Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 avril 2021, 19-22.700, Inédit
N° de pourvoi
19-22700
ECLI:FR:CCASS:2021:SO00446
M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 avril 2021
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 446 F-D
Pourvoi n° S 19-22.700
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 AVRIL 2021
La société ABGI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Acies consulting group, a formé le pourvoi n° S 19-22.700 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à Mme I... B..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
Mme B... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société ABGI France, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme B..., après débats en l'audience publique du 17 février 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 juillet 2019), Mme B... a été engagée en qualité de collaboratrice administrative, rattachée à la direction générale, statut cadre, position 2,2 coefficient 130, par la société Acies suivant contrat de travail du 4 avril 2007, soumis à la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec. A compter du 1er février 2009, son contrat de travail a été transféré à la société [...] devenue la société Acies consulting group puis la société ABGI France. En dernier lieu, la salariée occupait les fonctions de « manager des services généraux », position 2,2, coefficient 150.
2. Le 18 novembre 2013, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur et paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi incident de la salariée, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008 à 2012, outre congés payés afférents, dépens et indemnités de procédure et d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire rectifié, alors « que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié, sont applicables lorsqu'est en litige, non pas un temps de pause imposé par la législation nationale ou communautaire, mais un temps de pause supplémentaire, accordé contractuellement au-delà des minima légaux ; qu'en effet, dans une telle hypothèse, la preuve du respect des seuils et plafonds prévus tant par le droit de l'Union européenne que par le droit interne, laquelle incombe à l'employeur, n'est pas en cause, le seul débat portant sur le point de savoir si le temps de pause accordé contractuellement, au-delà des minima imposés par la loi, a été respecté ou si ce temps doit être regardé comme du temps de travail ; qu'en l'espèce, il était constant que le contrat de travail prévoyait un temps de présence de quarante-deux heures hebdomadaires, incluant deux heures de pauses et quarante heures de travail effectif, la salariée bénéficiant en outre de pauses; que jamais la salarié n'avait prétendu ne pas avoir bénéficié des repos quotidiens ou hebdomadaires obligatoires ; qu'en jugeant cependant qu'il incombait à l'employeur de rapporter la preuve que la salariée avait effectivement pris les deux heures de pause hebdomadaire contractuelle qui devaient faire passer le temps de repos journalier de 1 heure 35 à 2 heures, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article 1315, devenu 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Ayant relevé que les deux heures intitulées « temps de pause hebdomadaire » figuraient sur les feuilles de temps pour la même durée quotidienne de vingt-cinq minutes du lundi au jeudi et de vingt minutes le vendredi, et augmentaient la durée du travail fixée au contrat de quarante heures à quarante-deux heures par semaine sans qu'on sût à quel moment de la journée elles devaient être prises, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que l'employeur n'établissait pas avoir mis la salariée en mesure de prendre ses temps de pause supplémentaires et constaté, sans méconnaître les règles de preuve, qu'il ne justifiait pas qu'elles avaient effectivement été prises, a pu retenir qu'elles devaient être qualifiées d'heures supplémentaires.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à faire juger qu'elle avait été victime d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de faire, en conséquence, prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et condamner l'employeur à lui verser diverses indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat, alors « que l'obligation de prévention des risques professionnels résultant des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 impose à l'employeur de prendre toutes les mesures de prévention et d'adaptation de nature à préserver la santé du salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, d'une part, qu'une modification importante de ses conditions de travail a été annoncée à Mme B... à son retour de congé de maternité, d'autre part, que tant son médecin traitant que le médecin du travail ont constaté une souffrance au travail identifiée à partir de janvier 2013, accentuée à son retour de congé ; qu'en déboutant Mme B... de ses demandes tendant voir constater un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude, appuyée sur ces avis, aux termes de motifs inopérants dont ne résulte pas la démonstration, par l'employeur, du respect des mesures de prévention lui incombant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. »
Réponse de la Cour
8. Ayant souverainement apprécié les éléments de fait et de preuve produits par les parties, la cour d'appel, qui a relevé que la salariée, revenue de congé de maternité le 14 octobre 2013 et mise en arrêt de travail le 16 octobre suivant, ne produisait aucun élément concernant ses conditions de travail à son retour autre que deux courriers envoyés par elle les 29 octobre et 18 novembre 2013, constaté que l'employeur versait aux débats les deux convocations à une visite médicale de reprise pour le 14 octobre 2013 puis le 17 octobre suivant ainsi que les lettres et courriel des 14, 15 et 18 octobre 2013 qui annonçaient à la salariée ses nouvelles missions et son inscription à un cursus de formation pour les assumer, et en a déduit que les griefs allégués par l'intéressée à l'encontre de l'employeur n'étaient pas démontrés et qu'il ne pouvait être établi de lien entre son état de santé tel que décrit par les certificats médicaux et le comportement de l'employeur, a légalement justifié sa décision.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008 à 2012, alors « que la cour d'appel a elle-même constaté que les demandes de rappel d'heures supplémentaires étaient prescrites pour la période antérieure au 18 novembre 2008 ; que cependant la cour d'appel a fait droit à la demande de la salariée pour l'intégralité de l'année 2008 tel qu'elle résultait de ses conclusions et de son décompte sauf à prendre en compte les jours de RTT ; qu'il en résulte que la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail et l'article 21 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3245-1 du code du travail et l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :
10. Aux termes du premier de ces textes, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
11. Selon le second, ces règles s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
12. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008 à 2012, outre congés payés afférents, la cour d'appel a repris les sommes calculées par la salariée sur des années entières et en a déduit l'équivalent monétaire des jours de réduction du temps de travail pris chaque année.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu, à bon droit, que c'était à juste titre que le conseil de prud'hommes, saisi par la salariée le 18 novembre 2013, avait déclaré recevables les demandes en paiement d'heures supplémentaires non atteintes par la prescription quinquennale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en accueillant la demande de la salariée au titre d'heures supplémentaires accomplies antérieurement au 18 novembre 2008, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation à intervenir n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Acies à payer à Mme B... les sommes de 16 879,99 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008 à 2012 et 1 687,99 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 3 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme B... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société ABGI France, anciennement dénommée Acies consulting group
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité de congés payés afférents et condamné Mme B... aux dépens, d'AVOIR condamné la société Acies à payer à Mme I... B... les sommes de 16879,99 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008 à 2012 et 1687,99 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, d'AVOIR ordonné à la société Acies de remettre à Mme B... un bulletin de salaire rectifié conformément aux dispositions du présent arrêt, d'AVOIR condamné la société Acies aux dépens de première instance et d'appel, d'AVOIR condamné la société Acies à payer à Mme I... B... la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « A la date d'entrée en vigueur de la loi du 16 juin 2013, l'ancien délai de prescription de 5 ans était en cours en ce qui concerne les créances salariales exigibles depuis le 18 novembre 2008, de sorte qu'un nouveau délai de trois ans a commencé à courir à compter du 16 juin 2013 sans que la durée totale du délai ne puisse excéder cinq ans, soit jusqu'au 18 novembre 2013, date de la requête devant le conseil de prud'hommes. C'est à juste titre en conséquence que le conseil de prud'hommes a déclaré recevables les demandes en paiement d'heures supplémentaires à compter du 18 novembre 2013. Le contrat de travail en date du 4 avril 2007 contient la clause suivante en ce qui concerne la durée du travail : "La durée légale du travail des salariés à temps complet est fixée à 35 heures de travail effectif. Par référence aux dispositions de l'accord de branche du 22 juin 1999 étendu par arrêté du 21 décembre 1999, modifié par arrêté du 10 novembre 2000, les parties au présent contrat conviennent de se référer aux principes actuellement retenus en matière de détermination de l'horaire collectif dans l'entreprise. En effet, l'organisation de la durée du travail actuellement en vigueur se traduit par un temps de présence hebdomadaire moyen de 42 heures correspondant à 40 heures de temps de travail effectif, compte tenu d'un temps de pause régulièrement constaté et décompté de deux heures hebdomadaires. Ce temps de pause non assimilé à du temps de travail effectif n'entre pas dans le calcul de la rémunération. Cette durée de temps de travail effectif de 40 heures hebdomadaires se trouve par ailleurs ramenée à 38 heures hebdomadaires de temps de travail effectif par l'octroi sur l'année de 12 jours supplémentaires de réduction du temps de travail. Ainsi, de façon régulière, Mme I... B... réalisera des heures supplémentaires à hauteur de trois heures hebdomadaires. Cet horaire collectif de l'entreprise fixé à 38 heures ne saurait toutefois constituer un forfait contractualisé, la société Acies consulting group se réservant la possibilité, en fonction de l'évolution législative et de ses impératifs de fonctionnement et d'organisation, d'apporter une modification à ces dispositions. Le décompte du temps de travail de Mme B... se fera par l'intermédiaire d'un décompte régulier, basé sur un principe déclaratif des « feuilles de temps ». Ces feuilles seront transmises au service gestion par le responsable hiérarchique de Mme B... qui les aura préalablement visées. Chaque année, la direction communiquera au salarié les modalités de récupération en fonction de la vision des affaires de l'année en cours (
)"
Il est par ailleurs stipulé à l'article 7 rémunération qu'en contrepartie de son activité, "Mme B... percevra une rémunération mensuelle fixe brute de 2.583,33 euros, de la façon suivante : -salaire de base : 151,67 heures, soit 2360,75 euros -heures supplémentaires : trois heures hebdomadaires multipliées par 4,33 semaines = 13 heures au taux majoré de 10 %, soit 222,58 euros. Les parties signataires du présent contrat entendent ainsi procéder à un lissage et à une anticipation du paiement des majorations pour heures supplémentaires afin de tenir compte de la réalisation moyenne d'un temps de travail effectif hebdomadaire de 38 heures (
)"
Mme B... soutient que la déduction de deux heures de travail par semaine de son temps de travail effectif, de manière forfaitaire, est illicite et contraire à la réalité, puisque pendant ses temps de présence dans l'entreprise, en-dehors de ses pauses déjeuner non rémunérées, elle s'est toujours tenue à la disposition de la société Acies et s'est conformée à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles, et que ces deux heures hebdomadaires, soit 24 minutes par jour, n'ont jamais visé les pauses déjeuner. Elle ajoute que la société Acies, qui indique qu'elle était soumise à un horaire collectif, ne justifie pas de la fixation précise des horaires, de leur affichage et de la transmission à l'Inspection du travail d'un double de l'horaire collectif applicable. Elle fait valoir que le système de jours de réduction du temps de travail en place dans l'entreprise est illicite puisqu'elle n'a jamais donné son accord pour le remplacement par un repos équivalent des heures supplémentaires qu'elle a effectuées, qu'il appartiendra à la société Acies de produire l'accord d'entreprise organisant cette dérogation aux dispositions légales et qu'elle n'a pas signé son contrat en toute connaissance de cause, faute pour la société Acies d'avoir mis à sa disposition ledit accord de branche du 22 juin 1999. Elle indique que la société Acies avait mis en place un système de double comptabilité illicite du temps de travail, à savoir un système officieux (RPHP reporting planification hebdomadaire personnalisé) et officiel (durée journalière de travail effectif), qu'elle transmettait régulièrement par courriel ses RPHP à Mme B..., sa responsable, qu'elle possédait le code de l'alarme pour pouvoir entrer et sortir des locaux à partir de 6 heures jusqu'à 22 heures, qu'elle n'a plus renseigné, ni transmis ses RPHP à partir de 2009, à la demande de M. U..., mais continué à travailler bien au-delà de la durée contractuelle prévue.
La société Acies soutient que les demandes de Mme B... ne reposent sur aucun élément susceptible d'étayer sa demande, un simple relevé Outlook répertoriant des tâches décrites par elle ne pouvant constituer un décompte horaire, à défaut d'être corroboré par d'autres éléments, alors que Mme B... était contractuellement soumise à l'horaire collectif, et qu'il est impossible de distinguer entre le temps de travail effectif, l'amplitude, les temps de déplacement, les temps de pause, l'heure de prise de poste et l'heure de départ. A titre subsidiaire, elle fait valoir que Mme B... a expressément accepté que la durée du travail soit fixée comme il est stipulé au contrat de travail, qu'elle n'a jamais formulé de réclamation et qu'elle fait référence dans ses agendas Outlook à une pause d'une heure trente pour le déjeuner, ce qui est bien supérieur aux 24 minutes journalières et aux deux heures hebdomadaires, au titre de l'amplitude. Elle fait observer que, pour la période de juillet 2010 à décembre 2012, Mme B... admet en réalité qu'elle n'a accompli aucune heure supplémentaire en-dehors des horaires prévus par le contrat de travail qui est parfaitement régulier et qu'en outre, au vu de l'attestation de Mme B., assistante de direction, elle n'a jamais été présente selon une amplitude de 42 heures par semaine, de sorte que le débat relatif à la pause de 0,24 minute par jour est sans objet.
Mme B... revendique l'accomplissement des heures supplémentaires suivantes : - année 2008 : 360,5 heures, - année 2009 : 350,75 heures, - années 2010, 2011 et 2012 : 4 heures supplémentaires par semaine sur la base des 42 heures hebdomadaires stipulées à son contrat de travail dont 38 heures payées.
Les feuilles de durée journalière de travail effectif de Mme B... pour la période d'avril à décembre 2007, visées par la salariée et le supérieur hiérarchique, montrent que toutes les journées avaient une amplitude de 10 heures, soit 50 heures par semaine, selon les horaires suivants : - heure d'entrée : 8 heures, 8 heures 30 ou 9 heures - heure de sortie : 18 heures, 18 heures 30 ou 19 heures - temps de travail effectif : 8 heures par jour, soit 40 heures par semaine - temps de pause : 25 minutes du lundi au jeudi, 20 minutes le vendredi. - outre 8 heures par semaine comprises dans l'amplitude de travail, ce qui correspond à 1 heure 35 par jour environ.
Mme B... produit pour la même période d'avril à décembre 2007 des feuilles de suivi du temps passé. Ainsi, au vu de la feuille journalière d'avril 2007, par exemple, Mme B... a travaillé : - 24 heures la 1ère semaine - 32 heures la 2ème semaine - 40 heures la 3ème semaine - 40 heures la 4ème semaine total : 136 heures, Mais au vu de la feuille de suivi du temps passé du même mois d'avril 2007, Mme B... a travaillé : - 28 heures 15 la 1ère semaine - 34 heures 30 la 2ème semaine - 47 heures la 3ème semaine - 47 heures la 4ème semaine total : 156,45 heures.
Les feuilles ci-dessus sont produites par Mme B... à titre d'exemple, puisque la période qui y figure est prescrite.
Il ressort du contrat de travail que le temps de travail hebdomadaire effectif de Mme B... était de 40 heures, soit 38 heures rémunérées et 2 heures faisant l'objet d'une contrepartie en jours de repos, et qu'un temps de pause était intégré dans l'amplitude journalière du travail à hauteur de 2 heures par semaine, soit 24 minutes par jour. Dans la mesure où l'accord national du 12 juin 1999 auquel se réfère le contrat de travail prévoit que les parties conviennent que tout ou partie du payement des heures supplémentaires et des majorations afférentes peut être remplacé par un repos équivalent, que cette disposition pourra être mise en oeuvre sur le fondement d'un accord d'entreprise et qu'en l'absence d'organisations syndicales, le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel seront consultés et l'employeur devra solliciter l'accord des salariés concernés, que Mme B... a signé son contrat de travail contenant la clause selon laquelle les deux heures de travail hebdomadaires portant la durée du travail effectif de 38 heures à 40 heures seront compensées par des jours de RTT dont elle a effectivement bénéficié, ces deux heures ne peuvent être qualifiées d'heures supplémentaires.
En revanche, les deux heures intitulées « temps de pause hebdomadaire » lesquelles figurent sur les feuilles de temps ci-dessus invariablement pour la même durée quotidienne de 25 minutes du lundi au jeudi et 20 minutes le vendredi, qui augmentent la durée du travail fixée au contrat de 40 heures à 42 heures par semaine, dont on ne sait pas à quel moment de la journée elles doivent être prises, qui font passer le temps de pause journalier de 1 heure 35 à 2 heures, et dont l'employeur sur lequel repose la charge de la preuve à cet égard ne justifie pas qu'elles sont effectivement prises, ni que le salarié n'est pas tenu de demeurer à sa disposition pendant ce temps, doivent être qualifiées d'heures supplémentaires.
En ce qui concerne l'année 2008, Mme B... produit les courriels de transmission de ses horaires de travail à Mme B..., à compter de la deuxième semaine de janvier jusqu'à la deuxième semaine d'octobre et un agenda électronique pour la période du 1er décembre au 28 décembre 2008. En ce qui concerne l'année 2009, Mme B... produit des courriels envoyés par elle postérieurement à 18 heures entre juin et novembre : 2 en juin, 7 en juillet dont 3 le 31 juillet, 3 le 31 août, 5 en septembre dont 3 le 25 septembre, 3 en octobre et 1 en novembre, ainsi que ses agendas électroniques faisant apparaître les heures de début et de fin de la journée de travail. Ces éléments sont suffisamment précis pour étayer la demande de Mme B... au titre des années 2008 et 2009.
L'attestation de Mme A... produite par l'employeur relative aux horaires de travail de Mme B... ne concerne que la période d'avril 2011 à début 2013, période pour laquelle il a été dit ci-dessus qu'il convenait de tenir compte dans la durée du travail effectif des deux heures hebdomadaires qualifiées de pause.
Mais il y a lieu, conformément à la demande de la société Acies, de déduire l'équivalent monétaire des jours RTT pris. Il convient, au vu de ces éléments, de fixer le rappel des heures supplémentaires ainsi qu'il suit : - 2008 : 7.161,34 euros (8.894,14 euros - 1.732,80 euros) - 2009 : 6.909,77 euros (8.642,57 euros - 1.732,80 euros) - 2010 : 483,66 euros (2.216,46 euros - 1.732,80 euros) - 2011 : 1.363,96 euros (3.148,60 euros - 1.784,64 euros) - 2012 : 961,26 euros (3.057,60 euros - 2.096,34 euros). La société Acies sera condamnée en conséquence à payer à Mme B... la somme de 16879,99 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008 à 2012, outre celle de 1687,99 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents » ;
1) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié, sont applicables lorsqu'est en litige, non pas un temps de pause imposé par la législation nationale ou communautaire, mais un temps de pause supplémentaire, accordé contractuellement au-delà des minima légaux ; qu'en effet, dans une telle hypothèse, la preuve du respect des seuils et plafonds prévus tant par le droit de l'Union européenne que par le droit interne, laquelle incombe à l'employeur, n'est pas en cause, le seul débat pourtant sur le point de savoir si le temps de pause accordé contractuellement, au-delà des minima imposés par la loi, a été respecté ou si ce temps doit être regardé comme du temps de travail ; qu'en l'espèce, il était constant que le contrat de travail prévoyait un temps de présence de 42 heures hebdomadaires, incluant deux heures de pauses et quarante heures de travail effectif, la salariée bénéficiant en outre de pauses déjeuner (arrêt pages 4 et 5) ; que jamais Mme B... n'avait prétendu ne pas avoir bénéficié des repos quotidiens ou hebdomadaires obligatoires ; qu'en jugeant cependant qu'il incombait à l'employeur de rapporter la preuve que Mme B... avait effectivement pris les deux heures de pause hebdomadaire contractuelle qui devaient faire passer le temps de repos journalier de 1 heure 35 à 2 heures, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;
2) ALORS QUE la cour d'appel a elle-même constaté que les demandes de rappel d'heures supplémentaires étaient prescrites pour la période antérieure au 18 novembre 2008 (arrêt page 4) ; que cependant la cour d'appel a fait droit à la demande de la salariée pour l'intégralité de l'année 2008 tel qu'elle résultait de ses conclusions et de son décompte (conclusions adverse page 33 et dispositif ; pièce d'appel n° 41) sauf à prendre en compte les jours de RTT (arrêt page 7) ; qu'il en résulte que la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail et l'article 21 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi ;
3) ALORS subsidiairement QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que pour la période de janvier à novembre 2008, la cour d'appel a relevé que la salariée versait seulement aux débats ses propres courriels de transmission de ses horaires de travail, et ce uniquement à partir de la deuxième semaine de janvier et jusqu'à la deuxième semaine d'octobre ; que ces pièces, établies par la salariée elle-même et ne faisant état que de ses seules déclarations unilatérales sans aucune précision sur la répartition de son temps de travail, ne pouvaient suffire à étayer sa demande ; qu'en affirmant au contraire qu'il s'agissait d'éléments suffisants et que la demande de Mme B... était étayée y compris pour la période de janvier à novembre 2008, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme B...
PREMIER MOYEN DE CASSATION,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme B... de sa demande tendant à voir juger qu'elle avait été victime d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, et à voir, en conséquence, prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul, condamner la société Acies consulting group à lui verser des indemnités de rupture et dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et licenciement nul, subsidiairement à voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en considération de l'origine professionnelle de son inaptitude ;
AUX MOTIFS QUE « sur la demande de dommages et intérêts fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail et le manquement à l'obligation de sécurité :
Mme B... expose qu'au moment où elle annoncé son état de grossesse à son employeur, ce dernier l'a informée qu'il entendait mettre un terme à son contrat de travail et lui a proposé une indemnité équivalente à 12 mois de salaire, proposition à laquelle elle n'a pas donné suite.
Elle soutient qu'à son retour de congé de maternité, elle a pu constater que le poste qu'elle occupait antérieurement avait été vidé de sa substance et que, le jour-même de la reprise, le dirigeant lui a confirmé sa volonté de rompre le contrat de travail en lui proposant cette fois une indemnité de six mois de salaire, que cette situation a eu des répercussions sur son état de santé, car son médecin traitant a été contraint de l'arrêter du 16 octobre au 24 novembre 2013 et, le 25 novembre 2013, le médecin du travail a constaté son inaptitude temporaire, puis, le 9 décembre 2013, son inaptitude définitive à tout poste.
Elle ajoute que le comportement de M. U... dont elle a eu à souffrir a déjà valu à la société ACIES de nombreuses condamnations.
La société ACIES répond que Mme B... ne peut objectivement pas soutenir que les conditions de sa reprise ont été fautives et qu'elle n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre ses arrêts-maladie et les déclarations qu'elle a faites à la médecine du travail et ses conditions de travail.
Mme B... a écrit à son employeur par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 octobre 2013 en lui reprochant :
- de lui avoir réitéré le lundi 14 octobre 2013 à 9 heures et demie la proposition de la voir quitter la société moyennant une indemnité de 12 mois de salaire, après lui avoir proposé dans un premier temps une indemnité représentant 6 mois de salaire à laquelle elle avait opposé une fin de non-recevoir puisqu'elle représentait la moitié de la somme qui lui avait été proposée en janvier 2013
- d'avoir vidé son poste de la quasi-totalité de sa substance puisqu'il lui a annoncé par l'intermédiaire de Mme S... qu'elle n'aurait plus en charge la partie assistanat de la direction administrative et financière, la partie assistanat de la direction des opérations groupe/direction générale et la participation aux projets stratégiques du groupe.
Mme B... écrit qu'elle a été particulièrement ébranlée à la suite de ces entretiens à tel point que son médecin traitant a été contraint de l'arrêter jusqu'au 17 novembre 2013 pour « souffrance au travail ».
Elle ajoute : « Je profite de la présente pour vous rappeler tous les manquements constatés par la société Acies consulting group à ses obligations dans le cadre de l'exécution de mon contrat de travail, à savoir :
- non-paiement des heures supplémentaires
- non-paiement des primes
- manquement à l'obligation de sécurité
Je reste dans l'attente des sommes qui me sont dues et je vous saurai gré de veiller à l'avenir à ce que mes conditions de travail ne m'exposent plus à une situation confinant au harcèlement moral. »
Mme B... ne produit aucun autre élément concernant ses conditions de travail à son retour de congé de maternité permettant de corroborer ses seules affirmations contenues dans ce courrier, envoyé deux semaines après son arrêt de travail du 16 octobre 2013, et dans celui du 18 novembre 2013 en réponse à celui de l'employeur du 12 novembre 2013, aux termes duquel elle reprend les mêmes griefs, précisant que son employeur souhaitait se séparer d'elle dès janvier 2013 et a maintenu cette position à son retour de congé de maternité, « ce qui explique qu'il ait planifié immédiatement à mon retour une formation, que les armoires de mon bureau étaient entièrement vides et mes accès au réseau informatique réduits à quelques dossiers. »
La société ACIES a répondu le 12 novembre 2013 qu'aucun élément concret et tangible dans la lettre de Mme B... ne permettait de vérifier les informations selon lesquelles elle avait fait l'objet d'un accueil brutal et désagréable à son retour le 14 octobre 2013, puisqu'elle avait été reçue à 9 heures par la directrice des ressources humaines, qu'au cours de l'entretien, elle n'avait montré aucun intérêt pour son poste et manifesté le souhait de quitter la société en négociant son départ à 18 mois de salaire, qu'elle ne s'était pas intéressée aux missions que la directrice des ressources humaines lui présentait et qui lui ont été confirmées par courrier du 14 octobre 2013.
Elle a ajouté : « si, comme vous l'écrivez, vous ne serez désormais plus en charge d'un certain nombre de tâches que vous exécutiez avant votre départ en congé maladie puis maternité, c'est en raison de l'achèvement en 2013 de ces projets ouverts en 2012 et les missions qui vous sont nouvellement confiées viennent en remplacement de ces anciennes tâches et entrent pleinement dans vos fonctions, notamment vos responsabilités de manager des services généraux telles que prévues par avenant à votre contrat de travail. Votre retour a bien été préparé. (...) »
La société ACIES verse aux débats la convocation de Mme B... à une visite médicale de reprise pour le 14 octobre 2013, à laquelle celle-ci ne s'est pas rendue, une seconde convocation pour le 17 octobre 2013, le courrier du président, M. U... du 14 octobre 2013 qui lui annonce que des actions d'amélioration sont à mener sur l'organisation des services généraux, lui propose de commencer à travailler sur un certain nombre de sujets qu'il détaille, lui demande de lui soumettre ses propositions et l'informe qu'il a demandé qu'on l'inscrive à un cursus de formation, un courriel du 15 octobre 2013 envoyé par M. U... à Mme B... pour lui confirmer qu'il n'entend pas donner suite à sa demande de départ négocié au prétexte que son poste serait devenu un mi-temps, qu'il attend de sa part un plan d'action de reprise de son activité et qu'il a l'a inscrite à des formations qui devraient démarrer la semaine suivante et un courrier du 18 octobre 2013 relatif à l'organisation du parcours de formation de Mme B... en octobre et novembre 2013.
Dans ces conditions, les griefs allégués par Mme B... à l'encontre de la société ACIES ne sont pas démontrés.
Il ne peut ainsi être établi un lien entre l'état de santé de celle-ci tel que décrit au certificat médical du 18 novembre 2013 (« Mme B... présente une (illisible) de sa souffrance au travail qui évolue depuis janvier 2013 ; les conditions et l'ambiance au travail semblent toxiques malgré la prise en charge psychologique, les troubles somatiques persistent »), les déclarations de Mme B... mentionnées par médecin du travail dans le dossier médical, lors de la visite de reprise du 17 octobre 2013 (« arrêt-maladie de janvier à mai par le médecin traitant pour souffrance au travail ») et lors de la visite de préreprise du 25 novembre 2013 (« à son retour le poste avait changé, était aux services généraux, ne prend aucun traitement, pleure dans mon cabinet ») et le comportement de l'employeur, étant précisé que le poste occupé par Mme B... avant son congé de maternité était celui de manager des services généraux et qu'elle n'a travaillé dans l'entreprise que deux jours en octobre avant d'être à nouveau placée en arrêt-maladie.
La demande de dommages et intérêts sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
QUE Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
Le non-paiement de certaines heures supplémentaires effectuées par Mme B..., qui ont été réclamées pour la première fois le 29 octobre 2013 sans référence à une période précise et sans qu'en soit précisé le nombre et d'un complément de prime variable en 2012 ne constituent pas des manquements suffisamment graves de l'employeur susceptibles de justifier que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.
Le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé.
QUE Sur le licenciement :
Aucun lien n'a été établi entre les conditions de travail de Mme B... et son état de santé.
Dans ces conditions, la demande tendant à voir dire que l'inaptitude de Mme G. constatée par le médecin du travail a une origine professionnelle n'est pas fondée et la demande en nullité du licenciement pour défaut de consultation préalable des délégués du personnel sera rejetée. » ;
ALORS QUE l'obligation de prévention des risques professionnels résultant des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 impose à l'employeur de prendre toutes les mesures de prévention et d'adaptation de nature à préserver la santé du salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, d'une part qu'une modification importante de ses conditions de travail a été annoncée à Mme B... à son retour de congé de maternité, d'autre part, que tant son médecin traitant que le médecin du travail ont constaté une souffrance au travail identifiée à partir de janvier 2013, accentuée à son retour de congé ; qu'en déboutant Mme B... de ses demandes tendant voir constater un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude, appuyée sur ces avis, aux termes de motifs inopérants dont ne résulte pas la démonstration, par l'employeur, du respect des mesures de prévention lui incombant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme I... B... de ses demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et de ses demandes consécutives en paiement d'indemnités de rupture et dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « La société ACIES soutient que la demande non chiffrée de rappel d'heures supplémentaires de Mme B... ayant été formée devant le conseil de prud'hommes le 18 novembre 2013, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 16 juin 2013, le litige est régi par la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail, de sorte qu'elle ne peut solliciter de rappels de salaire pour une période antérieure au 18 novembre 2010.
Mme B... fait valoir qu'en saisissant le conseil de prud'hommes le 18 novembre 2013, elle a interrompu la prescription des créances postérieures au 18 novembre 2008.
A la date d'entrée en vigueur de la loi du 16 juin 2013, l'ancien délai de prescription de 5 ans était en cours en ce qui concerne les créances salariales exigibles depuis le 18 novembre 2008, de sorte qu'un nouveau délai de trois ans a commencé à courir à compter du 16 juin 2013 sans que la durée totale du délai ne puisse excéder cinq ans, soit jusqu'au 18 novembre 2013, date de la requête devant le conseil de prud'hommes.
C'est à juste titre en conséquence que le conseil de prud'hommes a déclaré recevables les demandes en paiement d'heures supplémentaires à compter du 18 novembre 2013.
QUE Le contrat de travail en date du 4 avril 2007 contient la clause suivante en ce qui concerne la durée du travail :
« La durée légale du travail des salariés à temps complet est fixée à 35 heures de travail effectif.
Par référence aux dispositions de l'accord de branche du 22 juin 1999 étendu par arrêté du 21 décembre 1999, modifié par arrêté du 10 novembre 2000, les parties au présent contrat conviennent de ses référer aux principes actuellement retenus en matière de détermination de l'horaire collectif dans l'entreprise.
En effet, l'organisation de la durée du travail actuellement en vigueur se traduit par un temps de présence hebdomadaire moyen de 42 heures correspondant à 40 heures de temps de travail effectif, compte-tenu d'un temps de pause régulièrement constaté et décompté de deux heures hebdomadaires.
Ce temps de pause non assimilé à du temps de travail effectif n'entre pas dans le calcul de la rémunération.
Cette durée de temps de travail effectif de 40 heures hebdomadaires se trouve par ailleurs ramenée à 38 heures hebdomadaires de temps de travail effectif par l'octroi sur l'année de 12 jours supplémentaires de réduction du temps de travail.
Ainsi, de façon régulière, Mme I... B... réalisera des heures supplémentaires à hauteur de trois heures hebdomadaires.
Cet horaire collectif de l'entreprise fixé à 38 heures ne saurait toutefois constituer un forfait contractualisé, la société ACIES CONSULTING GROUP se réservant la possibilité, en fonction de l'évolution législative et de ses impératifs de fonctionnement et d'organisation, d'apporter une modification à ces dispositions.
Le décompte du temps de travail de Mme B... se fera par l'intermédiaire d'un décompte régulier, basé sur un principe déclaratif des 'feuilles de temps'. Ces feuilles seront transmises au service gestion par le responsable hiérarchique de Mme B... qui les aura préalablement visées.
Chaque année, la direction communiquera au salarié les modalités de récupération en fonction de la vision des affaires de l'année en cours (...) »
Il est par ailleurs stipulé à l'article 7 rémunération qu'en « contrepartie de son activité, Mme B... percevra une rémunération mensuelle fixe brute de 2.583,33 euros, de la façon suivante :
-salaire de base : 151,67 heures, soit 2360,75 euros
-heures supplémentaires : trois heures hebdomadaires multipliées par 4,33 semaines = 13 heures au taux majoré de 10 %, soit 222,58 euros.
Les parties signataires du présent contrat entendent ainsi procéder à un lissage et à une anticipation du paiement des majorations pour heures supplémentaires afin de tenir compte de la réalisation moyenne d'un temps de travail effectif hebdomadaire de 38 heures (...) »
QUE Mme B... soutient que la déduction de deux heures de travail par semaine de son temps de travail effectif, de manière forfaitaire, est illicite et contraire à la réalité, puisque pendant ses temps de présence dans l'entreprise, en-dehors de ses pauses déjeuner non rémunérées, elle s'est toujours tenue à la disposition de la société ACIES et s'est conformée à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles, et que ces deux heures hebdomadaires, soit 24 minutes par jour, n'ont jamais visé les pauses déjeuner.
Elle ajoute que la société ACIES, qui indique qu'elle était soumise à un horaire collectif, ne justifie pas de la fixation précise des horaires, de leur affichage et de la transmission à l'Inspection du travail d'un double de l'horaire collectif applicable.
Elle fait valoir que le système de jours de réduction du temps de travail en place dans l'entreprise est illicite puisqu'elle n'a jamais donné son accord pour le remplacement par un repos équivalent des heures supplémentaires qu'elle a effectuées, qu'il appartiendra à la société ACIES de produire l'accord d'entreprise organisant cette dérogation aux dispositions légales et qu'elle n'a pas signé son contrat en toute connaissance de cause, faute pour la société ACIES d'avoir mis à sa disposition ledit accord de branche du 22 juin 1999.
Elle indique que la société ACIES avait mis en place un système de double comptabilité illicite du temps de travail, à savoir un système officieux (RPHP reporting planification hebdomadaire personnalisé) et officiel (durée journalière de travail effectif), qu'elle transmettait régulièrement par courriel ses RPHP à Mme Y... sa responsable, qu'elle possédait le code de l'alarme pour pouvoir entrer et sortir des locaux à partir de 6 heures jusqu'à 22 heures, qu'elle n' a plus renseigné, ni transmis ses RPHP à partir de 2009, à la demande de M. D., mais continué à travailler bien au-delà de la durée contractuelle prévue.
La société ACIES soutient que les demandes de Mme B... ne reposent sur aucun élément susceptible d'étayer sa demande, un simple relevé outlook répertoriant des tâches décrites par elle ne pouvant constituer un décompte horaire, à défaut d'être corroboré par d'autres éléments, alors que Mme B... était contractuellement soumise à l'horaire collectif, et qu'il est impossible de distinguer entre le temps de travail effectif, l'amplitude, les temps de déplacement, les temps de pause, l'heure de prise de poste et l'heure de départ.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que Mme B... a expressément accepté que la durée du travail soit fixée comme il est stipulé au contrat de travail, qu'elle n'a jamais formulé de réclamation et qu'elle fait référence dans ses agendas outlook à une pause d'une heure trente pour le déjeuner, ce qui est bien supérieur aux 24 minutes journalières et aux deux heures hebdomadaires, au titre de l'amplitude.
Elle fait observer que, pour la période de juillet 2010 à décembre 2012, Mme B... admet en réalité qu'elle n'a accompli aucune heure supplémentaire en-dehors des horaires prévus par le contrat de travail qui est parfaitement régulier et qu'en outre, au vu de l'attestation de Mme B., assistante de direction, elle n'a jamais été présente selon une amplitude de 42 heures par semaine, de sorte que le débat relatif à la pause de 0,24 minutes par jour est sans objet.
QUE Mme B... revendique l'accomplissement des heures supplémentaires suivantes :
- année 2008 : 360,5 heures
- année 2009 : 350,75 heures
- années 2010, 2011 et 2012 : 4 heures supplémentaires par semaine sur la base des 42 heures hebdomadaires stipulées à son contrat de travail dont 38 heures payées.
Les feuilles de durée journalière de travail effectif de Mme B... pour la période d'avril à décembre 2007, visées par la salariée et le supérieur hiérarchique, montrent que toutes les journées avaient une amplitude de 10 heures, soit 50 heures par semaine, selon les horaires suivants :
- heure d'entrée : 8 heures, 8 heures 30 ou 9 heures
- heure de sortie : 18 heures, 18 heures 30 ou 19 heures
- temps de travail effectif : 8 heures par jour, soit 40 heures par semaine
- temps de pause : 25 minutes du lundi au jeudi, 20 minutes le vendredi.
- outre 8 heures par semaine comprises dans l'amplitude de travail, ce qui correspond à 1 heure 35 par jour environ.
Mme B... produit pour la même période d'avril à décembre 2007 des feuilles de suivi du temps passé.
Ainsi, au vu de la feuille journalière d'avril 2007, par exemple, Mme B... a travaillé :
- 24 heures la 1ère semaine
- 32 heures la 2ème semaine
- 40 heures la 3ème semaine
- 40 heures la 4ème semaine
total : 136 heures
Mais au vu de la feuille de suivi du temps passé du même mois d'avril 2007, Mme B... a travaillé :
- 28 heures15 la 1ère semaine
- 34 heures 30 la 2ème semaine
- 47 heures la 3ème semaine
- 47 heures la 4ème semaine
total : 156,45 heures.
Les feuilles ci-dessus sont produites par Mme B... à titre d'exemple, puisque la période qui y figure est prescrite.
Il ressort du contrat de travail que le temps de travail hebdomadaire effectif de Mme B... était de 40 heures, soit 38 heures rémunérées et 2 heures faisant l'objet d'une contrepartie en jours de repos, et qu'un temps de pause était intégré dans l'amplitude journalière du travail à hauteur de 2 heures par semaine, soit 24 minutes par jour.
Dans la mesure où l'accord national du 12 juin 1999 auquel se réfère le contrat de travail prévoit que les parties conviennent que tout ou partie du payement des heures supplémentaires et des majorations afférentes peut être remplacé par un repos équivalent, que cette disposition pourra être mise en oeuvre sur le fondement d'un accord d'entreprise et qu'en l'absence d'organisations syndicales, le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel seront consultés et l'employeur devra solliciter l'accord des salariés concernés, que Mme B... a signé son contrat de travail contenant la clause selon laquelle les deux heures de travail hebdomadaires portant la durée du travail effectif de 38 heures à 40 heures seront compensées par des jours de RTT dont elle a effectivement bénéficié, ces deux heures ne peuvent être qualifiées d'heures supplémentaires.
En revanche, les deux heures intitulées « temps de pause hebdomadaire » lesquelles figurent sur les feuilles de temps ci-dessus invariablement pour la même durée quotidienne de 25 minutes du lundi au jeudi et 20 minutes le vendredi, qui augmentent la durée du travail fixée au contrat de 40 heures à 42 heures par semaine, dont on ne sait pas à quel moment de la journée elles doivent être prises, qui font passer le temps de pause journalier de 1 heure 35 à 2 heures, et dont l'employeur sur lequel repose la charge de la preuve à cet égard ne justifie pas qu'elles sont effectivement prises, ni que le salarié n'est pas tenu de demeurer à sa disposition pendant ce temps, doivent être qualifiées d'heures supplémentaires.
En ce qui concerne l'année 2008, Mme B... produit les courriels de transmission de ses horaires de travail à Mme Y..., à compter de la deuxième semaine de janvier jusqu'à la deuxième semaine d'octobre et un agenda électronique pour la période du 1er décembre au 28 décembre 2008.
En ce qui concerne l'année 2009, Mme B... produit des courriels envoyés par elle postérieurement à 18 heures entre juin et novembre : 2 en juin, 7 en juillet dont 3 le 31 juillet, 3 le 31 août, 5 en septembre dont 3 le 25 septembre, 3 en octobre et 1 en novembre, ainsi que ses agendas électroniques faisant apparaître les heures de début et de fin de la journée de travail.
Ces éléments sont suffisamment précis pour étayer la demande de Mme B... au titre des années 2008 et 2009.
L'attestation de Mme A... produite par l'employeur relative aux horaires de travail de Mme B... ne concerne que la période d'avril 2011 à début 2013, période pour laquelle il a été dit ci-dessus qu'il convenait de tenir compte dans la durée du travail effectif des deux heures hebdomadaires qualifiées de pause.
Mais il y a lieu, conformément à la demande de la société ACIES, de déduire l'équivalent monétaire des jours RTT pris.
Il convient, au vu de ces éléments, de fixer le rappel des heures supplémentaires ainsi qu'il suit :
- 2008 : 7.161, 34 euros (8.894,14 euros -1.732,80 euros)
- 2009 : 6.909, 77 euros (8.642,57 euros - 1.732, 80 euros)
- 2010 : 483,66 euros (2.216,46 euros - 1.732, 80 euros)
- 2011 : 1.363,96 euros (3.148,60 euros - 1.784,64 euros)
- 2012 : 961,26 euros (3.057,60 euros - 2.096,34 euros).
La société ACIES sera condamnée en conséquence à payer à Mme B... la somme de 16.879,99 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008 à 2012, outre celle de 1.687,99 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents.
Au visa des articles L8221-3 et L8223-1 du code du travail, Mme B... demande que la société ACIES soit condamnée à lui payer une indemnité, en faisant valoir que le système de double-comptabilité mis en place caractérise l'intention de celle-ci de dissimuler une partie de son travail, ainsi qu'en attestent ses relevés précis des heures de présence, le fait que son agenda outlook était partagé, en accès libre et mis à jour tous les matins comme l'exigeait la société, que de nombreux courriels ont été échangés entre Mme B... et la direction bien au-delà de l'horaire collectif et que la société lui avait permis un accès aux locaux de 6 heures à 22 heures.
Le caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi salarié résultant de l'application du contrat de travail et de la non-mention de toutes les heures supplémentaires effectuées en 2008 et 2009, dont il apparaît que, pour l'employeur, il s'agissait d'un relevé d'heures de présence, n'est pas établi, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement qui a débouté Mme B... de sa demande tendant au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.
QUE Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
Le non-paiement de certaines heures supplémentaires effectuées par Mme B..., qui ont été réclamées pour la première fois le 29 octobre 2013 sans référence à une période précise et sans qu'en soit précisé le nombre et d'un complément de prime variable en 2012 ne constituent pas des manquements suffisamment graves de l'employeur susceptibles de justifier que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.
Le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé.
1°) ALORS QUE constitue un manquement grave de l'employeur à ses obligations de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail le défaut de paiement systématique pendant toute la durée du contrat de travail et persistant au jour de la saisine du juge, des heures supplémentaires effectuées par la salariée, pour un montant total, sur la période non prescrite, de 16 879,99 ¤ ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE l'existence et la gravité des manquements de l'employeur à ses obligations s'apprécient à la date de la décision du juge ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de Mme B..., que « Le non-paiement de certaines heures supplémentaires effectuées par Mme B..., qui ont été réclamées pour la première fois le 29 octobre 2013 sans référence à une période précise et sans qu'en soit précisé le nombre » quant il ressortait de sa décision que tant la période que le nombre de ces heures supplémentaires étaient précisément déterminés au jour de sa décision la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant, a violé derechef le texte susvisé.