3 - La consultation du CSE sur un projet de restructuration se suffit à elle-même
L'employeur qui envisage une restructuration n'a pas à organiser la consultation périodique du CSE sur les orientations stratégiques avant d'engager la consultation sur le projet de restructuration proprement dit.
Cass. soc. 21 septembre 2022, n° 20-23660 BR
Des consultations ponctuelles et des consultations périodiques
Consultation du CSE en cas de projet de restructuration de l’entreprise
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE doit être consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la modification de son organisation économique ou juridique (c. trav. art. L. 2312-8 ; voir « L'employeur et les représentants du personnel », RF 1119, § 4900). En vertu de ces attributions, d'ordre général, l'employeur a l'obligation de consulter le CSE en cas de restructuration et compression des effectifs (c. trav. art. L. 2312-37, 2°).
Cette consultation du CSE est dite « ponctuelle », puisqu’elle intervient à l’occasion de la mise en œuvre d’un projet spécifique de restructuration. On pourrait aussi la qualifier de « conjoncturelle ».
Mais il n'y a pas que les restructurations. Le code du travail liste ainsi une série de situations dans lesquelles le CSE doit également être consulté : mise en œuvre de moyens de contrôle de l'activité des salariés, licenciement collectif pour motif économique, opération de concentration, offre publique d'acquisition et procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (c. trav. art. L. 2312-37 ; voir RF 1119, § 4902).
Consultation périodique du CSE sur les orientations stratégiques de l'entreprise
En parallèle des consultations ponctuelles, le CSE doit être consulté de façon périodique sur trois sujets (c. trav. art. L. 2312-17 et L. 2312-24) :
On parle des trois grandes consultations récurrentes du CSE. Elles ont en principe lieu chaque année. Un accord collectif peut fixer une périodicité différente, avec néanmoins l'obligation d'organiser les consultations au minimum tous les 3 ans (c. trav. art. L. 2312-19 et L. 2312-22).
L'affaire : une cour d'appel subordonne la consultation sur la restructuration à la consultation sur les orientations stratégiques
Un projet de restructuration de l’entreprise pose la question de l’articulation entre la consultation ponctuelle du CSE sur ce projet et la consultation récurrente du CSE sur les orientations stratégiques, le projet de restructuration pouvant être intimement lié aux orientations stratégiques.
En plus de procéder à la consultation ponctuelle du CSE sur l’opération de restructuration, l’employeur doit-il également consulter le CSE dans le cadre de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise ? La consultation ponctuelle du CSE sur le projet de réorganisation doit-elle être précédée de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques ?
Telle est la question tranchée par la Cour de cassation dans un arrêt du 21 septembre 2022 appelé à figurer au rapport annuel.
Dans cette affaire, la cour d’appel avait suspendu la consultation ponctuelle du CSE sur le projet de réorganisation jusqu’à ce qu’intervienne la consultation sur les orientations stratégiques.
Pour les juges d’appel, le projet en cause – la fermeture d’un établissement et la résiliation d’un contrat d’association avec l’État – était « un choix stratégique », qui résultait du constat « d'une dégradation de la situation économique, d'une trésorerie insuffisante » et « de la volonté de rétablir un équilibre financier après plusieurs années de déficit ». Et d’ajouter que « ce choix n'est que la déclinaison concrète d'une orientation stratégique qui doit préalablement être soumise à la discussion du CSE ».
La Cour de cassation consacre l’indépendance des deux consultations, qui n'ont pas le même objet ni la même temporalité
Saisie par l’employeur, la Cour de cassation casse la décision des juges d’appel.
À l’inverse de la cour d’appel, la Cour de cassation estime que « la consultation ponctuelle sur la modification de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n'est pas subordonnée au respect préalable par l'employeur de l'obligation de consulter le CSE sur les orientations stratégiques de l'entreprise ».
Autrement dit, l’employeur n’est pas tenu de consulter le CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise avant de procéder à la consultation ponctuelle du CSE sur le projet de réorganisation.
Dans la note explicative jointe à l’arrêt, la Cour de cassation explique le fondement de cette solution : elle indique que, « par son objet et par sa temporalité », la consultation sur les orientations stratégiques « a été définie indépendamment des consultations ponctuelles » ; « Elle offre un cadre à une discussion prospective sur l’avenir général de l’entreprise, distincte des consultations ponctuelles du CSE relatives à un projet déterminé de l’employeur ayant des répercussions sur l’emploi, notamment en matière de restructurations ».
La Cour de cassation ajoute que la solution retenue s’inscrit dans la continuité de l’arrêt du 30 septembre 2009 selon lequel la régularité de la consultation du CSE sur un projet de licenciement économique n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le CSE sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, ni de celle d’engager une négociation périodique sur la GPEC (cass. soc. 30 septembre 2009, n° 07-20525, BC V n° 217).
Cass. soc. 21 septembre 2022, n° 20-23660 BR (extrait)
Vu les articles L. 2312-8, L. 2312-24 et L. 2312-37 du code du travail :
5. Selon les articles L. 2312-8 et L. 2312-37 du code du travail, le comité social et économique est consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur la modification de son organisation économique ou juridique ou en cas de restructuration et compression des effectifs.
6. Aux termes de l'article L. 2312-24 du même code, le comité social et économique est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences. Le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l'entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre.
7. Pour suspendre la consultation sur la résiliation du contrat avec le ministère de l'agriculture jusqu'à la clôture de celle sur les orientations stratégiques, l'arrêt retient que la décision envisagée de résilier le contrat avec le ministère de l'agriculture et de cesser la formation initiale scolaire du lycée professionnel du paysage et de l'environnement est un choix stratégique, que celui-ci résulte du constat d'une dégradation de la situation économique, d'une trésorerie insuffisante, obérant la capacité de [la fédération] à s'endetter pour faire face à des travaux d'entretien et de rénovation nécessaires, d'une baisse de fréquentation très importante de ce lycée et de la volonté de rétablir un équilibre financier après plusieurs années de déficit. Il ajoute que ce choix n'est que la déclinaison concrète d'une orientation stratégique qui doit préalablement être soumise à la discussion du comité social et économique.
8. En statuant ainsi, alors que la consultation ponctuelle sur la modification de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n'est pas subordonnée au respect préalable par l'employeur de l'obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.