Cour de Cassation, Chambre sociale, du 1 juin 1999, 96-43.617, Publié au bulletin
N° de pourvoi
96-43617
Président : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonction. .
Rapporteur : M. Besson.
Avocat général : M. Kehrig.
Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu que Mme X... a été engagée par la Banque populaire savoisienne de crédit, en qualité " de collaboratrice exploitation réseau " pour pallier différentes absences au guichet, suivant contrat à durée déterminée à effet du 7 décembre 1992 au 30 avril 1993, prolongé jusqu'au 15 septembre suivant ; qu'elle a ensuite été engagée en qualité de guichetière en raison d'un accroissement temporaire d'activité, par contrat à durée déterminée allant du 16 septembre au 31 décembre 1993, prolongé jusqu'au 30 juin 1994 ; que la fin des relations contractuelles lui ayant été signifiée ce dernier jour, elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, l'annulation du " licenciement " prononcé le 30 juin 1994, ainsi que sa réintégration au sein de l'entreprise ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Banque populaire savoisienne de crédit fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 mai 1996) d'avoir procédé à la requalification des contrats de travail unissant la salariée à la banque en contrat de travail à durée indéterminée et d'avoir condamné l'employeur au paiement d'une indemnité à ce titre alors, selon le moyen, d'une part, que les dispositions des articles L. 122-1-1-1° et L. 122-3-1 du Code du travail n'excluent pas la possibilité pour une banque, employeur, de conclure un contrat à durée déterminée avec une salariée engagée en qualité " de collaboratrice exploitation réseau " pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire consistant à faire face aux perturbations causées par différentes absences au guichet affectant un secteur géographique précis, et à ce titre, à remplir des missions successives dans les différents points de vente en fonction des nécessités du service ; qu'un tel contrat, qui comporte bien la définition précise de son motif répond aux exigences légales, la seule omission du nom et de la qualification des salariés remplacés ne pouvant entraîner sa requalification dés lors que la réalité du caractère temporaire des emplois occupés n'était pas contestée ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; alors, d'autre part, que la cour d'appel qui s'est bornée, par des considérations d'ordre général, à affirmer que l'ouverture d'un nouveau point de vente relève de l'activité normale et permanente de l'entreprise sans rechercher de façon précise si elle n'avait pas entraîné cependant un accroissement temporaire d'activité autorisant la conclusion avec Mme X... du contrat à durée déterminée du 9 septembre 1993 pour faire assumer par celle-ci des tâches afférentes à cette période de rodage, de vérification des écritures et de conseil à la clientèle, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 122-11 du Code du travail ; et alors, enfin, que la banque faisait valoir dans ses conclusions que la personne recrutée à l'agence de Thonon-Grangette le 13 juin 1994, d'une qualification supérieure à celle de Mme X..., n'avait pas été engagée en remplacement de cette dernière ; qu'en s'abstenant de répondre à ce point des conclusions de l'employeur, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, selon l'article L. 122-3-1 du Code du travail que lorsqu'un contrat est conclu en application de l'article L. 122-1-1.1° du même Code, il doit comporter le nom et la qualification du salarié remplacé ; qu'en l'absence de cette mention, le contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée et l'employeur ne peut écarter la présomption légale ainsi instituée ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que le contrat à durée déterminée conclu le 4 décembre 1992 pour le remplacement de salariés absents ne précisait ni leur nom ni leur qualification ; qu'elle a par ce seul motif légalement justifié sa décision ; qu'ainsi le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche, est inopérant pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que la Banque populaire savoisienne de crédit fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que Mme X... avait fait l'objet d'un licenciement nul et d'avoir ordonné sa réintégration au sein de la banque, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en se bornant à faire état de la directive mentionnée dans le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise du 24 novembre 1993 sans relever aucun élément de nature à établir en fait que la cessation des relations de travail avec la salariée était motivée par le lien de parenté l'unissant avec une autre salariée de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du Code du travail, et alors, d'autre part, et en tout état de cause qu'en décidant que la directive donnée par le directeur de la banque de ne pas engager par contrat à durée indéterminée les enfants des membres du personnel constituait une mesure discriminatoire au sens de l'article L. 122-45 du Code du travail qui interdit de recruter ou de licencier un salarié en raison de sa situation de famille, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé ;
Mais attendu que le moyen, en sa première branche, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation faite par les juges du fond, qui ont retenu que le véritable motif de licenciement de Mme X..., qui avait donné entière satisfaction depuis son entrée en fonctions, tenait à ce qu'elle était la fille d'une autre salariée de l'entreprise ;
Et attendu que l'article L. 122-45 du Code du travail, qui dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de sa situation de famille, ne distingue pas selon le lien matrimonial ou le lien familial ; que la cour d'appel a exactement décidé que ce texte interdisait le licenciement d'un salarié reposant sur le lien de filiation l'unissant à un autre salarié de l'entreprise, que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.