1 - Réforme des retraites : âge de départ et cadre général
Report de l'âge légal des retraites à 64 ans, accélération du passage à 43 ans de durée d'assurance pour une pension à taux plein, revalorisation des « petites pensions », principe d'un départ anticipé maintenu... Ces thèmes constituent l'essentiel du projet de loi portant la réforme des retraites.
Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 janvier 2023
L'essentiel
La réforme des retraites est essentiellement « paramétrique » et s'accompagne de la fermeture des principaux régimes spéciaux. / 1-1
L’âge légal de départ à la retraite devrait augmenter progressivement pour atteindre 64 ans pour les générations nées à partir de 1968. / 1-3, 1-4 et 1-7
Le projet de loi prévoit d’accélérer le passage à une durée d'assurance de 43 ans, qui serait effective pour les générations nées à compter de 1965. / 1-5 à 1-7
L'âge d'obtention automatique d'une pension à taux plein serait maintenu à 67 ans. / 1-8
Un droit à remboursement de certains rachats de cotisations et des versements pour la retraite serait ouvert pendant 2 ans. / 1-10
Les assurés qui auront demandé leur pension avant le 1er septembre 2023 pour un départ en retraite à compter de cette date pourraient en demander l’annulation. / 1-11
Le départ anticipé pour carrière longue serait organisé autour de trois bornes d’âge, ultérieurement précisées par décret. / 1-15
Pour les départs anticipés des assurés handicapés, la double condition de trimestres validés et cotisés serait supprimée. / 1-18
La retraite anticipée pour incapacité permanente d’origine professionnelle serait maintenue, avec quelques aménagements. / 1-20
Les assurés reconnus inaptes au travail ainsi que ceux justifiant d’une incapacité permanente au moins égale à un certain taux bénéficieraient d'un nouveau cas de départ anticipé. / 1-21
Vers une réforme paramétrique avec fermeture des principaux régimes spéciaux
Cadre général
Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023 porte la réforme des retraites souhaitée par le gouvernement qui, sauf dispositions particulières, doit entrer en vigueur le 1er septembre 2023.
Contrairement à la dernière réforme, entreprise par le gouvernement Édouard Philippe et abandonnée dans le contexte de la crise sanitaire, qui visait à mettre en place une réforme structurelle en instaurant un système universel par points, la présente réforme, elle, serait essentiellement une réforme paramétrique touchant à l'âge de départ en retraite et à la durée de cotisations, avec toutes les implications qui l'accompagnent (âge de départ anticipé, retraite progressive, etc.).
Toutefois, elle s'accompagnerait de la fermeture des principaux régimes spéciaux pour les nouveaux embauchés : industries électriques et gazières (IEG), Régie autonome des transports parisiens (RATP), clercs et employés de notaires (CRPECEN), Banque de France et Conseil économique, social et environnemental (CESE). À compter de septembre 2023 les nouveaux recrutés de ces régimes seraient, pour l'assurance vieillesse, affiliés au régime général (et à l'AGIRC-ARRCO pour la retraite complémentaire) (projet de loi art. 1 ; exposé des motifs).
Les agents de ces organismes resteraient affiliés à leur régime spécial pour les autres risques (ex. : maladie), sauf pour les membres du CESE, dont le régime spécial couvre uniquement le risque vieillesse. Les autres régimes spéciaux (marins, Opéra de Paris et Comédie française), ainsi que les régimes des professions libérales ou les régimes agricoles ne sont pas visés par la mesure.
Dans la fonction publique, on retiendra que l’âge légal et la durée de cotisation évolueraient comme dans le régime général et que la pénibilité resterait prise en compte via les durées de service actif, dont les principales caractéristiques seraient maintenues. Mais les paramètres de calcul de la pension (sur les 6 derniers mois, notamment) resteraient inchangés.
Calendrier
Après avoir été examiné en commission à l'Assemblée nationale du 27 janvier au 1er février 2023, le PLFRSS pour 2023 est discuté par les députés en séance publique depuis le 6 février. Il sera ensuite débattu au Sénat (dates d’examen encore inconnues au jour où nous écrivons).
Puis on entrera dans la phase finale d’examen du texte (commission mixte paritaire, nouvelle navette avec dernier mot à l’Assemblée en cas d’échec de la CMP, etc.), suivie de la publication au Journal officiel après probable passage du texte devant le Conseil constitutionnel.
Report de l’âge légal de départ en retraite et accélération de la hausse de la durée d'assurance
Relèvement progressif de l'âge légal de départ à 64 ans
Réglementation existante : rappel
Tout salarié (ou travailleur indépendant) justifiant d’au moins un trimestre d’assurance au régime général d’assurance vieillesse peut demander, à partir d’un âge fixé par la loi, la liquidation de sa pension de vieillesse (c. séc. soc. art. L. 351-1 et L. 634-2).
En dessous de cet âge légal, il n’est en principe pas possible de prendre sa retraite.
Départs anticipés possibles. Il existe plusieurs dispositifs permettant aux salariés de partir à la retraite de façon anticipée (ex. : assurés ayant commencé à travailler jeune et ayant accompli une longue carrière, assurés atteints d’un lourd handicap ou d’une incapacité permanente liée au travail). Certains d'entre eux font l'objet d'adaptations dans le cadre de la réforme des retraites (voir §§ 1-12 à 1-22).
L’âge légal de départ à la retraite a été progressivement relevé de 60 à 62 ans entre le 1er juillet 2011 et le 1er janvier 2017 (c. séc. soc. art. L. 161-17-2).
À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’âge légal de départ à la retraite est donc fixé à 62 ans et concerne les assurés nés à partir de 1955.
Ce que prévoit le projet de loi
Le projet de loi relève progressivement l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, à compter du 1er septembre 2023 (projet de loi art. 7, I, 1° et XXV, 2°). L’hypothèse d’un report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 65 ans a donc finalement été abandonnée par le gouvernement.
L’âge légal augmenterait ainsi de 3 mois par génération, à compter de celle née à partir de septembre 1961, pour atteindre 64 ans pour les générations nées à partir de 1968 (voir § 1-7, tableau récapitulatif).
Exemple
Un assuré né le 1er octobre 1961 ne pourrait faire valoir ses droits à la retraite qu'à 62 ans et 3 mois (au lieu de 62 ans avant la réforme), soit à partir du 1er janvier 2024, au lieu du 1er octobre 2023 (dossier de presse, p. 17).
La plupart des régimes complémentaires seraient également concernés par le relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite puisque les textes qui les régissent renvoient généralement à la disposition légale du régime général (étude d’impact, p. 37). Par exemple, dans le régime AGIRC-ARRCO, les assurés peuvent, à l'heure actuelle, obtenir leur retraite complémentaire à taux plein s'ils ont atteint l’âge légal de 62 ans et s'ils justifient du nombre de trimestres d'assurance requis pour obtenir une pension de base au taux plein (voir § 1-5). Pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1957, si cette seconde condition n'est pas remplie, une minoration temporaire est appliquée à la pension.
Accélération du passage à 43 ans de durée d'assurance pour une pension à taux plein
Réglementation existante : rappel
Pour obtenir une pension de vieillesse de base à taux plein (50 %), les assurés doivent justifier, à partir de l’âge légal de départ, d’un nombre minimal de trimestres d’assurance (ou de périodes reconnues équivalentes), tous régimes confondus (c. séc. soc. art. L. 351-1 et R. 351-27).
Si l’assuré ne justifie pas du nombre de trimestres requis, le taux de la pension est affecté d’un coefficient de minoration (ou décote) (c. séc. soc. art. R. 351-27).
Trimestres retenus. Il est tenu compte notamment des trimestres cotisés, des périodes assimilées (ex. : maladie, maternité, chômage), des périodes validées par présomption, des périodes de validation gratuite, des trimestres rachetés par l’assuré sous certaines conditions et des majorations de durée d’assurance (ex. : majoration pour la naissance et l’éducation d’un enfant, majoration pour enfant handicapé).
La durée d’assurance requise varie selon l’année de naissance de l’intéressé (c. séc. soc. art. L. 161-17-3).
La réforme des retraites de 2014 (dite « réforme Touraine ») a prévu de relever progressivement la durée d’assurance requise pour l’obtention d’une pension à taux plein, avec pour objectif qu’elle atteigne 172 trimestres (43 ans) pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1973 (qui, dans le système actuel, ne peuvent prendre leur retraite qu’à partir de 2035).
Ce que prévoit le projet de loi
Le projet de loi prévoit d’accélérer, à compter du 1er septembre 2023, le passage à une durée de cotisations à 43 ans (ou 172 trimestres) prévu par la réforme « Touraine » (projet de loi art. 7, I, 2° et XXV, 2°).
Cette accélération devrait débuter avec la génération née en septembre 1961 et se ferait au rythme de 1 trimestre par an (au lieu de 1 trimestre tous les 3 ans dans le cadre de la réforme Touraine). Toutefois, afin de lisser la montée en charge de cette mesure, la durée d’assurance requise de la génération née en 1962 serait la même que pour celle née entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961.
La cible de 172 trimestres de cotisations (ou 43 annuités) serait donc atteinte dès 2027 pour la génération née en 1965 (au lieu de 2035 pour la génération née en 1973 dans la réforme Touraine) (voir § 1-7, tableau récapitulatif).
Âge légal de départ et durée d'assurance avant et après la réforme : tableau récapitulatif
Année de naissance | Âge légal avant réforme (hors départs anticipés) | Âge légal après réforme (hors départs anticipés) | Durée d’assurance requise avant réforme | Durée d’assurance requise après réforme | Nombre de trimestres d'assurance supplémentaires demandés |
1960 | 62 ans | 62 ans | 167 trimestres | 167 trimestres | 0 |
1er janvier – 31 août 1961 | 62 ans | 62 ans | 168 trimestres | 168 trimestres | 0 |
1er septembre – 31 décembre 1961 | 62 ans | 62 ans et 3 mois | 168 trimestres | 169 trimestres | 1 |
1962 | 62 ans | 62 ans et 6 mois | 168 trimestres | 169 trimestres | 1 |
1963 | 62 ans | 62 ans et 9 mois | 168 trimestres | 170 trimestres | 2 |
1964 | 62 ans | 63 ans | 169 trimestres | 171 trimestres | 2 |
1965 | 62 ans | 63 ans et 3 mois | 169 trimestres | 172 trimestres | 3 |
1966 | 62 ans | 63 ans et 6 mois | 169 trimestres | 172 trimestres | 3 |
1967 | 62 ans | 63 ans et 9 mois | 170 trimestres | 172 trimestres | 2 |
1968 | 62 ans | 64 ans | 170 trimestres | 172 trimestres | 2 |
1969 | 62 ans | 64 ans | 170 trimestres | 172 trimestres | 2 |
1970 | 62 ans | 64 ans | 171 trimestres | 172 trimestres | 1 |
1971 | 62 ans | 64 ans | 171 trimestres | 172 trimestres | 1 |
1972 | 62 ans | 64 ans | 171 trimestres | 172 trimestres | 1 |
1973 et suivantes | 62 ans | 64 ans | 172 trimestres | 172 trimestres | 0 |
Maintien à 67 ans de l’âge d’obtention automatique du taux plein
Actuellement, pour les assurés qui ont atteint l'âge légal de départ à la retraite, mais qui ne justifient pas du nombre de trimestres d'assurance requis pour obtenir une pension à taux plein de 50 % (voir § 1-5), le taux de la pension de vieillesse est affecté d'un coefficient de minoration, fixé à 1,25 % pour les assurés nés après 1952. La diminution du taux (ou décote) par trimestre manquant est donc de 0,625 (50 × 1,25 %), dans la limite de 20 trimestres (c. séc. soc. art. L. 351-1 et R. 351-27, I, 2°).
Toutefois, les assurés qui atteignent l’âge légal de départ à la retraite augmenté de 5 ans peuvent partir à la retraite au taux plein même s’ils ne justifient pas de la durée requise d’assurance tous régimes confondus (c. séc. soc. art. L. 351-8, 1°). Aucune décote n'est dans ce cas appliquée au montant de la pension.
Cet âge auquel le taux plein est attribué automatiquement a été progressivement relevé depuis le 1er juillet 2016, de façon à atteindre 67 ans au 1er janvier 2022 pour les assurés nés à partir de 1955.
Le projet de loi prévoit de maintenir à 67 ans cet âge d'obtention automatique d'une pension de vieillesse à taux plein (retraite sans décote), même lorsque l’âge légal sera relevé (projet de loi art. 7, I, 3°).
Vers une baisse mécanique de l'impact de la décote. La décote (minoration du taux de la pension), qui peut actuellement atteindre 25 % du montant de la pension, serait, avec la réforme, limitée à 15 %, compte tenu de la réduction de l'écart entre l'âge légal de départ à la retraite (voir § 1-4) et l'âge d'annulation de la décote (67 ans), qui passerait de 5 à 3 ans (rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, p. 53).
Remboursement des rachats de cotisations
Rachat de cotisations et versement pour la retraite : rappels
Certaines personnes peuvent procéder au versement rétroactif de cotisations d’assurance vieillesse afin d’améliorer leurs droits à la retraite. C’est ce que l’on appelle le « dispositif de rachat de cotisations ».
Peuvent notamment racheter des cotisations, sous certaines conditions, les Français exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle (salariée ou non salariée) hors de France (c. séc. soc. art. L. 742-2) et les personnes qui assurent des fonctions de tierce personne bénévole auprès d’un conjoint ou d’un membre de leur famille invalide (c. séc. soc. art. L. 742-1).
Parallèlement à ce premier dispositif de rachat, les assurés ont la possibilité de racheter leurs périodes d’études supérieures ou les périodes qui n’ont pas donné lieu à validation de 4 trimestres : on appelle ce second dispositif le « versement pour la retraite » (c. séc. soc. art. L. 351-14-1).
Ouverture d’un droit à remboursement pendant 2 ans
Du fait du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite (voir § 1-4) et de l’accélération de la hausse de la durée de cotisations requise pour une pension à taux plein (voir § 1-6) prévus par la réforme, les rachats de cotisations et les versements pour la retraite qu’ont pu effectuer des assurés pour compléter leurs droits à retraite seraient susceptibles de perdre de leur intérêt.
C’est pourquoi le projet de loi propose d’ouvrir une période temporaire pendant laquelle il sera possible de demander, sous conditions, le remboursement de certains rachats de cotisations et des versements pour la retraite (projet de loi art. 7, XXI).
Ainsi, les assurés nés à compter du 1er septembre 1961 pourraient, sur leur demande, être remboursés de certains rachats de cotisations et des versements pour la retraite effectués avant la date de publication de la loi au Journal officiel, à la condition qu’ils n’aient fait valoir aucun des droits aux pensions personnelles de retraite de base et complémentaires auxquels ils peuvent prétendre.
S’agissant des rachats de cotisations, seuls seraient concernés les rachats effectués par :
-les salariés dont l’affiliation au régime général ou au régime algérien a été rendue obligatoire à une date postérieure au 1er juillet 1930 (c. séc. soc. art. L. 351-14) ;
-les Français exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle (salariée ou non salariée) hors de France (c. séc. soc. art. L. 742-2 et L. 742-7) ;
-certaines personnes ayant perçu l’indemnité de soins aux tuberculeux (c. séc. soc. art. L. 742-4).
Le montant des cotisations à rembourser serait calculé en revalorisant les cotisations versées par l’assuré par application chaque année du coefficient annuel de revalorisation applicable aux pensions de vieillesse.
Les demandes de remboursement devront, selon le projet de loi, être présentées dans un délai de 2 ans suivant la date de publication de la loi au Journal officiel.
Annulation des demandes de pension antérieures à la réforme
La réforme des retraites, qui doit entrer en vigueur pour les pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023, va contraindre certains assurés à décaler la date de liquidation de leur pension de vieillesse parce qu’ils n’auront pas atteint le nouvel âge légal de départ à la retraite (voir § 1-4) ou les inciter à décaler leur départ pour atteindre la nouvelle durée d’assurance requise pour obtenir une pension à taux plein (voir § 1-6).
C’est pourquoi le projet de loi permet aux assurés qui auront demandé leur pension avant le 1er septembre 2023 et dont la pension doit prendre effet après le 31 août 2023 de demander l’annulation de leur pension ou de leur demande de pension, selon des modalités qui seront fixées par décret (projet de loi art. 7, XXII).
Un départ anticipé toujours possible
Rappel des dispositifs existants
Différents dispositifs permettent aux assurés de partir avant l’âge légal de départ à la retraite (62 ans actuellement). Sont visés :
-les assurés ayant une carrière longue (c. séc. soc. art. L. 351-1-1) ;
-les travailleurs handicapés (c. séc. soc. art. L. 351-1-3) ;
-les personnes justifiant d’une incapacité permanente reconnue au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail (c. séc. soc. art. L. 351-1-4) ;
-les personnes ayant droit à des trimestres de majoration de durée d'assurance en contrepartie des points inscrits sur leur compte professionnel de prévention (c. séc. soc. art. L. 351-6-1).
La retraite pour invalidité ou inaptitude concernant les assurés atteints d’une incapacité de travail n’offre pas actuellement de possibilité de départ anticipé et permet seulement de bénéficier d’une retraite au taux plein dès l’âge légal (62 ans), et ce, quelle que soit la durée d'assurance validée.
Création d’une disposition générique sur les départs anticipés
Le projet de loi prévoit d’introduire dans le code de la sécurité sociale une disposition générique regroupant les différentes possibilités de départ anticipé en retraite : pour carrière longue, handicap ou incapacité permanente d’origine professionnelle, pour les assurés reconnus inaptes au travail ou frappés d’un taux minimum d’incapacité permanente (nouveau cas, afin de maintenir la possibilité de partir à 62 ans pour les intéressés), mais également pour retraite progressive (voir § 3-6) (projet de loi art. 8, I, 5°).
Les conditions de départ anticipé (âges possibles notamment) seraient fixées par décret, étant précisé que les bénéficiaires de ces dispositifs devraient pouvoir partir au moins 2 ans avant l’âge légal (soit 62 ans à terme si l’âge légal est porté à 64 ans).
Les départs anticipés au titre du compte professionnel de prévention (C2P) ne pourraient intervenir plus de 2 ans avant l’âge de droit commun (voir §§ 2-14 et 2-15).
À noter
Les salariés exposés à l’amiante pourraient toujours partir au plus tôt à compter de 50 ans, sans changement par rapport à la législation actuelle (dispositif de préretraite amiante).
Retraite anticipée pour carrière longue
Dispositif actuel
Sous conditions, le dispositif de retraite anticipée « carrière longue » permet actuellement à certains assurés sociaux ayant commencé à travailler avant 20 ans de partir à la retraite dès 60 ans, voire dès 58 ans pour ceux ayant commencé à travailler avant 16 ans (c. séc. soc. art. L. 351-1-1).
L’accès au dispositif est subordonné :
-à une condition de début d’activité précoce (nombre de trimestres validés avant la fin de l’année des 20 ans pour la borne d’âge de 60 ans et avant la fin de l’année des 16 ans pour la borne de 58 ans) (c. séc. soc. art. D. 351-1-3) ;
-et une condition de nombre de trimestres cotisés (durée d’assurance requise à l’obtention d’une pension à taux plein pour un départ à 60 ans, majorée de 8 trimestres pour un départ à 58 ans) (c. séc. soc. art. D. 351-1-1 et D. 351-1-2).
Ces dispositions s’appliquent aux salariés et travailleurs indépendants relevant du régime général, aux salariés agricoles, aux travailleurs non salariés des professions agricoles, aux professions libérales et aux avocats (c. séc. soc. art. L. 351-1-1, L. 634-2, L. 643-3, II et L. 653-2, II ; c. rural art. L. 732-18-1 et L. 732-18-2).
Un dispositif à l’avenir organisé autour de trois bornes d’âge
Selon le projet de loi, le départ anticipé en retraite serait organisé autour de trois bornes d’âge, qui seraient ultérieurement précisées par décret (projet de loi art. 8, I, 6°).
On comprend du rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites qui accompagne le projet de loi qu’il y aurait trois bornes possibles de départ anticipé (au mieux 58, 60 ou 62 ans), au lieu des deux bornes actuelles (au mieux 58 ans ou 60 ans).
Le début d’activité s’apprécierait par rapport aux bornes de 16, 18 et 20 ans (et plus seulement 16 et 20 ans). Concrètement, il faudrait avoir validé 5 trimestres (4 pour les personnes nées au cours du dernier trimestre) avant la fin de l’année civile des 16, 18 ou 20 ans, selon le cas.
On notera en particulier que pour les assurés ne pouvant partir à 58 ou 60 ans, un départ anticipé serait toujours possible, mais plus tard que dans le dispositif actuel compte tenu du report de l’âge légal de la retraite (à terme, 62 ans au plus tôt contre 60 ans actuellement).
Bien entendu, l’âge de départ possible dépendrait non seulement de l’âge de début d’activité, mais également du nombre de trimestres cotisés. Un départ à 58, 60 ou 62 ans « pile » ne serait pas toujours possible. À cet égard, on notera que :
-pour un départ au plus tôt à 58 ou 60 ans (début d’activité avant 16 ou 18 ans), la durée cotisée demandée serait égale à la durée d’assurance requise pour le taux plein majorée de 4 trimestres (soit 172 + 4 = 176 trimestres une fois en régime de croisière, à savoir pour les générations nées à partir de 1965) ;
-pour un départ au plus tôt à 62 ans (début d’activité avant 20 ans), la durée cotisée demandée serait égale à la durée d’assurance requise pour le taux plein (soit 172 trimestres une fois en régime de croisière, à savoir pour les générations nées à partir de 1965).
Le tableau suivant résume l’impact de la réforme :
Retraite anticipée carrière longue : les bornes d'âge | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|
Avant la réforme | Après la réforme | |||||
Borne basse | Borne haute | Borne basse | Borne intermédiaire | Borne haute | ||
Conditions de début d’activité | Âge max. | 16 ans | 20 ans | 16 ans | 18 ans | 20 ans |
Nbre de trimestres | 4 ou 5 trimestres validés avant la fin de l’année du 16e, 18e ou 20e anniversaire selon le cas (1) | |||||
Durée cotisée requise | DAR + 8 trimestres | DAR | DAR + 4 trimestres | DAR + 4 trimestres | DAR | |
Âge anticipé maximum | Au mieux 58 ans | Au mieux 60 ans | Au mieux 58 ans | Au mieux 60 ans | Au mieux 62 ans (2) | |
DAR = durée d’assurance requise pour une pension à taux plein : relèvement progressif, avec pour objectif d’atteindre 172 trimestres pour les générations nées à partir de 1965, selon le projet de loi. (1) 5 trimestres en principe ; à défaut, 4 trimestres pour les assurés nés au cours du 4e trimestre. (2) Selon le rapport joint au projet de loi : 62 ans pour les générations nées à partir 1970 ; 60 ans et 3 mois pour celles nées en 1963, puis relèvement progressif de 3 mois par génération jusqu’à arriver à 62 ans pour les générations nées à partir de 1970. |
Meilleure prise en compte des trimestres AVPF et AVA
Les trimestres acquis au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) ainsi que de l’assurance vieillesse des aidants (AVA), créée par le projet de loi (voir §§ 1-26 à 1-29), seraient pris en compte au titre des trimestres réputés cotisés pour le bénéfice de la retraite anticipée carrière longue (projet de loi art. 8, I, 6°, c).
Ces trimestres seraient retenus dans une limite précisée ultérieurement par décret, mais qui devrait être de 4 trimestres, selon l’exposé des motifs du projet de loi.
Retraite anticipée pour les assurés handicapés
Dispositif actuel
Le droit à une retraite anticipée dès 55 ans est ouvert, sous certaines conditions, aux assurés handicapés. Sont concernés les salariés et travailleurs indépendants relevant du régime général, les salariés agricoles, les travailleurs non salariés des professions agricoles ainsi que les professions libérales et les avocats (c. séc. soc. art. L. 351-1-3, L. 634-2, L. 643-3, III, L. 653-2, III et L. 723-10-1, III ; c. rural art. L. 732-18-1 et L. 732-18-2).
La retraite anticipée est subordonnée à trois conditions cumulatives (c. séc. soc. art. L. 351-1-3, D. 351-1-5 et D. 351-1-6) :
-une durée totale d’assurance ;
-une durée cotisée ;
-une situation de handicap (taux d’incapacité permanente d’au moins 50 % ou handicap équivalent) justifiée tout au long de chacune de ces durées (dite « condition de concomitance » entre les périodes d’assurance et la situation de handicap).
Assouplissement des conditions d’accès au dispositif
Le projet de loi prévoit de supprimer la double condition de trimestres validés (durée totale d’assurance) et cotisés pour ne garder que celle se rapportant aux trimestres cotisés (projet de loi art. 8, I, 7°).
Pourraient donc bénéficier du dispositif les assurés handicapés qui ont accompli, alors qu'ils étaient atteints d'une incapacité permanente, une durée d'assurance dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par décret, cette durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré.
Un décret sera nécessaire pour adapter les dispositions réglementaires. C’est à ce moment que l’on connaîtra d’ailleurs les durées cotisées requises dans le cadre du dispositif rénové.
Par ailleurs, le projet de loi abaisse le taux d’incapacité de 80 % à 50 % nécessaire pour saisir la commission ad hoc chargée de valider rétroactivement les périodes de handicap pour lesquelles l’assuré ne dispose pas de justificatif au moment du départ à la retraite (projet de loi art. 8, I, 2°).
Actuellement, l’assuré qui justifie des durées d’assurance requises pour le bénéfice de la retraite anticipée « handicapé » sans pouvoir attester, sur une fraction de ces durées (au plus égale à 30 %), de la reconnaissance administrative de l’incapacité requise et qui est atteint d’une incapacité permanente d’au moins 80 % (ou situation équivalente) au moment de la demande de liquidation de sa pension peut obtenir, sur sa demande, l’examen de sa situation par une commission placée auprès de la CNAV (c. séc. soc. art. L. 161-21-1 et D. 161-2-4-2). Ce niveau d’incapacité serait donc abaissé de 80 % à 50 %.
Retraite anticipée pour incapacité permanente d’origine professionnelle
Dispositif actuel
Sous certaines conditions, les assurés justifiant d’un certain taux d’incapacité permanente (au moins 10 %) peuvent partir à la retraite dès 60 ans (soit 2 ans avant l’âge légal de 62 ans), avec le taux plein, même s’ils n’ont pas la durée d’assurance requise (c. séc. soc. art. L. 351-1-4 et D. 351-1-8 à D. 351-1-10).
L’incapacité doit être la conséquence d’une maladie professionnelle, ou d’un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle. Pour les accidents du travail, la lésion doit figurer sur une liste limitative (c. séc. soc. art. R. 351-24-1) (arrêté du 30 mars 2011, JO du 31, texte 43).
Les conditions requises varient selon que le taux d’incapacité permanente est compris entre 10 % et moins de 20 % (c. séc. soc. art. L. 351-1-4, III et D. 351-1-10) ou qu’il est d’au moins 20 % (c. séc. soc. art. L. 351-1-4, I et D. 351-1-9). L’accès à ce dispositif est simplifié, sous certaines conditions, pour les salariés dont l’incapacité est liée à une maladie professionnelle liée à une exposition aux quatre facteurs de risques professionnels qui ne sont plus dans le champ du compte professionnel de prévention depuis le 1er octobre 2017 (postures pénibles, vibrations mécaniques, manutention manuelle des charges, agents chimiques dangereux y inclus poussières et fumées) (c. séc. soc. art. L. 351-1-4, III). La liste des maladies concernées est fixée par arrêté (arrêté du 26 décembre 2017, JO du 29, texte 58).
Ce qui devrait changer
Le dispositif serait maintenu et permettrait toujours de partir au moins 2 ans avant l’âge légal (projet de loi art. 8, I, 5°), soit à terme 62 ans pour un âge légal porté à 64 ans.
Ses modalités étant fixées au niveau réglementaire, c’est par décret que le gouvernement aménagera ce dispositif.
On notera que le gouvernement a affiché sa volonté de ramener de 17 ans à 5 ans la condition de durée d’exposition aux facteurs de risques professionnels lorsque le taux d’incapacité est compris entre 10 % et moins de 20 % (dossier de presse du 10 janvier 2023, p. 21).
Pour les incapacités permanentes consécutives à un accident du travail, il serait également prévu que la condition d’identité des lésions avec celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle (voir § 1-19) soit supprimée (projet art. 9, I, 2°, a).
Par ailleurs, l’avis de la commission pluridisciplinaire ne serait pas requis pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente reconnue au titre d’une maladie professionnelle (procédure, en principe, requise lorsque le taux d’incapacité est supérieur ou égal à 10 % et inférieur à 20 %) (projet art. 9, I, 2°, b).
En effet, la reconnaissance de la maladie professionnelle vaut preuve de l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels. L’avis de la commission pluridisciplinaire n’apporte donc pas de plus-value et représente une complexité administrative inutile (étude d’impact, p. 88).
En pratique, la Direction de la Sécurité Sociale, par lettre du 6 octobre 2011, avait déjà décidé qu’il n’était plus utile de soumettre à cette dernière les dossiers des assurés justifiant d’un taux d’IP au moins égal à 10 % et inférieur à 20 %, consécutif à une maladie professionnelle (circ. CNAV 2012-63 du 13 septembre 2012).
Un nouveau cas de départ anticipé pour les assurés invalides ou inaptes
Actuellement, les assurés reconnus inaptes au travail (c. séc. soc. art. L. 351-8, 2°) ainsi que les assurés justifiant d’une incapacité permanente au moins égale à 50 % (c. séc. soc. art. L. 351-8, 1° ter) bénéficient d’une retraite à taux plein dès l’âge légal de la retraite (soit 62 ans), même s’ils n’ont pas la durée d’assurance requise.
Peut être reconnu inapte au travail, l'assuré qui n'est pas en mesure de poursuivre l'exercice de son emploi sans nuire gravement à sa santé et qui se trouve définitivement atteint d'une incapacité de travail médicalement constatée, compte tenu de ses aptitudes physiques et mentales à l'exercice d'une activité professionnelle (c. séc. soc. art. L. 351-7).
Afin que les intéressés ne soient pas pénalisés par le relèvement de l’âge légal de la retraite à 64 ans (voir § 1-4), le projet de loi prévoit donc qu’ils puissent ouvrir droit à un départ anticipé à un âge fixé par décret, en plus du bénéfice d’une retraite au taux plein à cet âge (projet de loi art. 8, I, 3°, 4°, 8° et 9°). Il serait ainsi prévu que cet âge soit maintenu à 62 ans par décret. Le taux d’incapacité permanente devrait également être fixé par décret à paraître.
Selon l’exposé des motifs du projet de loi, la situation de ces assurés, notamment en termes d’espérance de vie et d’inaptitude au travail, justifie que leur âge de départ à la retraite soit maintenu à 62 ans, via la création d’un âge de départ anticipé à la retraite.
Cette mesure s’appliquerait également aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (projet art. 8, I, 3° et 15°). Pour la liquidation des avantages de vieillesse, les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés seraient réputés inaptes au travail à ce même âge.
La pension d'invalidité est quant à elle remplacée, à partir de l'âge légal de départ en retraite, par la retraite d'inaptitude au travail. La substitution est automatique, sauf si l'assuré exerce une activité professionnelle (c. séc. soc. art. L. 341-15 à L. 341-17).
L’âge retenu pour obtenir cette pension, après la réforme, serait donc également fixé à 62 ans. En d’autres termes, les intéressés pourraient toujours bénéficier d’une retraite à 62 ans, comme aujourd’hui, malgré le recul de l’âge légal à 64 ans.
Pourraient également bénéficier de ce départ anticipé, qui devrait être fixé à 62 ans, les professionnels libéraux et les avocats reconnus inaptes au travail (c. séc. soc. art. L. 643-5) ou reconnus atteints d'une incapacité physique d'exercer leur profession (c. séc. soc. art. L. 653-6), les grands invalides, anciens déportés ou internés titulaires de la carte de déporté ou interné de la Résistance ou de la carte de déporté ou interné politique et les anciens prisonniers de guerre (projet art. 8, 12° et 14°).
Le projet de loi prévoit par ailleurs que si l’état de santé du salarié le justifie, le professionnel de santé au travail pourrait l'informer de la possibilité de bénéficier de la pension de retraite pour inaptitude (voir § 2-19).
Entrée en vigueur
L’ensemble de ces mesures entreraient en vigueur pour les pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023 (projet art. 8, VI, 2°).
Elles seraient applicables aux assurés du régime général pour ceux nés à compter du 1er septembre 1961, soit de manière concomitante à la hausse de l’âge légal et à l’accélération du calendrier de la hausse de la durée d’assurance (étude d’impact, p. 63).
Revalorisation des petites pensions de retraite
Revalorisation de la pension minimale des futurs retraités
Pour rappel, la pension de vieillesse de base au taux plein ne peut être inférieure à un montant minimal, dit « minimum contributif », qui tient compte de la durée d’assurance accomplie par l’assuré dans le régime général (c. séc. soc. art. L. 351-10).
Le montant du minimum contributif est majoré si la durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré est d’au moins 120 trimestres (c. séc. soc. art. D. 351-2-2).
L'exposé des motifs du projet de loi rappelle qu'à l’origine, en 2003, le montant du minimum contributif majoré a été défini de telle sorte qu’un salarié à carrière complète, à temps complet et au SMIC puisse bénéficier d’une pension équivalente (de base + complémentaire) à 85 % du SMIC net. Mais son indexation sur l’inflation a conduit, depuis 2008, à un décrochage de son montant par rapport à ce montant référence.
À noter
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2023, le minimum contributif est fixé à 8 209,61 € par an et le minimum majoré à 8 970,86 €. Ces montants sont revalorisés chaque année en fonction de l’inflation.
Pour que ce principe devienne réellement effectif, le projet de loi prévoit une mesure de « rattrapage » pour les retraités concernés qui liquideront leur pension à compter du 1er septembre 2023.
Le gouvernement serait ainsi autorisé à revaloriser par décret le minimum contributif et sa majoration de 100 € par mois pour les assurés justifiant d’une carrière complète cotisée à temps plein au niveau du SMIC, de sorte à atteindre un montant minimal de pension (base + complémentaire) égal à 85 % du SMIC net (ce qui, à titre indicatif, aboutirait à une pension minimale de l’ordre de 1 200 € bruts par mois) (projet de loi art. 10, I, III et V).
Dans le détail, les 100 € se répartiraient ainsi : 25 € au titre du minimum contributif de base proratisé en fonction du nombre de trimestres validés et 75 € au titre du minimum contributif majoré, également proratisé en fonction du nombre de trimestres cotisés (étude d’impact, p. 105).
Pour les assurés qui ne justifieraient pas d’une carrière complète, la revalorisation se ferait au prorata de la durée d’assurance.
À noter
S’agissant des artisans et des commerçants, une concertation serait engagée avec les représentants des professions et les organismes de sécurité sociale pour permettre d’atteindre, avec la retraite de base et la retraite complémentaire des indépendants, l’objectif d’une pension minimale à 85 % du SMIC net, selon l'exposé des motifs du projet de loi.
En outre, pour les pensions liquidées à compter du 1er septembre 2023, pour que tout futur retraité justifiant d’une carrière complète et à temps complet bénéficie aussi au moins de 85 % du SMIC net au moment de son départ en retraite, le montant du minimum contributif majoré serait à l’avenir indexé sur le SMIC. En revanche, une fois la pension liquidée, elle serait ensuite revalorisée en fonction de l’inflation, comme aujourd’hui (projet de loi art. 10, I, 2°, b et V).
Le comité de suivi des retraites serait chargé de surveiller que cette indexation permette d’atteindre cet objectif (projet de loi art. 10, I, 1°).
Revalorisation de la pension minimale des retraités actuels
Le projet de loi prévoit aussi une revalorisation de la pension minimale des « actuels » retraités, c’est-à-dire ceux qui auront liquidé leur pension de vieillesse avant le 1er septembre 2023. S’ils justifient d’une carrière complète, dont 120 trimestres cotisés, leur pension minimale serait assortie d’une majoration dont le montant, fixé par décret, devrait s’élever à 100 € par mois. Pour ceux dont le nombre de trimestres cotisés serait inférieur à 120, la majoration serait proratisée en fonction du nombre de trimestres d'assurance ayant donné lieu à cotisations (projet de loi art. 10, IV ; exposé des motifs).
Cette majoration serait due à compter du 1er septembre 2023 et versée au plus tard en septembre 2024.
Par équité avec les nouveaux retraités, la majoration de pension des retraités actuels ne pourrait toutefois pas conduire à porter la pension de base au-delà du montant du minimum contributif majoré tel que revalorisé par la réforme.
Autres mesures
Minimum contributif majoré. Le projet de loi prévoit d’assouplir, pour les pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023, l’éligibilité au minimum contributif majoré (voir § 1-23) pour les assurés ayant réduit ou interrompu leur activité professionnelle afin d’élever leurs enfants ou de s’occuper d'un enfant ou d'un proche handicapé ou malade, en prenant en compte comme trimestres cotisés les trimestres acquis au titre de l’affiliation à l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) ou de la future assurance vieillesse des aidants (AVA) (voir § 1-26), dès lors que la durée d’assurance correspondant à ces périodes est au moins égale à un seuil qui sera fixé par décret (projet de loi art. 10, I, 2° et V ; étude d'impact, p. 105).
ASPA. Par ailleurs, afin de lutter contre le non-recours à l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), le projet de loi prévoit un assouplissement du seuil de récupération sur succession. Pour rappel, actuellement, la récupération n’est opérée que sur la fraction de l’actif net de l'assuré qui excède 39 000 € en métropole et 100 000 € en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion et à Mayotte, montants qui n'ont pas évolué depuis plusieurs années en l’absence d’indexation sur l’inflation (étude d'impact, p. 107).
La limite de récupération sur succession de l'ASPA serait à l'avenir indexée sur l'inflation (revalorisation au 1er janvier de chaque année par application d'un coefficient égal à l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac des 12 derniers indices mensuels de ce prix) (projet de loi art. 10, I, 3°, a et V ; étude d'impact, p. 107). Cette limite serait en outre fixée par décret à 100 000 € dès le 1er septembre 2023, que ce soit en métropole ou en outre-mer (projet de loi art. 10, I, 3°, b et V ; exposé des motifs ; étude d'impact, p. 107).
Création de l'assurance vieillesse des aidants
Contexte
À l’heure actuelle, les parents interrompant ou réduisant leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants sont obligatoirement affiliés à l’assurance vieillesse du régime général via l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), dès lors qu’ils bénéficient du complément familial ou de la prestation d’accueil du jeune enfant et que leurs ressources ne dépassent pas un certain plafond (c. séc. soc. art. L. 381-1, al. 1 et 2).
Ces dernières années, l’AVPF a été ouverte à quelques situations d’aidants. Ainsi, sont aussi affiliés gratuitement à l’assurance vieillesse du régime général, sans avoir à respecter une condition de ressources (c. séc. soc. art. L. 381-1 et D. 381-3) :
-les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale (parents qui cessent ponctuellement leur activité pour s’occuper d’un enfant atteint d'une maladie ou d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité) (c. séc. soc. art. L. 544-1) ;
-pour 1 an maximum, les bénéficiaires de l'allocation journalière de proche aidant (c. séc. soc. art. L. 168-8) et les bénéficiaires du congé de proche aidant (c. trav. art. L. 3142-22) pour les périodes pour lesquelles ils ne bénéficient pas de l'allocation journalière afférente ;
-pour 1 an maximum, les travailleurs non salariés ainsi que leur conjoint collaborateur qui interrompent leur activité professionnelle pour s'occuper d'un proche (enfant, conjoint, ascendant, collatéral jusqu’au 4e degré) présentant un handicap ou une perte d'autonomie d'une particulière gravité ;
-les personnes qui n'exercent aucune activité professionnelle ou seulement une activité à temps partiel et qui ont la charge d'un enfant handicapé de moins de 20 ans non admis en internat ;
-les personnes qui n'exercent aucune activité professionnelle ou seulement une activité à temps partiel et qui ont la charge, au foyer familial, d’une personne adulte handicapée (conjoint, ascendant, descendant ou collatéral), dont l'incapacité permanente est au moins égale à 80 %.
L’AVPF couvre ainsi deux publics très distincts (parents élevant leurs enfants d’une part, aidants d’une personne handicapée ou en perte d’autonomie, d'autre part), ce qui altère largement la lisibilité du dispositif, mal connu des aidants. En outre, l'AVPF « ne permet pas de répondre à certains besoins spécifiques d’aidants d’enfants ou d’adultes en situation de handicap ou de personnes âgées en perte d’autonomie » (exposé des motifs ; étude d'impact, p. 131).
Une assurance vieillesse spécifique aux aidants, au périmètre élargi
Objectif de la réforme
Pour améliorer les droits à retraite des aidants de personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie, le projet de loi prévoit la création d’une assurance vieillesse des aidants (AVA), qui intégrerait des situations d’aidants non prises en compte aujourd’hui.
Ainsi, au-delà des cas d’affiliation d’aidants à l’assurance vieillesse déjà existants via l'AVPF (voir § 1-25), la réforme proposée permettrait une validation de trimestres d’assurance retraite pour (dossier de presse, p. 31) :
-les aidants de personnes extérieures au cercle familial et les aidants ne résidant pas au domicile de la personne aidée (l’exigence de cohabitation et de lien familial étroit pour les aidants d’adultes en situation de handicap ou en perte d’autonomie serait supprimée) ;
-les aidants d’enfants handicapés ayant un taux d’incapacité inférieur à 80 % et éligibles à un complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH).
Aidants bénéficiaires de l’AVA
Selon le projet de loi, la future assurance vieillesse des aidants (AVA) permettrait d’affilier gratuitement à l’assurance vieillesse du régime général (projet de loi art. 12) :
-le bénéficiaire de l’allocation journalière de présence parentale (c. séc. soc. art. L. 544-1) ;
-pendant 1 an maximum, le bénéficiaire de l’allocation journalière de proche aidant (c. séc. soc. art. L. 168-8), ainsi que le bénéficiaire d’un congé de proche aidant (c. trav. art. L. 3142-16) pour les périodes pour lesquelles il ne bénéficie pas de l’allocation journalière afférente ;
-pendant 1 an maximum, le travailleur non salarié ainsi que son conjoint collaborateur qui interrompt son activité professionnelle pour s'occuper d’un conjoint, concubin ou partenaire pacsé, d’un ascendant ou descendant, d’un enfant à charge, d’un collatéral jusqu'au 4e degré, d’un ascendant, descendant ou collatéral jusqu'au 4e degré de son conjoint, concubin ou partenaire pacsé ou encore – ce qui est nouveau – d’une personne âgée ou handicapée avec laquelle il réside ou avec laquelle il entretient des liens étroits et stables, à qui il vient en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne.
Serait également obligatoirement affiliée à l’assurance vieillesse du régime général, via l’AVA, la personne qui n’exerce aucune activité professionnelle ou seulement une activité à temps partiel :
-ayant à sa charge un enfant handicapé de moins de 20 ans non admis en internat et dont l’incapacité permanente est au moins égale à 80 % ;
-ayant à sa charge un enfant handicapé de moins de 20 ans non admis en internat, dont l’incapacité permanente est inférieure à un taux qui sera fixé par décret (80 % selon l’exposé des motifs du projet de loi) et qui ouvre droit au complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ;
-apportant son aide à une personne adulte handicapée atteinte d’une incapacité permanente d’au moins 80 %, dont l’état nécessite une assistance ou une présence et qui est son conjoint, concubin ou partenaire pacsé, son ascendant ou descendant, un enfant à charge, son collatéral jusqu'au 4e degré, l’ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au 4e degré de son conjoint, concubin ou partenaire pacsé ou encore – ce qui est nouveau – une personne âgée ou handicapée avec laquelle elle réside ou avec laquelle elle entretient des liens étroits et stables, à qui elle vient en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne.
Outre-mer. Le projet de loi rend l'AVA applicable en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
Financement de l’AVA. L’assurance vieillesse des aidants serait financée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, via une cotisation calculée sur des assiettes forfaitaires.
Maintien de l’AVPF sur un périmètre réduit
L’AVPF serait maintenue et réservée aux parents qui interrompent ou qui réduisent leur activité professionnelle pour s’occuper de l’éducation de leurs enfants et qui perçoivent, dans ce cadre, certaines prestations familiales (voir § 1-25) (projet de loi art. 12).
Entrée en vigueur
L’assurance vieillesse des aidants devrait entrer en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er septembre 2023 (projet de loi art. 12).
Validation des périodes de travaux d'utilité collective (TUC)
Les périodes de stage réalisées par certains bénéficiaires de travaux d'utilité collective (TUC) entre 1977 et 1990 ont donné lieu à cotisation sur des assiettes forfaitaires réduites, ne permettant pas toujours la validation de trimestres pour la retraite.
Pour compenser cette situation, le projet de loi entend tenir compte de ces périodes pour l'ouverture du droit à pension, en prévoyant que l'État prenne en charge le coût de cette validation. La mesure entrerait en vigueur pour les pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023 (projet de loi art. 11).