1 - ISF 2016 : synthèse des nouveautés
Les nouveautés législatives relatives à l’ISF 2016 et plusieurs décisions de jurisprudence dont certaines sont favorables aux redevables sont résumées ci-dessous.
L'essentiel
Sont redevables de l’ISF 2016 les personnes physiques dont le patrimoine net taxable est supérieur à 1 300 000 €. / 1-1
Selon le montant de leur patrimoine net taxable, les redevables déclarent la valeur de celui-ci soit directement sur leur déclaration de revenus 2042 C, soit sur la déclaration spécifique d’ISF 2725. / 1-2 et 1-4
Le dépôt de la déclaration 2042 en ligne devient progressivement obligatoire. / 1-2
Au-delà de 10 000 €, le paiement dématérialisé de l'ISF mis en recouvrement par voie de rôle est exigé. / 1-7
De nouvelles modalités d'application de la réduction d’ISF pour souscription au capital de PME sont prévues pour les souscriptions réalisées à partir de 2016. / 1-8
Obligations déclaratives : rappels et nouveautés
Seuil d’imposition inchangé pour 2016
Pour l’année 2016, le seuil d’imposition à l’ISF est fixé à 1 300 000 € (seuil identique depuis 2013) (CGI art. 885 U) (voir § 9-3).
Les modalités déclaratives diffèrent selon la valeur du patrimoine net taxable à l’ISF. Ainsi, les redevables déclarent leur patrimoine net taxable soit directement sur leur déclaration de revenus 2042 C, soit sur la déclaration spécifique d’ISF 2725.
ISF 2016 mentionné sur la déclaration des revenus de 2015
La déclaration 2042 en ligne devient progressivement obligatoire
Les redevables de l’ISF dont le patrimoine net taxable à l’ISF est compris entre 1 300 000 € et 2 570 000 € déclarent la valeur brute et la base nette imposable de leur patrimoine dans la rubrique 9 du formulaire 2042 C, déclaration complémentaire à la déclaration des revenus de 2015.
Ils précisent également le montant des versements qui ouvrent droit à réductions d’ISF pour investissements et pour dons, et le cas échéant le montant du plafonnement et celui de l’ISF payé à l’étranger (voir §§ 2-14 à 2-17).
Ces redevables sont dispensés de déposer une déclaration d’ISF 2725 (voir § 2-1) (voir « L’impôt de solidarité sur la fortune », RF Web 2015-1, § 31).
Ils peuvent donc déclarer leur ISF par Internet avec leur déclaration de revenus et profiter des avantages de cette procédure ou bien souscrire cette déclaration sur papier au moyen de la déclaration de revenus complémentaire (formulaire 2042 C).
Toutefois, les contribuables dont le revenu fiscal de référence de 2014 est supérieur à 40 000 € et dont la résidence principale est équipée d'un accès à internet, doivent souscrire leur déclaration de revenus 2015 et ses annexes par voie électronique (CGI art. 1649 quater B quinquies) (voir § 2-3).
Si le contribuable n’a pas la possibilité de se conformer à cette obligation, il peut utiliser une déclaration papier.
Le non-respect de cette obligation entraîne l'application, à compter de la 2e année au cours de laquelle un manquement est constaté, d'une amende forfaitaire de 15 € par déclaration et pour chaque annexe déposée selon un autre procédé (CGI art. 1738, 4).
Télécorrection des informations. Le contribuable peut télécorriger les informations relatives à l’ISF portées sur la déclaration 2042 C jusqu’à fin novembre après réception de son avis d’imposition (voir § 2-5).
Transmission de la déclaration en mode EDI
Depuis l'année dernière, le contribuable est autorisé à transmettre la déclaration 2042 et ses annexes en mode EDI (voir § 2-4).
Redevables tenus de souscrire une déclaration d’ISF 2725
Redevables dont le patrimoine net taxable est au moins égal à 2,57 M€
Seuls les redevables qui possèdent un patrimoine supérieur ou égal à 2 570 000 € doivent souscrire une déclaration spécifique 2725 accompagnée de ses annexes (BOFiP-PAT-ISF-50-10-10-01/07/2015) (voir § 3-3).
La déclaration 2725 doit être déposée au plus tard le 15 juin 2016 (sauf délai particulier) accompagnée du paiement de l’impôt (voir § 3-8).
Une date unique de dépôt de la déclaration 2725 est fixée au 15 juillet pour les redevables domiciliés hors de France (y compris Principauté de Monaco) détenant un patrimoine dont la valeur nette taxable est supérieure à 2,57 M€, et ce quel que soit leur pays de résidence (BOFiP-PAT-ISF-50-10-20-20-§ 280-04/05/2015).
Non-résidents qui ne déposent pas de déclaration de revenus en France
Les contribuables non résidents imposables à l’ISF en France, mais qui n’ont pas à déposer de déclaration de revenus en France, soit en l’absence de revenus de source française, soit en l’absence d’éléments de patrimoine mentionnés à l’article 170 bis du CGI, doivent déposer une déclaration d’ISF normale ou simplifiée (2725 ou 2725 SK), avec ses annexes et éventuellement les justificatifs auprès du service des impôts des particuliers non résidents dès lors que leur patrimoine net taxable excède 1 300 000 € (voir § 3-6).
Résidents européens dispensés de désigner un représentant fiscal
Les personnes qui possèdent des biens en France sans y avoir leur domicile fiscal ainsi que les agents de l’État qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus peuvent être invitées par le service des impôts à désigner un représentant en France (CGI art. 4 B, 2, 164 D et 885 X).
Toutefois depuis l'ISF 2015, les contribuables résidents dans l’UE ou dans un État partie à l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention mutuelle en matière de recouvrement de l’impôt sont dispensés de recourir à un représentant fiscal (CGI art. 885 X ; BOFiP-PAT-ISF-50-10-10-§ 195-01/07/2015).
Paiement de l'ISF
Les modalités de paiement sont inchangées, à l'exception du paiement dématérialisé qui devient progressivement obligatoire pour certains redevables (voir §§ 9-20 à 9-23).
En 2016, pour les redevables qui déclarent leur patrimoine sur leur déclaration de revenus de l’année précédente, la loi rend obligatoire le paiement de tout avis d'un montant supérieur à 10 000 € par voie dématérialisée. Le paiement mensuel n'étant pas mis en oeuvre pour l'ISF, l'impôt doit être payé par prélèvement à l'échéance ou sur impots.gouv.fr ou par smartphone. Au-delà de 10 000 €, il est possible de payer l'ISF par dation en paiement (voir § 9-20).
À défaut, le contribuable encourt une majoration égale à 0,2 % des sommes dues, dont le montant ne peut être inférieur à 15 € (CGI art. 1738, 5).
Le seuil de paiement obligatoire par un moyen dématérialisé sera ensuite progressivement abaissé à 2 000 € en 2017, à 1 000 € en 2018, et à 300 € en 2019.
Réforme de la réduction d’ISF pour souscription au capital de PME
Des conditions plus restrictives
Le dispositif de réduction d’ISF pour souscriptions au capital de PME est remanié afin de respecter les règles européennes applicables en matière d’aides d’État. Il est ainsi placé sous le régime général d'exemption par catégorie (REGC) (règlt UE 651/2014 du 17 juin 2014 ; CGI art. 885-0 V bis ; loi 2015-1786 du 29 décembre 2015, JO du 30, art. 24).
Pour les souscriptions effectuées à partir de 2016, le bénéfice de la réduction d’ISF pour souscriptions au capital de PME est soumis à des conditions plus restrictives (voir § 8-3).
En particulier :
-le bénéfice de la réduction d'ISF est réservé aux souscriptions en numéraire. Celles réalisées sous forme d’apports sont exclues ;
-l'avantage fiscal est recentré sur les entreprises de moins de 7 ans ou de moins de 10 ans lorsque l’investissement est réalisé via un FCPI ;
-en dehors des cas d'investissement de suivi, les dirigeants associés ou actionnaires ne peuvent plus réduire leur ISF en investissant dans leur propre société.
Un régime spécifique est prévu en faveur des entreprises solidaires.
Le montant total des versements reçus par une même PME au titre des souscriptions et des aides au financement des risques est porté à 15 M€ sur toute la durée de vie de l’entreprise, au lieu de 2,5 M€ par période glissante de 12 mois pour les souscriptions effectuées avant 2016.
Souscriptions de parts de FCPI et de FIP
Les aménagements apportés à la réduction d’ISF au titre des souscriptions de parts de FCPI et de FIP ont pour objet principal d’aligner les conditions d’éligibilité des PME sur celles introduites en cas de souscriptions directes (la condition de l’ancienneté de l’entreprise est toutefois fixée à 10 ans pour les FCPI) (voir § 8-8).
Ces mesures s'appliquent aux versements effectués au titre de souscriptions aux parts de fonds dont l’agrément de constitution par l’autorité compétente dont ils relèvent est délivré à compter du 1er janvier 2016.
Des décisions de jurisprudence favorables
Exonération des biens professionnels
Exonération des droits sociaux : appréciation du patrimoine social au niveau de la holding
En matière d’ISF, lorsque des droits sociaux remplissent les conditions pour être qualifiés de biens professionnels, l’exonération est limitée à la fraction de la valeur des parts ou actions de la société correspondant aux éléments du patrimoine social de la société nécessaires à l’activité (CGI art. 885 O ter ; voir RF Web 2015-1, § 515).
Cette limitation s’applique-t-elle à tous les éléments composant l’actif social de l’ensemble des filiales et sous-filiales de la société holding tête de groupe dont les titres bénéficient de l’exonération biens professionnels ?
Non, selon la Cour de cassation. La limitation prévue par le texte légal est d’interprétation stricte et ne s’applique qu’aux actifs détenus par la société qualifiée de bien professionnel dans laquelle le contribuable détient des parts sociales (cass. com. 20 octobre 2015, n° 14-19598).
En l’espèce, un couple détenait l’intégralité des titres d’une société A (remplissant les conditions pour être qualifiés de biens professionnels). La société A détenait 100 % du capital d’une société B laquelle détenait 100 % du capital d’une filiale C. Cette société C contrôlait elle-même le capital de plusieurs sociétés détenant des immeubles donnés en location nue à des locataires extérieurs au groupe. L’administration avait remis en question l’exonération d’ISF à raison de la quote-part de la valeur des titres de la société A correspondant aux immeubles détenus par les filiales de C au motif qu’ils n’étaient pas nécessaires à son activité.
Dès lors que les actifs de la holding sont utilisés pour l’exercice d’une activité commerciale, notamment pour l’animation de ses participations, c’est l’intégralité des participations détenues par la holding animatrice qui a désormais la qualité de biens professionnels.
À noter
Il est ainsi mis fin à la doctrine administrative selon laquelle il convenait d’examiner les actifs des filiales et des sous-filiales pour déterminer la valeur des titres d’une société mère admis à l’exonération au titre des biens professionnels.
Location d'un fonds de commerce à une société détenue par l'intermédiaire d'une Holding
En l’espèce une personne était propriétaire d’un fonds de commerce de camping alimentation et restauration, qu’elle donnait en location gérance à une société de camping dont elle était gérante. Par la suite, les parts de cette société avaient été apportées à une société holding, qui s’était alors trouvée détenir 65 % des parts de la société exploitante.
La Cour de cassation rappelle qu’un fonds de commerce donné en location-gérance à une société exploitante détenue indirectement par le biais d’une autre société (holding) ne peut pas être considéré comme professionnel (au regard de l’ISF) en proportion des droits détenus dans la société locataire-gérante par le propriétaire. Seuls les associés détenant directement des parts ou actions dans la société d'exploitation peuvent bénéficier de l’exonération au titre des biens professionnels (cass. com. 6 octobre 2015, n° 14-23104).
À noter
Cette décision a fait l’objet d’un commentaire de Hervé Kruger dans un précédent feuillet hebdomadaire (voir FH 3620, §§ 1-1 à 1-17).
Exonération partielle des mandataires sociaux : l’activité principale peut ne pas être rémunérée
Les salariés ou les mandataires sociaux qui détiennent des parts ou des actions dans la société dans laquelle ils exercent leur activité principale peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’une exonération partielle d’impôt de solidarité sur la fortune. Ils sont exonérés à hauteur de 75 % de la valeur des titres détenus s’ils conservent leurs titres pendant au moins 6 ans. La société dans laquelle les salariés ou les mandataires sociaux détiennent leurs titres doit avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (CGI art. 885 I quater ; voir RF Web 2015-1, § 900). L’activité principale correspond à celle qui constitue l'essentiel des activités économiques du redevable. Pour la Cour de cassation, l’activité principale n’implique pas nécessairement de percevoir une rémunération (cass. com. 5 janvier 2016, n° 14-23681).
Le texte légal ne précise pas la notion d’activité principale. L’administration a indiqué, dans sa doctrine, que cette condition devait s’apprécier au regard des circonstances dans lesquelles la profession était exercée. En cas de pluralité de professions, celle-ci devait s’entendre de celle qui constituait l’essentiel des activités économiques de redevable. À défaut, il convient de retenir l’activité procurant à l’intéressé la plus grande part de ses revenus. Selon l'administration, il convenait de prendre en compte le critère de la rémunération.
C’est cette approche qui a été censurée par la Cour de cassation. La Cour de cassation distingue ainsi le régime d’exonération des biens professionnels, qui suppose la perception d’une rémunération dite normale, de l’exonération partielle applicable aux salariés et mandataires sociaux qui ne pose pas une telle condition. La prépondérance de l’activité doit par conséquent être appréciée au regard du temps passé à l’exercice de l’activité exercée sans que le critère de la rémunération n’interfère dans cette appréciation.
Réduction d’ISF pour souscription au capital de PME et cessation d’activité de la société
Le redevable, après avoir souscrit au capital et à une augmentation du capital d’une société, avait bénéficié d’une réduction d’ISF pour souscription au capital de PME. La société ayant cessé son activité au bout de 2 ans, l’administration fiscale a remis en cause ces déductions.
Une remise en cause confirmée par la cour d’appel selon laquelle la condition de conservation des titres pendant une durée de 5 ans exigée par l'article 885-0 V bis du code général des impôts doit être comprise comme celle de titres d'une société exerçant une activité, excluant celle de titres d'une société n'ayant plus d'activité, sauf si ces titres n'ont pu être conservés par suite de leur annulation pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel au motif que cette dernière ajoute à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, à savoir le maintien de l'activité de la société pendant 5 ans (cass. com. 2 février 2016, n° 14-24441).
À noter
La condition selon laquelle la société bénéficiaire doit exercer une activité éligible pendant 5 ans uniquement dictée par la doctrine (BOFiP-PAT-ISF-40-30-10-20-§ 180-10/04/2015) est expressément prévue par la loi pour les souscriptions effectuées à compter du 1er janvier 2016 (voir § 8-7).
Lorsqu’elle rectifie l’ISF, l’administration doit appliquer le plafonnement
Selon la Cour de cassation, l’administration fiscale qui rectifie l’ISF dû par un redevable doit immédiatement appliquer les règles de calcul du plafonnement. Elle casse ainsi l’arrêt de la cour d’appel selon lequel l'administration qui procède à la rectification de l'ISF dû par un redevable n'est pas tenue d'appliquer les règles de plafonnement de cet impôt prévues par la loi, et qu'il appartient au redevable de l’ISF de liquider ce plafonnement une fois que les impositions sont devenues définitives, et de demander, par voie de réclamation, le dégrèvement correspondant (cass. com. 27 mai 2015, n° 14-14257).
À noter
S'agissant des incidences des procédures de rectification sur le calcul du plafonnement, il convient de distinguer selon que les rappels d'impôt portent sur l'ISF ou sur l'impôt sur le revenu. En effet, en matière d'impôt sur le revenu, l'administration fiscale doit attendre que la dette soit certaine pour en tirer les conclusions au regard du plafonnement de l'ISF (cass. com. 28 février 2006, n° 03-15015).