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Jurisprudence
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 juin 2019, 17-18.061, Publié au bulletin
N° de pourvoi 17-18061
ECLI:FR:CCASS:2019:C200864

Mme Flise
SCP Piwnica et Molinié, SCP Gatineau et Fattaccini

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 juin 2019


Cassation partielle


Mme FLISE, président


Arrêt n° 864 F-P+B+I

Pourvoi n° G 17-18.061



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par l'Office public de l'habitat de Nanterre, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 16 mars 2017 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 mai 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Office public de l'habitat de Nanterre, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France, l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2009 à 2011, l'URSSAF de Paris et région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF), a notifié à l'Office public de l'habitat de Nanterre (l'office) un redressement portant notamment sur la réintégration dans l'assiette des cotisations du montant de la réduction Fillon indûment opérée, en raison de l'absence de négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs pendant la période en cause ; qu'une mise en demeure lui ayant été délivrée, le 18 octobre 2012, l'office a saisi une juridiction de sécurité sociale qui a rejeté sa contestation ; qu'une mise en demeure de payer des majorations de retard complémentaires pour les années 2009 et 2010 lui ayant été notifiée, le 16 mai 2014, en cours de procédure, l'office en a invoqué la nullité, en cause d'appel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'office fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en nullité de la mise en demeure du 16 mai 2014, alors, selon le moyen, que la réclamation qui porte sur des majorations de retard se rattache par un lien de dépendance nécessaire à celle qui porte sur la somme ainsi majorée ; que la mise en demeure de payer une telle majoration n'a donc pas à être soumise préalablement à la commission de recours amiable si la mise en demeure de payer le principal l'a été ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que selon l'article l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, les réclamations portées devant les juridictions du contentieux général contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole sont soumises, préalablement à la saisine de la juridiction, à la commission de recours amiable de l'organisme ;

Et attendu qu'ayant constaté que l'office n'avait pas préalablement soumis à la commission de recours amiable la mise en demeure portant sur des majorations de retard complémentaires, conformément aux prescriptions de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel en a exactement déduit que la contestation élevée par le cotisant contre cette décision de l'organisme social était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, après avis de la chambre sociale, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 241-13, III, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, L. 2242-8, 1°, du code du travail et 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 applicable à la date des réductions de cotisations en litige, le deuxième dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que lorsque l'employeur n'a pas rempli, au cours d'une année civile, l'obligation mise à sa charge d'engager chaque année une négociation annuelle obligatoire portant sur les salaires effectifs, le montant de la réduction est diminué de 10 % au titre des rémunérations versées cette même année et de 100 % lorsque celui-ci ne remplit pas cette obligation pour la troisième année consécutive ; qu'il résulte des deux derniers que les offices publics de l'habitat sont soumis à l'expiration du délai d'un an visé à l'article 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008, soit depuis le 29 octobre 2009, à l'obligation d'engager annuellement une négociation sur les salaires effectifs en application de l'article L. 2242-8, 1°, du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, nonobstant les dispositions de l'article L. 421-24 du code de la construction et de l'habitation qui, en ce qu'elles prévoient un accord collectif conclu au niveau national sur la classification des postes et sur les barèmes de rémunération de base des personnels employés au sein des offices publics de l'habitat, et à défaut une définition par décret en Conseil d'Etat, ne constituent pas des dispositions dérogeant à l'obligation de négociation annuelle au sein de chaque office public de l'habitat ;

Attendu que pour rejeter le recours de l'office en contestation de la minoration de 10 % de la réduction dite Fillon, au titre des années 2009 et 2010 et de son annulation au titre de l'année 2011, l'arrêt retient essentiellement que n'ayant pas ouvert de négociations sur les salaires au titre des années 2009, 2010 et 2011, l'office s'est soustrait à une obligation légale qui conditionnait le bénéfice de la réduction en litige ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'organisation d'une négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs ne pouvait être exigée de l'office public de l'habitat antérieurement au 29 octobre 2009, date d'entrée en vigueur de son obligation légale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande en nullité de la mise en demeure du 16 mai 2014, l'arrêt rendu le 16 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne l'URSSAF d'Ile-de-France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'Office public de l'habitat de Nanterre.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé irrecevable la contestation de la mise en demeure du 16 mai 2014,

AUX MOTIFS QUE c'est à bon droit que l'Urssaf excipe de l'irrecevabilité de la demande de nullité de la mise en demeure du 16 mai 2014 formulée par l'Office public de l'Habitat en citant plusieurs décisions de la Cour de cassation jugeant que : "le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut être saisi d'une réclamation contre une décision d'un organisme de sécurité sociale qu'après que celle-ci a été soumise à la commission de recours amiable" ; QUE la cour constate que si l'Office avait saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure du 18 octobre 2012, il ne l'a pas fait s'agissant de la mise en demeure du 16 mai 2014, de sorte que sa demande de nullité de ladite mise en demeure sera déclarée irrecevable ; que le jugement, qui avait considéré que la mise en demeure était valide, ne se réfère qu'à celle du 18 octobre 2012, de sorte qu'il devra être complété de ce chef ;

ALORS QUE, la réclamation qui porte sur des majorations de retard se rattache par un lien de dépendance nécessaire à celle qui porte sur la somme ainsi majorée ; que la mise en demeure de payer une telle majoration n'a donc pas à être soumise préalablement à la commission de recours amiable si la mise en demeure de payer le principal l'a été ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours de l'OPH Nanterre et jugé que la minoration de 10 % de la réduction Fillon au titre des années 2009, 2010 et son annulation pour l'année 2011, étaient justifiées ;

AUX MOTIFS QUE par des motifs pertinents en droit et en fait que la cour fait siens le premier juge a débouté l'Office de son recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable rejetant sa contestation du redressement relatif à la réduction Fillon ; QUE le tribunal a parfaitement rappelé le droit applicable en la matière ; - la loi du 17 janvier 2003 qui a institué, à compter du 1er juillet de la même année, une réduction générale de cotisations sociales patronales sur les bas salaires, dite réduction Fillon, qui s'applique aux cotisations patronales d'assurances sociales ; - la possibilité pour l'Office public de l'Habitat de Nanterre de bénéficier de ces allégements de cotisation lorsqu'il a été transformé d'ancien office municipal habitation à loyer modéré, en un établissement public industriel et commercial, par l'effet de l'ordonnance du 1er février 2007 ; - l'article 26 de la loi du 3 décembre 2008, entré en vigueur au 1er janvier 2009, qui prévoit que la sanction en cas de non-respect de l'obligation de négocier sur les salaires consiste en une diminution de 10 % du montant de certains allégements généraux de cotisations dont la réduction Fillon et, qu'au bout de la troisième année consécutive, le montant des allègements est totalement supprimé ; - les conditions dans lesquelles doivent être engagées la négociation annuelle obligatoire prévue par l'article L. 2242-8 du code du travail ; QUE la cour constate, avec le TASS, que l'Office n'a pas ouvert de négociation sur les salaires au titre des années 2009, 2010 et 2011 ; QUE l'Urssaf souligne, à bon escient, que le premier juge avait relevé que l'Office tenait d'un décret 2008-1093 du 27 octobre 2008 une classification de base des emplois qui lui permettait de procéder à cette négociation annuelle sans attendre un accord collectif national ; QUE la cour considère que l'Office s'est ainsi soustrait à une obligation légale qui conditionnait le bénéfice de la réduction Fillon et que l'Urssaf a valablement procédé au redressement litigieux ; QUE dans ces conditions, la cour confirmera le jugement de ce chef ;

ALORS QUE les lois spéciales dérogent aux lois générales ; que la classification des postes et les barèmes de rémunération de base des personnels employés par les offices publics de l'habitat et ne relevant pas de la fonction publique territoriale sont régis par le décret 2008-1093 du 27 octobre 2008 ; que dès lors, les règles générales qui imposent aux employeurs de droit commun de procéder, chaque année, à une négociation sur les salaires ne peuvent être appliquées aux offices publics de l'habitat, de sorte que leur méconnaissance ne peut pas être sanctionnée ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé ce décret, ensemble les articles L. 241-13 du code de la sécurité sociale et L. 2242-8 du code du travail dans leur rédaction applicable à la cause.