7 - Les hiérarchies des normes et le contrat en droit du travail
Franck Morel
Avocat associé (Barthélémy Avocats), ancien conseiller de plusieurs ministres du travail
Coauteur de « Un autre droit du travail est possible » (Fayard, avril 2016)
Le Code du travail organise la hiérarchie des normes lorsqu’une situation est visée par plusieurs sources de droit de niveaux différents. Bien loin d’affirmer une règle unique, le droit organise des règles différentes en fonction des niveaux et des thèmes concernés. C’est la raison pour laquelle il est plus approprié d’évoquer non pas « la » mais « les » hiérarchies des normes en matière de droit du travail.
Le droit du travail se caractérise par l’existence de contrats d’un type spécifique que sont, d’une part le contrat de travail, et d’autre part les conventions et accords collectifs. Les règles de hiérarchies des normes qui organisent l’application de ces contrats font l’objet de dispositions variées et diverses.
Le débat autour de « l’inversion de la hiérarchie des normes » que mettrait en œuvre le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (dit « projet de loi travail ») doit donc être contextualisé pour l’aborder avec tout le recul nécessaire. En effet, il est question d'une des méthodes d’organisation de la hiérarchie des normes qui peut être baptisée « supplétivité ». Cette dernière entend en effet privilégier l’application d’une norme, par exemple l’accord d’entreprise, en écartant toute clause d’une norme de niveau supérieur différente, cette dernière ne s’appliquant qu’à défaut de clause de l’accord d’entreprise et étant donc supplétive. Cependant, les cas de figure vont bien au-delà de celui-ci et imposent donc un panorama complet pour comprendre les principes applicables.
Les hiérarchies des normes entre la loi et l’accord collectif
Le principe de faveur ou l’ordre public social
Accord plus favorable au salarié que la loi
Une convention ou un accord collectif peut comporter des stipulations plus favorables au salarié que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public (c. trav. art. L. 2251-1).
Le Conseil d’État (CE 8 juillet 1994, n° 105471) et le Conseil constitutionnel (c. constit., décision 89-257 DC du 25 juillet 1989, JO du 28) ont respectivement consacré comme principe général du droit et comme principe fondamental du droit du travail cette possibilité pour un accord collectif de contenir des prescriptions plus favorables que la loi ou le règlement.
Le principe de faveur n’a pas cependant une valeur supra légale et le Conseil constitutionnel a précisément refusé d’en faire un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui interdirait au législateur de prévoir des dérogations (c. constit., décision 97-388 DC du 20 mars 1997, JO du 26 ; c. constit., décision 2002-465 DC du 13 janvier 2003, JO du 18).
Le principe ainsi invoqué ne résulte d’aucune disposition législative antérieure à la Constitution de 1946, et notamment pas de la loi du 24 juin 1936. Dès lors, il ne saurait être regardé comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du Préambule de la Constitution de 1946.
Méthode de comparaison entre l’accord et la loi
La méthode de comparaison pour déterminer le caractère plus favorable est effectuée avantage par avantage, globalement pour l’ensemble du personnel (cass. soc. 11 juillet 2007, n° 05-46048 D).
Elle doit être objective et se fonder sur l’intérêt ordinaire des salariés d’une collectivité et non sur l’intérêt particulier d’un salarié (cass. soc. 25 janvier 1984, n° 81-41609, BC V n° 33).
Il en résulte que la comparaison s’effectue par avantage (ou groupes d’avantages) ayant la même cause ou le même objet, cette identité de cause ou d’objet interdisant le cumul (cass. ass. plén. 18 mars 1988, n° 84-40083, B. ass. plén. n° 3 ; cass. soc. 8 juin 1999, n° 97-42284, BC V n° 269 ; cass. soc. 18 janvier 2000, n° 96-44578, BC V n° 27).
Les avantages ayant le même objet sont ceux dont le contenu est identique, même sous des dénominations différentes (cass. soc. 6 juin 1973, n° 72-40391, BC V n° 374 pour une prime de bilan au moment du départ en congés et une prime de vacances ; cass. soc. 31 mai 1989, n° 87-10264, BC V n° 413 pour deux listes de jours fériés). Les avantages ayant la même cause peuvent s’entendre de ceux ayant la même finalité (cass. soc. 28 novembre 1974, n° 73-40352, BC V n° 576 pour le préjudice causé par la rupture du contrat de travail qu’il s’agisse du départ en retraite ou du licenciement).
Lorsqu’une indemnité de licenciement conventionnelle est moins favorable que l’indemnité légale, seule cette dernière est due (cass. soc. 31 octobre 2012, n° 11-21822, BC V n° 285).
Un préavis de démission plus long ne peut être consenti en contrepartie d’un préavis de licenciement plus court (cass. soc. 4 juin 1987, n° 84-43954, BC V n° 356). La désignation d’un délégué syndical supplémentaire en vertu des dispositions de l’article L. 2143-4 ne constitue pas le même avantage que la désignation d’un délégué syndical conventionnel spécifique chargé des problèmes syndicaux des services techniques (cass. soc. 16 janvier 1991, n° 90-60274 D).
À noter
Une jurisprudence ancienne est intervenue dans le cadre de règles spécifiquement applicables à cette période relative au concours de stipulations conventionnelles dans le temps et avait consacré une appréciation globale du caractère plus favorable entre « différents » avantages dans un accord collectif, l’engagement de maintien de l’emploi compensant la baisse d’une prime (cass. soc. 19 février 1997, n° 94-45286, BC V n° 70). C’est l’arrêt dit « Géophysique », qui est resté cependant isolé et ne saurait donc induire un principe général.
L’ordre public absolu
Caractère impératif de la loi et du règlement
Dans certains domaines, la loi et le règlement demeurent pleinement impératifs et un accord collectif ne peut non seulement y déroger, mais même contenir des stipulations prétendument plus favorables qui ne peuvent donc primer sur eux.
Le code du travail précise que les conventions et accords collectifs ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public (c. trav. art. L. 2251-1).
Règles concernées
Quelles sont ces règles ? Dans un avis du 22 mars 1973, le Conseil d’État les caractérise comme les « dispositions qui par leurs termes mêmes présentent un caractère impératif », les « principes fondamentaux énoncés dans la Constitution » ou les « règles de droit interne – ou le cas échéant international – lorsque ces principes ou règles débordent le domaine du droit du travail ou intéressent des avantages échappant par leur nature, aux rapports conventionnels ».
Ainsi par exemple, une convention collective ne saurait modifier les compétences des agents publics ou fixer des règles assorties de sanctions pénales.
Les règles relatives aux compétences des juridictions sont logiquement également dans cette liste. Il n’est pas possible d’écarter cette compétence pour les entreprises et salariés visés par l’accord collectif.
Ainsi, la renonciation à des réclamations ne lie que les signataires (cass. soc. 12 septembre 2007, n° 06-42496, BC V n° 127). De même, l’avis préalable d’une commission paritaire ne lie pas le juge (cass. ass. plén. 6 février 1976, n° 74-40223, B. ass. plén. n° 2). L’absence de saisie préalable d’une commission paritaire avant une action judiciaire, alors que celle-ci est conventionnellement prévue, ne peut rendre irrecevable la saisie du juge prud’homal, une conciliation préalable étant ménagée dans la procédure légale (cass. soc. 5 décembre 2012, n° 11-20004, BC V n° 326). Une telle solution demeurerait-elle applicable dans les situations où l’affaire est portée directement devant le bureau de jugement comme par exemple en matière de prise d’acte ? Ce n’est pas certain.
Mais certains principes fondamentaux et libertés individuelles entrent aussi dans cette catégorie comme, par exemple, la prohibition d’un engagement contractuel perpétuel qui conduit à invalider un maintien indéfini d’une convention collective en cas de dénonciation jusqu’à la signature d’une autre convention (cass. soc. 23 janvier 1985, n° 82-42965, BC V n° 49).
On trouve aussi des prescriptions légales spécifiques qui se présentent explicitement comme ne pouvant faire l’objet d’une modification conventionnelle. Il est ainsi interdit d’indexer conventionnellement les salaires sur le SMIC ou de faire référence à celui-ci dans la fixation ou la révision conventionnelle des rémunérations (c. trav. art. L. 3231-3).
Le fait que le 1er mai travaillé donne lieu à une rémunération (c. trav. art. L. 3133-6) induit qu’il n’est pas possible de remplacer celle-ci par un repos compensateur (cass. soc. 8 octobre 1996, n° 92-44037, BC V n° 314).
Dans le domaine de la négociation collective et de la représentation du personnel, de nombreuses dispositions sont d’ordre public absolu, tant il est nécessaire de garantir des règles applicables à tous qui organisent précisément les relations sociales.
C’est ainsi le cas du seuil nécessaire de 10 % des suffrages exprimés pour la désignation d’un délégué syndical (cass. soc. 18 mai 2011, n° 10-60406, BC V n° 116). Les conditions de validité des accords et notamment celles relatives aux suffrages recueillis par les organisations syndicales signataires font également partie des dispositions d’ordre public (cass. soc. 4 février 2014, n° 12-35333, BC V n° 47).
Plusieurs exemples ont également été dégagés par la jurisprudence concernant le fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Il n’est ainsi pas possible de modifier la composition des collèges électoraux en dehors des situations prévues par la loi (cass. soc. 7 juin 1983, n° 82-60262, BC V n° 427), de prévoir la désignation des membres de la délégation du personnel au CHSCT selon des modalités différentes de celles légalement prévues (cass. soc. 10 janvier 1989, n° 88-60331, BC V n° 8).
« Durée et aménagement du temps de travail » (8e éd. à paraître)
Franck Morel est également l’auteur de « Durée et aménagement du temps de travail », ouvrage de référence sur l’ensemble des questions relatives à la durée du travail édité par le Groupe Revue Fiduciaire. Ce guide revient en détail sur le temps de travail, les heures supplémentaires, les régimes spéciaux de décompte du temps de travail, les durées maximales du travail et les temps de repos obligatoires, le travail de nuit, l’aménagement du temps de travail, le compte épargne-temps, l’activité partielle, le temps partiel, les congés payés et les jours fériés, les accords de maintien dans l’emploi, etc.
La 8e édition de cet ouvrage, à jour de la loi « Travail », sortira fin 2016.
La délégation : la loi renvoie à un accord collectif
Dans certains cas, le législateur va renvoyer à un accord collectif le soin de préciser les modalités d’application de normes qu’il édicte.
Le Conseil constitutionnel a considéré cette possibilité valide en précisant de longue date qu’il « est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions de travail ou aux relations du travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser après une concertation appropriée, les modalités concrètes de mise en œuvre des normes qu’il édicte » (voir notamment c. constit., décision 89-257 DC du 25 juillet 1989, JO du 28 ; c. constit., décision 2004-494 DC du 29 avril 2004, JO 5 mai).
Dans ce cas, l’accord collectif est placé sur le même plan qu’un décret. Cependant, le législateur doit exercer pleinement sa compétence législative en encadrant ce renvoi. Reprenant les termes d’un accord national interprofessionnel, l’article 8 de la loi du 20 août 2008 donnait une définition du portage salarial marquée par un souhait du salarié « porté » de bénéficier des garanties protectrices du salariat tout en exerçant une activité autonome. La loi renvoyait à la négociation collective le soin de définir les conditions d’exercice de cette forme d’emploi. Celle-ci a été invalidée par le Conseil constitutionnel au motif que le législateur avait fait preuve d’incompétence négative, autrement dit que le renvoi par la loi à la négociation collective était trop large et insuffisamment encadré (c. constit., décision 2014-388 QPC du 11 avril 2014, JO du 13).
On trouve des exemples dans le Code du travail de telles délégations, certains étant notables comme par exemple en matière d’assurance chômage. Les mesures d’application des règles légales relatives au régime d’assurance des demandeurs d’emploi font l’objet d’accords conclus entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés (c. trav. art. L. 5422-20).
La conditionnalité : des dispositions légales dont l’application est subordonnée à un accord collectif
Dans certaines situations, les dispositions légales ne peuvent s’appliquer que si une convention ou un accord collectif en utilise la possibilité.
Il ne s’agit pas d’une « dérogation », puisque la loi ne fixe pas de règle à laquelle la négociation collective porterait atteinte en organisant d’autres prescriptions.
Il en est ainsi par exemple du recours au contrat de travail à durée déterminée dit d’usage, celui-ci supposant une définition par décret ou par convention ou accord collectif étendu des secteurs d’activité concernés (c. trav. art. L. 1242-2, 3°). En dehors des secteurs visés par décret, il est impossible de recourir au CDD d’usage en l’absence de convention ou d’accord étendu.
La conclusion d’un contrat de travail intermittent suppose également l’existence d’une convention ou d’un accord collectif (c. trav. art. L. 3123-31).
Ce sera le cas pour accéder à certaines aides publiques, comme par exemple les lois relatives à la réduction du temps de travail l’avaient organisé.
La dérogation : l’accord collectif peut fixer des règles différentes de la loi, éventuellement moins favorables au salarié
La dérogation est la possibilité explicitement ouverte par la loi qu’un accord collectif fixe des prescriptions différentes par rapport à la règle légale, ces dispositions n’étant pas forcément plus favorables. Le Conseil d’État a ainsi rappelé que des textes réglementaires, sauf habilitation législative expresse, ne peuvent prévoir des conventions collectives comportant des stipulations moins favorables aux travailleurs, que les dispositions qu’ils ont eux-mêmes édictées (CE 18 juillet 1994, n° 105471).
C’est l’ordonnance du 16 janvier 1982 qui a ouvert pour la première fois la possibilité d’accords dérogatoires, c’est-à-dire contenant des prescriptions différentes de la loi et qui ne sont pas plus favorables. Elle permettait de remplacer le régime d’autorisation pour effectuer des heures supplémentaires par un régime d’utilisation discrétionnaire d’une enveloppe annuelle d’heures supplémentaires, baptisée contingent. Un accord de branche étendu pouvait fixer le niveau de ce contingent en nombre d’heures sur une base plus élevée que la base découlant de la loi.
Par la suite, le nombre de sujets sur lesquels des accords dérogatoires pouvaient être conclus s’est élargi, spécialement dans le domaine de la durée du travail. La dérogation suppose une disposition légale spécifique qui indique quelle est son étendue et quels types d’accords collectifs disposent de cette possibilité. Ainsi, par exemple, la loi dispose que la durée quotidienne maximale de travail est de 10 heures, sauf dérogations dans des conditions fixées par décret (c. trav. art. L. 3121-34). Or, le décret autorise une convention ou un accord collectif à prévoir le dépassement de cette durée maximale quotidienne à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de 12 heures (c. trav. art. D. 3121-19).
La dérogation n’empêche pas dans certains cas l’application de sanctions pénales en cas d’infraction. Le Code du travail dispose en effet que, lorsqu’en application d’une disposition législative expresse dans une matière déterminée, une convention ou un accord collectif de travail étendu déroge à des dispositions légales, les infractions aux stipulations dérogatoires sont punies des sanctions qu’entraîne la violation des dispositions légales en cause (c. trav. art. L. 2263-1).
La supplétivité : les dispositions légales ne s’appliquent qu’en l’absence de prescriptions conventionnelles
Il s’agit cette fois d’une méthode en vertu de laquelle la loi prévoit la fixation de la règle par la disposition conventionnelle elle-même et ne prévoit des prescriptions applicables qu’à défaut de l’existence de prescriptions conventionnelles.
La loi 2003-47 du 17 janvier 2003 avait instauré une telle supplétivité en matière de taux de majoration des heures supplémentaires. En effet, aux termes de l’article L. 212-5 du code du travail alors en vigueur, le taux était fixé par un accord collectif dans la limite inférieure de 10 %. Ce n’est qu’« à défaut » d’un tel accord que la loi en fixait le montant (+ 25 % ou + 50 % selon les heures supplémentaires).
La recodification effectuée et entrée en vigueur le 1er mai 2008 n’a pas repris cette organisation de la hiérarchie des normes, préférant indiquer le taux légal et disposer qu’un accord collectif peut prévoir un taux différent d’au moins 10 % (c. trav. art. L. 3121-22). La nuance n’est pas purement sémantique, puisqu’avec la rédaction applicable depuis le 1er mai 2008, on pourrait considérer que l’on se trouve dans un régime de dérogation, en conséquence de quoi une sanction pénale pourrait être prononcée (voir § 7-8) (c. trav. art. L. 2263-1).
Cependant, ce risque doit être relativisé. Il est vrai que la recodification est intervenue à droit constant et que la chambre sociale de la Cour de cassation prend en compte ce principe pour interpréter des rédactions différentes avant et après la recodification (cass. soc. 28 octobre 2015, n° 14-12598 FSPB). Ce même raisonnement a été appliqué en matière d’incrimination pénale (cass. ass. plén. 9 janvier 2015, n° 13-80967, B. ass. plén. n° 1).
D’une manière plus générale, la supplétivité entre, d’une part, un accord collectif fixant des prescriptions et, d’autre part, la loi ou le décret n’intervenant qu’à défaut de telles stipulations conventionnelles concerne plusieurs sujets.
C’est le cas, par exemple, en matière de contingent annuel d’heures supplémentaires (c. trav. art. L. 3121-11), d’organisation des conditions de mise en œuvre de la contrepartie obligatoire en repos due en cas d’heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent (c. trav. art. D. 3121-7).
L’application de la loi dans le temps
Entrée en vigueur des dispositions d’ordre public
Comme évoqué précédemment, les dispositions d’ordre public de la loi s’imposent dès leur entrée en vigueur sous réserve de l’application du principe de faveur lorsque les thèmes concernés sont ceux pour lesquels un accord collectif peut comporter des stipulations plus favorables que la loi.
Exemple
Une convention collective, conclue en 1975, qui, conformément à la loi en vigueur à l’époque de sa conclusion, fixait à deux ans la durée du mandat des délégués du personnel et des représentants au comité d’entreprise, ne peut valoir dérogation aux nouvelles dispositions des articles L. 2314-26 et L. 2324-3 du Code du travail tels qu’issus de la loi du 2 août 2005 (cass. soc. 24 septembre 2008, n° 07-60310, BC V n° 180). En effet, la loi avait porté à 4 ans la durée des mandats en question en permettant à un accord collectif de fixer une règle dérogatoire en la réduisant à deux ans. Un ancien accord collectif qui reprenait la durée prévue par la loi ne pouvait être considéré comme un accord instaurant une dérogation à la nouvelle durée légale instaurée ensuite.
Modification de l’application des accords collectifs, via la jurisprudence
Cependant, la nouvelle loi va parfois modifier l’application des accords collectifs, voire la remettre en cause.
La jurisprudence évolue dans le sens d’une préservation des dispositions conventionnelles lorsqu’il ne s’agit pas de dispositions légales d’ordre public et lorsque ne sont pas en cause des prescriptions légalement obligatoires.
Exemple
En matière de travail de nuit, des dispositions conventionnelles prévoyaient des compensations salariales ne couvrant pas toute la période de nuit définie par la nouvelle loi du 9 mai 2001. Cette loi imposait de prévoir une contrepartie en repos pour les travailleurs de nuit mais ne contenait aucune précision au sujet des contreparties salariales. Après avoir dans un premier temps considéré que la définition de la période de nuit était d’ordre public et induisait donc l’élargissement de la plage horaire impliquant des contreparties salariales (cass. soc. 1er octobre 2003, n° 01-45812 D), le juge a finalement considéré que le caractère d’ordre public de la définition légale du travail de nuit, mais aussi de celle du travailleur de nuit (article L. 213-2 du code du travail), s’il a matière à produire ses effets en ce qui concerne les contreparties en termes de repos, ne saurait conduire à modifier les conditions d’attribution des contreparties salariales fixées par les conventions collectives, qui demeurent du seul domaine conventionnel (cass. soc. 21 juin 2006, n° 05-42073, BC V n° 227)… pour peu que l’accord collectif fixe explicitement la plage couverte par le travail de nuit (cass. soc. 24 janvier 2007, n° 05-42215 D).
Limite à la remise en cause des dispositions conventionnelles par le législateur
Selon une jurisprudence bien établie du Conseil constitutionnel, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant, sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et le 8e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 relatif à la participation des travailleurs, par l’intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi que la gestion des entreprises (c. constit., décisions 99-423 DC du 13 janvier 2000, JO du 20 ; 2001-451 DC du 27 novembre 2001, JO 1er décembre ; 2001-455 DC du 12 janvier 2002, JO du 18 ; 2002-465 DC du 13 janvier 2003, JO du 18 ; 2005-523 DC du 29 juillet 2005, JO 3 août ; 2007-556 DC du 16 août 2007, JO du 22 ; 2008-568 DC du 7 août 2008, JO du 21 ; 2009-592 DC du 19 novembre 2009, JO du 25).
Le Conseil constitutionnel avait jugé que la suppression de certaines clauses conventionnelles (contingent d’heures supplémentaires, notamment) concernant plusieurs millions de salariés, dont la teneur ne méconnaissait pas la nouvelle législation, et qui pouvaient être dénoncées puis renégociées n’était pas justifiée par un motif d’intérêt général suffisant (c. constit., décision 2008-568 DC du 7 août 2008, JO du 21). Dans la même décision, le juge constitutionnel avait cependant permis immédiatement aux accords d’entreprise de s’imposer sur les mêmes sujets par rapport aux accords de branche, en limitant de fait la portée, mais en cas de conclusion d’un nouvel accord collectif d’entreprise.
La 2e loi portant réduction du temps de travail (loi Aubry II du 19 janvier 2000) remettait en question, sans motif d’intérêt général suffisant, les accords conclus à l’invitation du législateur sous l’empire de la première loi portant réduction du temps de travail (loi Aubry I du 13 juin 1998) (c. constit., décision 99-423 DC du 13 janvier 2000, JO du 20). À l’inverse, le Conseil a validé la constitutionnalité de l’article 45 de la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit, permettant à un accord collectif mettant en place un aménagement négocié du temps de travail sur une période supérieure à la semaine jusqu’à l’année de s’imposer au contrat de travail (c. constit., décision 2012-649 DC du 15 mars 2012, JO du 23).
Compte tenu de cette jurisprudence, le législateur a fréquemment prévu des clauses de sécurisation des accords collectifs antérieurement conclus permettant de considérer que ces accords restent applicables, même s’ils ne sont pas conformes aux nouvelles prescriptions légales alors qu’ils l’étaient aux anciennes. C’est le cas par exemple des accords de modulation du temps de travail conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 portant réforme du temps de travail (loi 2008-789 du 20 août 2008, art. 20-V). Le juge a d’ailleurs rappelé que cette sécurisation ne produit plein effet que pour peu que l’accord collectif ait été conforme aux prescriptions applicables sur lesquelles ils se fondaient au moment de son entrée en vigueur (cass. soc. 13 juin 2012, n° 11-12192, BC V n° 186). Ces dispositions apportent de la sécurité, en ce sens qu’elles permettent de ne pas remettre en cause des prescriptions conventionnelles du seul fait d’u changement de la loi. Mais elles ne simplifient pas pour autant le droit applicable, car il est nécessaire de conserver trace parfois longtemps des dispositions légales applicables au moment de leur entrée en vigueur pour pouvoir en analyser le cadre juridique.
Les hiérarchies des normes entre accords collectifs
Logique générale
En matière de hiérarchies de normes entre différentes stipulations conventionnelles à un instant donné, les règles relatives au principe de faveur déjà présentées (voir § 7-2) et la méthode de comparaison (voir § 7-3) demeurent pleinement applicables, dès lors qu’un accord collectif ne peut écarter l’application d’un autre ou ne peut déroger à l’autre dans un sens moins favorable.
Les règles vont cependant varier en fonction des niveaux des accords collectifs.
Entre accord de branche et accord interprofessionnel
Depuis la loi du 4 mai 2004, une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés que celles qui leur sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord stipule expressément qu’on ne peut y déroger en tout ou partie (c. trav. art. L. 2252-1, al. 1).
Lorsqu’une convention ou un accord de niveau supérieur à la convention ou à l’accord intervenu est conclu, les parties adaptent les stipulations de la convention ou accord antérieur moins favorables aux salariés si une stipulation de la convention ou de l’accord de niveau supérieur le prévoit expressément (c. trav. art. L. 2252-1, al. 2).
Il en résulte que l’accord interprofessionnel ne sera impératif, sous réserve du principe de faveur, que s’il en dispose ainsi explicitement. Mais plus largement, cette règle peut aussi viser des accords de branche entre eux ou des accords interprofessionnels entre eux dès lors que le champ professionnel et/ou géographique de l’un des accords est plus large.
Entre accord de branche et accord d’entreprise
Le principe
Ces règles s’appliquent également à l’articulation des accords de branche et des accords d’entreprises. Ainsi, sauf dans quatre matières (voir § 7-17), la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement peut comporter des stipulations dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement (c. trav. art. L. 2253-3).
Autrement dit, en dehors de quatre matières, un accord d’entreprise peut être moins favorable que les dispositions de l’accord de branche si celui-ci ne comporte pas ce que certains appellent parfois des « clauses de verrouillage ».
On trouve dans certaines conventions collectives ce type de clause qui précise explicitement que les dispositions visées revêtent un caractère impératif. Dans ce cas, l’accord d’entreprise ou d’établissement ne peut pas être moins favorable au salarié que l’accord de branche.
Exception liée au caractère impératif des anciens accords de branche
La loi du 4 mai 2004 a renversé la logique en matière de caractère impératif de l’accord de branche. En effet antérieurement à son entrée en vigueur, le caractère impératif des clauses conventionnelles de branche était le principe, la possibilité d’y déroger par accord d’entreprise devant être spécialement mentionnée pour être autorisée.
À compter du 6 mai 2004, un nouvel accord de branche comporte des stipulations auxquelles il peut être dérogé par accord d’entreprise sauf disposition expresse l’interdisant explicitement (voir § 7-15).
La loi du 4 mai 2004 a cependant précisé ce qu’il advenait des clauses des conventions et accords conclus antérieurement au 6 mai 2004 et toujours applicables. La valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l’entrée en vigueur de cette loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs (loi 2004-391 du 4 mai 2004, art. 45, JO du 5). Il en résulte que les stipulations de cette nature demeurent impératives.
Dès lors, un accord collectif d’entreprise, même conclu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, ne peut déroger par des clauses moins favorables à une convention collective de niveau supérieur conclue antérieurement à cette date, à moins que les signataires de cette convention n’en aient disposé autrement (cass. soc. 9 mars 2011, n° 09-69647, BC V n° 73).
Pour autant, sur les prescriptions et règles non abordées par l’accord collectif, les principes de hiérarchie des normes issus de la loi du 4 mai 2004 demeurent pleinement applicables.
Par accord d’entreprise ou d’établissement, il est ainsi possible de fixer un taux de majoration des heures supplémentaires différent du taux légal, en respectant un minimum de 10 %. Mais par exemple, cette possibilité sera fermée à un accord d’entreprise :
-soit si un accord collectif de branche conclu après le 18 janvier 2003 et avant le 6 mai 2004 fixe sans autre précision un taux de majoration spécifique (voir plus haut) ;
-soit si un accord de branche conclu après le 6 mai 2004 fixant un taux de majoration spécifique se présente explicitement comme impératif (voir § 7-15).
Il est cependant permis de s’interroger sur la portée d’un accord de branche conclu avant le 18 janvier 2003 qui se serait borné à recopier le taux de majoration des heures supplémentaires alors prévu par le code du travail. La logique retenue par le juge de cassation via son appréciation d’un accord qui avait repris la durée du mandat des représentants du personnel de 2 ans pour considérer qu’il n’avait pas entendu déroger à la nouvelle durée de 4 ans au moment de sa conclusion (voir § 7-10) peut-elle être transposée ? En reprenant dans un accord collectif, le montant d’un taux de majoration qui n’était pas susceptible de dérogations conventionnelles au moment de la signature de la clause, peut-on en déduire avec certitude que les signataires ont entendu conférer une valeur hiérarchique particulière à cette clause ? Rien n’est moins certain.
Comment ensuite considérer la portée d’un avenant de révision ? Un tel avenant se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l’accord qu’il modifie (c. trav. art. L. 2261-8). Tout dépendra sans doute des thèmes concernés par la révision et de l’ampleur de celle-ci…
Exception liée au caractère impératif des accords de branche dans les domaines visés par la loi
Sur quatre sujets, l’accord de branche demeure impératif en vertu des dispositions légales spécifiques.
En matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires en matière de protection sociale complémentaire et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ne peut comporter des clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels (c. trav. art. L. 2253-3).
Il en résulte que l’accord d’entreprise ne pourra que comporter des stipulations plus favorables.
La supplétivité des accords de branche
La loi du 20 août 2008 a permis à un accord d’entreprise ou d’établissement conclu après son entrée en vigueur et portant sur certains sujets de s’appliquer, nonobstant les dispositions existantes ou à venir d’un accord de branche. Autrement dit, l’accord d’entreprise ou d’établissement prime sur l’accord de branche. Les thèmes concernés sont :
-le contingent d’heures supplémentaires (c. trav. art. L. 3121-11) ;
-le repos compensateur de remplacement (c. trav. art. L. 3121-24) ;
-les conventions de forfait annuelles en heures ou en jours (c. trav. art. L. 3121-39) ;
-l’aménagement négocié du temps de travail jusqu’à l’année (c. trav. art. L. 3122-2) ;
-le compte épargne-temps (c. trav. art. L. 3152-1).
Le Conseil constitutionnel avait considéré que ces dispositions pouvaient s’appliquer immédiatement aux accords d’entreprise signés après l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 quelle que soit la date de conclusion de l’accord de branche et nonobstant l’existence éventuelle de clauses contraires dans des accords de branche (c. constit., décision 2008-568 DC du 7 août 2008, JO du 21).
Cette méthode de la supplétivité de l’accord de branche par rapport à l’accord d’entreprise est simple, car elle évite toute difficulté sur l’identification de la portée normative obligatoire ou non de l’accord de branche. En effet, malgré l’existence de stipulations de branche impératives auxquelles il ne peut être dérogé, un accord d’entreprise peut de fait les priver d’effet en étant applicables en lieu et place de la disposition conventionnelle de branche.
Cette supplétivité ne concerne cependant que les dispositions explicitement visées par le Code du travail.
La supplétivité organisée dans le temps
L’accord de branche a également la possibilité de prévoir que ces prescriptions ne sont impératives que pour les accords d’entreprise conclus postérieurement à son entrée en vigueur.
Le juge de cassation l’a admis explicitement, qui plus est pour un accord conclu antérieurement à l’application de la loi du 4 mai 2004. Ainsi un accord de branche relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail, applicable antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi 2004-391 du 4 mai 2004, peut valablement prévoir qu’il ne remet pas en cause les accords d’entreprise conclus avant son extension (cass. soc. 15 avril 2015, n° 13-18032, BC V n° 89).
Le monopole de l’accord de branche
Pour certains sujets, seul un accord de branche étendu peut fixer des prescriptions. Dans ce cas, l’extension n’a pas pour seul effet de rendre applicable l’accord aux entreprises non adhérentes à un syndicat patronal signataire. Elle a aussi pour conséquence d’être indispensable pour fonder l’application de la clause.
Ne peuvent ainsi être instaurées que par accord de branche étendu :
-la possibilité de conclure des CDD d’usage, dans des secteurs d’activité autres que ceux déjà admis par décret (c. trav. art. L. 1242-7) ;
-la définition de la période de référence et du nombre minimal d’heures permettant de qualifier un salarié de travailleur de nuit (c. trav. art. L. 3122-31) ;
-une dérogation spécifique à la durée minimale de travail de 24 heures pour les salariés à temps partiel (c. trav. art. L. 3123-14-1) ;
-la mise en place de compléments d’heures pour les salariés à temps partiel (c. trav. art. L. 3123-25).
L’accord d’entreprise ou d’établissement ne peut en pareil cas tout simplement pas fixer de prescriptions. En quelque sorte, ce type d’accord « n’est pas compétent » sur ces matières.
Entre accord de groupe et accord d’entreprise
La convention ou l’accord de groupe ne peut comporter des dispositions dérogatoires à celles applicables en vertu de conventions de branche ou d’accords professionnels dont relèvent les entreprises ou établissements appartenant à ce groupe, sauf disposition expresse de ces conventions de branche ou accords professionnels (c. trav. art. L. 2232-35).
Cette règle a été posée compte tenu de l’existence potentielle au sein d’un groupe de plusieurs activités et donc de plusieurs conventions collectives différentes.
Les hiérarchies des normes entre accord collectif et contrat de travail
L’application de l’accord collectif
Le principe de faveur s’applique également en matière de relation entre l’accord collectif et le contrat de travail (c. trav. art. L. 2254-1). Lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’un accord collectif, celles-ci s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf pour ces derniers à prévoir des stipulations plus favorables.
Sous cette réserve, l’accord collectif s’applique donc et s’impose au contrat de travail dès son entrée en vigueur. Le salarié ne peut donc pas renoncer contractuellement à l’application des stipulations d’une convention collective (cass. soc. 26 mai 1998, n° 96-41053, BC V n° 278) à quelque moment que ce soit, y compris lorsque les effets de l’accord survivent temporairement après une dénonciation (cass. soc. 19 octobre 1999, n° 97-45907, BC V n° 386).
Il en résulte une application de la convention collective immédiate pour tous les éléments de la relation de travail qui n’ont pas une valeur contractuelle.
Ainsi dès lors qu’un élément de rémunération a une source uniquement conventionnelle, le changement conventionnel de celui-ci s’impose sans que le salarié puisse se prévaloir d’une modification du contrat de travail (cass. soc. 16 décembre 2003, n° 02-43786 D ; cass. soc. 28 février 2006, n° 04-14202, BC V n° 93 ; cass. soc. 19 mars 2014, n° 13-10021, BC V n° 82).
Impossibilité de modifier le contrat de travail sauf dispositions spécifiques
En revanche, si le texte conventionnel vise un élément du contrat de travail qui a été contractualisé, l’accord collectif ne peut à lui seul modifier le contrat de travail (cass. soc. 14 mai 1998, n° 96-43797, BC V n° 251 ; cass. soc. 10 février 2016, n° 14-26147 FSPB). Dans ce cas, l’employeur ne pourra que signer avec le salarié un avenant au contrat de travail, renoncer à cette modification ou engager une procédure de licenciement du salarié réfractaire. Dans la dernière situation, il faudra cependant que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
Parfois, le législateur écarte explicitement dans un domaine spécifique le fait qu’un accord collectif modifie le contrat de travail. Ce fut ainsi le cas en matière d’annualisation du temps de travail suite à l’entrée en vigueur du nouvel article L. 3122-6 du code du travail issu de la loi du 22 mars 2012, pour contrecarrer un arrêt de la Cour de cassation.
Cette disposition (c. trav. art. L. 3122-6) prévoit expressément que, hors le cas des salariés à temps partiel, la mise en place d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année par accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, de sorte que l’accord s’impose aux salariés.
Cela avait été le cas également dans la loi Aubry II du 19 janvier 2000 de la seule réduction du nombre d’heures de travail stipulé au contrat de travail par voie conventionnelle, pour laquelle il est expressément précisé qu’elle ne constitue pas une modification du contrat de travail (c. trav. art. L. 1222-7). Le but était ici de favoriser les accords collectifs de réduction du temps de travail.
Au fil des différentes législations, se sont également multipliées les dispositions législatives spécifiques organisant le régime de la rupture du contrat de travail d’un salarié refusant une modification du contrat de travail issue de l’entrée en vigueur d’un accord collectif. Ce fut le cas en matière de réduction du temps de travail (c. trav. art. L. 1222-8), de mobilité (c. trav. art. L. 2242-19) et de maintien dans l’emploi (c. trav. art. L. 5125-2).
L’article L. 1222-8 prévoit que si un salarié refuse une modification de leur contrat de travail résultant de l’application d’un accord de réduction de la durée du travail, son licenciement est soumis aux règles du licenciement pour motif personnel et ne repose pas sur un motif économique, de sorte que l’employeur est dispensé des obligations correspondantes (reclassement, etc.).
À l’inverse, l’article L. 2242-19 prévoit que le licenciement d’un salarié qui refuse d’application à son contrat de travail d’un accord de mobilité professionnelle ou géographique interne repose sur un motif économique, mais selon la procédure prévue en cas de licenciement individuel. Idem avec l’article L. 5125-2 pour le salarié qui refuse l’application d’un accord de maintien de l’emploi, le code du travail précisant cette fois que le licenciement a d’office une cause réelle et sérieuse et que l’employeur n’est pas tenu aux obligations d’adaptation et de reclassement (il doit simplement proposer une convention de reclassement personnalisé ou un congé de reclassement, selon son effectif).
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