6 - Déléguer la direction de la société à un prestataire
Une SAS peut, plus facilement qu’une société anonyme, confier sa direction à une société tierce en vertu d’un contrat de prestation de services.
Cass. com. 24 novembre 2015, n° 14-19685
L'essentiel
Une société anonyme ne peut pas, en principe, confier sa direction à prestataire extérieur et le rémunérer à cette fin. / 6-1
Sauf clause contraire des statuts, la SAS peut confier sa direction à un prestataire de services. / 6-2
Dans une SA
Les sociétés recourent fréquemment à des conventions de prestation de services en matière de gestion administrative, comptable, financière ou juridique.
Ces prestations font l'objet de contrats écrits définissant notamment la nature des prestations fournies, leur mode de rémunération, leur durée et les modalités de prorogation ou de résiliation de la convention.
La validité de ces contrats a été plusieurs fois remise en question par la Cour de cassation concernant des prestations jugées rattachables aux fonctions de direction dans des sociétés anonymes (SA) et particulièrement dans les groupes de sociétés ayant des dirigeants communs. La Cour de cassation s’est fondée sur l’absence de cause, la convention faisant double emploi avec la fonction du dirigeant légal de la SA et les prestations étant dépourvues de contrepartie réelle (cass. com. 14 septembre 2010, n° 09-16084 ; cass. com. 23 octobre 2012, n° 11-23376). Si une telle convention vient à être annulée, apparaissent alors le risque d’un redressement fiscal fondé sur l’acte anormal de gestion et celui de la condamnation du dirigeant pour abus de bien social (sur les risques liés aux refacturations de fonctions de direction et les solutions préconisées, voir FH 3508, § 2-1 et s.).
Dans une SAS
Liberté statutaire de la SAS : un prestataire peut être directeur général
Dans l’affaire jugée le 24 novembre 2015, il s’agissait d’une société par actions simplifiée (SAS) qui avait conclu une convention de prestation de services avec une SARL pour des missions de direction de la société. Cette convention prévoyait le versement d’une indemnité en cas de rupture anticipée, l'indemnité étant fixée à un an de rémunération, soit 230 000 €. La durée du contrat était au départ de 2 ans et a été porté ensuite à 4 ans.
Avant l'expiration des 4 ans, une convention de mandat social confiant la direction générale à la SARL avait été conclue ; elle ne prévoyait plus d’indemnité de rupture et comportait un ajout manuscrit, paraphé par les parties, annulant tout contrat antérieur.
Les relations entre les deux sociétés prennent fin. La SARL réclame le versement de l’indemnité de rupture. Et la SAS demande l’annulation de la convention de prestation de services au motif qu’elle était dépourvue de cause. Elle affirme que cette convention ne pouvait mettre en place un dirigeant alors que les statuts prévoyaient que la nomination du président ou du vice-président relevait de la compétence de l’assemblée des actionnaires.
Les juges considèrent que la jurisprudence précitée de la Cour de cassation visant la société anonyme (voir § 6-1) est inapplicable à la SAS du fait de la liberté contractuelle dont elle jouit.
Ce sont en effet les statuts qui fixent les conditions dans lesquelles la SAS est dirigée (c. com. art. L. 227-5). Dès lors que les statuts prévoyaient seulement les modalités de désignation du président, éventuellement assisté d’un vice-président, et qu’ils n’interdisaient pas expressément le recours à une convention de prestation de services, celle-ci ne pouvait pas être annulée par le juge pour absence de cause.
La Cour de cassation valide le raisonnement, admettant ainsi la légalité de la convention de prestation de services confiant à une société tierce les pouvoirs de direction d'une SAS.
Le contrat de mandat social ne pouvait se substituer à un contrat de prestation de services en cours
La SAS invoquait, par ailleurs, le fait que la convention de mandat social annulait et remplaçait toutes les conventions antérieures. Le dirigeant de la SARL soutenait quant à lui qu'en faisant signer la convention de mandat social, la SAS s'était livrée à une manœuvre destinée à éluder le paiement de l'indemnité stipulée par la convention de prestation de service. D’ailleurs, son paraphe sous la mention manuscrite en cause avait été, selon lui, imité.
Les juges ont retenu qu’il existait donc un doute sur le consentement donné à ce mandat lui faisant perdre le bénéfice de l'indemnité prévues par la convention de prestation de services. Par ailleurs, la convention de mandat social précisait qu’elle était subordonnée à la modification des statuts, modification qui n’a jamais eu lieu. En conséquence, les juges font respecter le contrat de prestation de services et condamnent la SAS à verser 230 000 € à la SARL.
La Cour de cassation approuve les juges du fond ; elle fait prévaloir le contrat de prestation de service régulièrement constitué pour organiser la direction de la SAS sur la convention de mandat social frauduleusement mise en place pour trouver un moyen de mettre fin, unilatéralement et sans indemnités, à la convention précédente.
« Groupes de PME », RF 2015-5, § 650