée et affectée au financement des PME et des ETI. / 2-10
Contexte : une disparité de régimes juridiques
Épargne retraite : état des lieux
L’épargne retraite est une forme d’épargne par capitalisation, constituée à partir de versements périodiques réalisés par l’épargnant et/ou son employeur, en vue de constituer un revenu supplémentaire à partir du départ à la retraite et qui prend la forme d’une rente viagère ou d’un capital.
Il existe aujourd’hui plusieurs produits épargne retraite obéissant chacun à des règles spécifiques qui peuvent être souscrits dans un cadre collectif (entreprise) ou individuel :
-les PERP (plan d'épargne retraite populaire), ouverts à tous les épargnants ;
-les contrats dits « Madelin », réservés aux travailleurs indépendants ;
-les régimes spécifiques par points pour les fonctionnaires (PREFON, COREM, CRH – complémentaire retraite des hospitaliers) ;
-les contrats relevant de l’article 83 du code général des impôts ;
-le PERCO (plan d'épargne pour la retraite collectif) pour les salariés et certains dirigeants sociaux.
À noter
Les régimes de retraite à prestations définies – article 39 du code général des impôts - font l’objet d’un traitement à part (voir § 3-1).
Objectif : remédier à la disparité des régimes
Instauration de règles communes
L’article 71 de la loi PACTE vise à remédier à cette disparité de régimes juridiques en créant un socle de dispositions communes que tous les produits d’épargne retraite existants devront suivre. Pour ce faire, le code monétaire et financier est complété d’un nouveau chapitre intitulé « Plan d’épargne Retraite » (PER) (loi art. 71, I) (voir § 2-4).
Une réforme en deux temps
Ce premier volet de la réforme sera complété par d’autres mesures faisant l’objet d’une habilitation à procéder par ordonnances (loi art. 71, V). Dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi, le Gouvernement devra prendre :
-des mesures d’harmonisation de l’ensemble des produits ;
-des mesures spécifiques aux produits collectifs ;
-des mesures spécifiques aux produits individuels ;
-des mesures propres aux produits assurantiels ;
-ainsi que toutes les mesures de coordination nécessaires.
Le régime fiscal des PER sera également déterminé par voir d’ordonnance (voir § 2-11), de même que les conditions d’application du régime social des produits d’épargne supplémentaires existants (loi art. 71, V.4° et 5°).
L’objectif est que les produits d’épargne retraite existants convergent vers le cadre légal du nouveau plan d’épargne retraite.
Nouveau cadre légal : le plan d’épargne retraite
Objet du PER
La loi PACTE donne une définition légale du plan d’épargne retraite, inscrite dans le code monétaire et financier (c. mon. et fin. art. L. 224-1 nouveau).
Le plan d'épargne retraite (PER) entrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2020 (loi art. 71, IV).
Bénéficiant aux personnes physiques, le plan d’épargne retraite vise à leur permettre d'acquérir une rente viagère ou le versement d’un capital à compter de la date de liquidation de la pension de retraite ou de l’âge légal de 62 ans (c. séc. soc. art. L. 161-17-2).
Il peut être ouvert par l’intermédiaire d’un assureur, d’une mutuelle ou d’une institution de prévoyance d’une part, ou par des gestionnaires d’actifs, d’autre part.
Dans le premier cas, il se traduit par l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe, et dans le second, par l’ouverture d’un compte-titres (lequel permet d’acheter ou de vendre des valeurs mobilières telles que des actions, obligations, fonds ou Sicav).
Alimentation
Le plan d’épargne retraite pourra être alimenté par (c. mon. et fin. art. L. 224-2 nouveau) :
-des versements volontaires du titulaire ;
-des sommes versées au titre de la participation aux résultats de l'entreprise ou de l'intéressement, ou de l’abondement des entreprises au titre des plans d’épargne salariale, ainsi que des droits inscrits au compte épargne-temps (CET) ou, en l'absence de CET dans l'entreprise et dans des limites fixées par décret, des sommes correspondant à des jours de repos non pris ;
-des versements obligatoires du salarié ou de l’employeur s’agissant des plans d’épargne retraite d’entreprise auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire.
Transférabilité des sommes épargnées
L’harmonisation des règles régissant les produits existants vise à favoriser la portabilité des droits. Celle-ci existe déjà dans certains cas.
Avec la loi PACTE, cette possibilité sera la règle : les droits individuels en cours de constitution seront transférables vers tout autre plan d’épargne retraite, exception faite des droits acquis en entreprise par tout salarié titulaire d’un plan d’épargne retraite obligatoire, qui ne pourra transférer ces droits que lorsqu’il « n’est plus tenu d’y adhérer » (c. mon. et fin. art. L. 224-6 al. 1 et 3 nouveau).
Le changement d’employeur ne sera donc plus un obstacle au transfert de l’épargne accumulée. De même, les frais y afférant seront réduits : ils ne pourront excéder 1 % des droits acquis et seront nuls à l’issue d’une période de 5 ans à compter du premier versement dans le plan (c. mon. et fin. art. L. 224-6 al. 2 et 3 nouveau).
Droit à l’information des titulaires des plans d’épargne retraite
La loi Pacte renforce l’obligation d’information existant dans les actuels plans d’épargne dans le cadre des futurs PER (c. mon. et fin. art. L. 224-7 nouveau). Leurs titulaires devront ainsi bénéficier d’une information régulière sur leurs droits, notamment concernant leur valeur en cours de constitution et des modalités de leur transfert vers un autre plan d’épargne retraite.
Les nouveaux textes exigent en outre que les titulaires reçoivent une information détaillée précisant, pour chaque actif du plan, la performance brute de frais, la performance nette de frais et les frais prélevés.
Enfin, « les éventuelles rétrocessions de commission perçues au titre de la gestion financière des plans » devront être mentionnées. A fortiori, cette information devrait être « fournie avant l’ouverture du plan puis actualisée annuellement ».
Conditions de déblocage anticipé
Un déblocage anticipé consiste à liquider des droits en cours d’acquisition avant le départ à la retraite. Actuellement, tous les dispositifs d’épargne retraite sont bloqués jusqu'au départ en retraite, sauf dérogations telles que :
-le décès du conjoint ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;
-l’invalidité du titulaire, de ses enfants, de son conjoint ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;
-la situation de surendettement du titulaire ;
-l’expiration des droits à l’assurance chômage ;
-le non-renouvellement ou la révocation du mandat social d’un administrateur (ou d’un membre d’un directoire ou d’un conseil de surveillance) non titulaire d’un contrat de travail depuis 2 ans ;
-la cessation d’activité non salariée du titulaire à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire, ou l’existence d’un PERP de moins de 2 000 € (« mini PERP ») (c. ass. art. L. 132-23 ; c. séc. soc. art. L. 341-4 ; c. consom. art. L. 711-1 ; c. com. titre IV livre IV).
L’article 71 de la loi PACTE reprend de manière exhaustive ces différents cas de déblocage excepté celui concernant le « mini PERP ».
Il généralise aussi une autre circonstance possible de déblocage, qui concerne l’acquisition de la résidence principale. Dans ce dernier cas, tout plan d’épargne retraite, excepté celui auquel le salarié est affilié à titre obligatoire par son entreprise, pourra ainsi être liquidé avant son terme et sans pénalité (c. mon. et fin. art. L. 224-4, I nouveau).
Choix des modes de liquidation en capital ou en rente
Actuellement, l’épargne retraite débouche en principe sur le versement d'une rente viagère imposable au moment du départ en retraite de l’épargnant. Une sortie en capital est autorisée en totalité pour le PERCO. Les PERP et la PREFON admettent, dans certains cas, une sortie en capital à hauteur de 20 % de l'épargne constituée.
L’article 71, I de la loi PACTE aligne les conditions de sortie des produits d’épargne retraite afin de lever les obstacles à leur transférabilité et d’accroître fortement les possibilités pour les épargnants de libérer leur épargne sous la forme d’un capital, plutôt que sous forme de rente, s’ils le souhaitent. Dans cette perspective, les nouveaux textes permettront de liquider son produit d’épargne retraite (c. mon. et fin. art. L. 224-5 nouveau) :
-sous la forme d’une rente viagère pour les sommes issues de versements obligatoires des épargnants ou de leur employeur ;
-aux choix de l’épargnant, par le versement d’un capital, sous la forme d’une rente viagère, ou pour partie en capital et sous la forme d’une rente viagère pour les sommes issues d’autres versements (versements volontaires et versements issus de l’épargne salariale).
Forfait social à 16 % dans certains cas
La loi prévoit l’application d’un forfait social réduit à 16 % sur certaines sommes versées aux PER (loi art. 71, II), lesquelles supposent une épargne gérée de façon pilotée (c. mon. et fin. art. L. 224-2 et L. 224-3) lorsqu’elles sont affectées à l’acquisition de parts de fonds dont au moins 10 % des titres sont éligibles au plan d’épargne en actions destiné au financement des PME et ETI (PEA-PME) (c. séc. soc. art. L. 137-16 modifié au 1er janvier 2020).
Les sommes en question sont issues :
-de la participation et de l’intéressement ;
-des abondements et versements unilatéraux de l’employeur aux plans d’épargne salariale ;
-des droits inscrits au compte épargne-temps (CET) ou, en l’absence de CET dans l’entreprise et dans certaines limites (à fixer par décret), des sommes correspondant à des jours de repos non pris, s’agissant des plans d’épargne retraite d’entreprise ;
-de versements obligatoires du salarié ou de l’employeur, s’agissant des plans d’épargne retraite d’entreprise auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire.
À noter
Le PEA-PME (« Plan Épargne en Actions PME ») est un dispositif destiné à orienter l'épargne vers le financement des petites et moyennes entreprises (PME de 250 salariés) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI jusqu’à 4 999 salariés). Très remanié par la loi PACTE (voir FH à paraître), il permet de bénéficier d'une exonération fiscale des revenus et des plus-values.
Par ailleurs, la loi prévoit de maintenir l’application du forfait social au taux réduit de 16 % pendant 3 ans à compter de l’entrée en vigueur de cette mesure (prévue pour 2020) tel qu’il est appliqué aux sommes investies dans un PERCO dont le règlement respecte certaines conditions, dit « PERCO+ ». Ces conditions sont les suivantes : sommes recueillies affectées par défaut au sein du mode de gestion sécurisée prévu par le PERCO, allocation de l’épargne affectée à l’acquisition de parts de fonds investis à hauteur de 7 % minimum en titres susceptibles d’être employés dans un PEA-PME (loi art. 71, III).
Régime fiscal défini par ordonnance
Les ordonnances déterminant le régime fiscal applicable aux plans d’épargne retraite devront définir notamment (loi art. 71, V.4°) :
-les modalités de déductibilité des versements volontaires (c. mon. et fin. art. L. 224-2, 1°) et des versements obligatoires (c. mon. et fin. art. L. 224-2, 3°) et les plafonds de déduction correspondants ;
-les conditions d’exonération d’impôt sur le revenu des versements issus de la participation, de l’intéressement des versements de l’entreprise ou des droits inscrits au CET (c. mon. et fin. art. L. 224-2, 2°) ;
-les modalités d’imposition à l’impôt sur le revenu des droits correspondant aux versements qui sont délivrés sous la forme d’un capital ou d’une rente viagère à titre onéreux ;
-les modalités d’imposition à l’impôt sur le revenu (ou les conditions d’exonération) des droits qui sont liquidés ou rachetés avant l’échéance.