8 - Le gouvernement dévoile ses intentions pour la réforme du compte pénibilité
Le projet de loi d'habilitation visant à réformer le code du travail par ordonnances prévoit notamment de simplifier les règles de prise en compte de la pénibilité. Dans une lettre adressée aux partenaires sociaux le 8 juillet 2017, le Premier ministre présente les mesures envisagées par le gouvernement.
Lettre du Premier ministre aux partenaires sociaux du 8 juillet 2017
L'essentiel
Six facteurs de pénibilité continueraient à être pris en compte selon les mêmes modalités. / 8-2
Les quatre facteurs restants sortiraient du compte pénibilité, mais permettraient de bénéficier d'une retraite anticipée s'ils sont à l'origine d'une maladie professionnelle ayant généré une incapacité permanente d'au moins 10 %. / 8-3
Les deux cotisations attachées au compte pénibilité seraient supprimées et le financement du dispositif ne serait plus assuré par des cotisations spécifiques, mais par la sécurité sociale. / 8-4
Simplification dans le cadre de la réforme du code du travail
Depuis le 1er janvier 2015, les entreprises doivent déclarer les salariés exposés à des facteurs de risques professionnels au-delà de certains seuils définis par décret. Les salariés concernés acquièrent des points qui leur permettent ensuite de bénéficier d'action de formation, de financier une réduction de leur durée de travail ou de partir en retraite avant l'âge légal (voir « Obligations et responsabilités de l'employeur », RF 1067, § 1340).
Or, l'étude d'impact associée au projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social note que ce dispositif pose d'importantes difficultés pratiques, notamment pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), qui peinent notamment à mesurer l'exposition des salariés aux facteurs réglementaires de pénibilité (étude d'impact, p. 65).
Le projet de loi d'habilitation prévoit par conséquent de modifier par ordonnances les règles de prise en compte de la pénibilité au travail, en adaptant les facteurs de risques professionnels (c. trav. art. D. 4161-2), les obligations de déclaration de ceux-ci, les conditions d’appréciation de l’exposition à certains de ces facteurs, les modes de prévention, les modalités de compensation de la pénibilité, ainsi que les modalités de financement des dispositifs correspondants (projet de loi art. 5).
La lettre adressée le 8 juillet 2017 par le Premier ministre, Édouard Philippe, aux partenaires sociaux précise les intentions du gouvernement et le contenu de la future ordonnance.
Pas de changement pour six facteurs de pénibilité
Les modalités de déclaration et de prise en compte des expositions ainsi que les points accordés à ce titre pour 6 facteurs de pénibilité resteront inchangés.
Le fonctionnement du compte sera identique et les points acquis garantis pour :
-le travail en milieu hyperbare ;
-le travail de nuit ;
-le travail répétitif ;
-le travail en équipes successives alternantes ;
-l’exposition au bruit et l’exposition aux températures extrêmes.
Quatre facteurs traités en retraite anticipée via les maladies professionnelles
Pour les 4 autres facteurs, le gouvernement juge que « la mesure de l’exposition est a priori trop complexe ». En conséquence de quoi, « les modalités de compensation de la pénibilité seront simplifiées ».
Sont ici concernés les trois facteurs liés à des contraintes physiques marquées (postures pénibles, vibrations mécaniques et manutention manuelle des charges), ainsi que l’exposition aux agents chimiques dangereux (ACD), y compris les poussières et les fumées. Même si la lettre du Premier ministre ne l’indique pas expressément, il semblerait que ces 4 facteurs soient sortis du fonctionnement actuel du compte.
Les salariés qui pourront partir en retraite anticipée, dans le compte pénibilité à ce titre, seront ceux pour lesquels une maladie professionnelle a été reconnue et qui sont frappés par une incapacité permanente d’au moins 10 %, sans condition de durée d’exposition. En clair, il faudra effectivement avoir été atteint.
Une liste des maladies professionnelles concernées sera établie en correspondance avec les facteurs de pénibilité en question. Une visite médicale de fin de carrière permettra aux salariés concernés de faire valoir leurs droits.
S’agissant de la prévention des risques chimiques, une réflexion spécifique serait menée.
Nouveau mode de financement
Sur le plan du financement, les deux cotisations attachées au compte pénibilité seront supprimées (voir « Les cotisations sociales de l'entreprise », RF 1085, §§ 4340 et 4345). Le financement des droits attachés à la pénibilité sera assuré par la sécurité sociale, via la branche accidents du travail/maladies professionnelles.
Cette suppression sera générale et concernera tous les facteurs de pénibilité.
Prise en compte des accords collectifs de prévention
La prévention sera encouragée via la possibilité de prendre en compte les actions et les efforts décrits dans les accords collectifs. Reste à savoir comment, mais le courrier adressé aux partenaires sociaux ne contient pas plus de précision sur ce point.
Pour finir, on signalera que le but affiché par les pouvoirs publics est d’aboutir à un dispositif « fortement simplifié pour les entreprises » et que les « droits des salariés soient garantis ». Sur ce point, on laissera chacun se faire son idée.