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Jurisprudence
Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 18 novembre 2003, 02-30.552, Inédit
N° de pourvoi 02-30552

Président : M. OLLIER conseiller

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 1996 et 1997, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la société Assiette II une somme correspondant à la rémunération au service perçue par le personnel du restaurant exploité par la société et a adressé à celle-ci une mise en demeure le 16 avril 1999 ; que la société a contesté le redressement en faisant valoir qu'à l'issue de contrôles opérés en 1991, 1992 et 1993 sur deux autres sociétés exploitant également des restaurants et ayant le même gérant que la société Assiette II, l'organisme de recouvrement n'avait formulé aucune observation sur des pratiques identiques à celles à l'origine du redressement ; que la cour d'appel a rejeté le recours de la société ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que la société Assiette II fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le redressement malgré une décision contraire antérieure, alors, selon le moyen :

1 / qu'une décision implicite de l'URSSAF la lie jusqu'à notification d'une décision en sens contraire, sans caractère rétroactif ;

qu'une personne autre que celle destinataire de la décision implicite peut se prévaloir de celle-ci dans la mesure où, en raison des liens juridiques ou économiques étroits qui la lient au destinataire de la décision, notamment en cas de reprise de son entreprise ou en cas d'identité de dirigeants, elle maintient une pratique suivie par celle-ci en considération de la décision implicite de l'URSSAF admettant sa validité ; qu'en l'espèce, du fait de l'identité des dirigeants, la société Assiette II avait adopté le même système de rémunération au service que pratiquait la société mère, la société PAM, dont la légitimité avait été reconnue par décision implicite de l'URSSAF, de sorte qu'elle était fondée à se prévaloir de cette décision implicite ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.242-1 du Code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 14 janvier 1975 ;

2 / qu'une décision implicite de l'URSSAF peut en tout état de cause être opposée par la personne destinataire de cette décision, peu importe la modification ultérieure de son activité, de sa dénomination sociale ou du mode juridique d'exploitation de l'activité, ces circonstances n'entraînant nullement la création d'une personne juridique distincte de celle destinataire de la décision implicite ; qu'en l'espèce, la société Assiette II était fondée à se prévaloir d'une décision implicite de l'URSSAF dont elle était destinataire lorsqu'elle était dénommée Prosper et fils, nonobstant la modification ultérieure de sa dénomination sociale, de son activité et du mode d'exploitation de son activité ; qu'en jugeant que la société Assiette II ne pouvait se prévaloir d'une décision implicite intervenue à l'égard de la société Prosper et fils car elle n'en avait pas été elle-même bénéficiaire dans la mesure où elle était exploitée dans un lien juridique différent et dans une activité différente, la cour d'appel a violé les articles L.242-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.242-1 du Code de la sécurité et 1er de l'arrêté du 14 janvier 1975 ;

3 / qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré que la société Prosper et fils ne pouvait se prévaloir d'aucune décision implicite de l'URSSAF préexistant à la société Assiette II, en ne s'expliquant pas sur l'existence d'une décision de l'URSSAF de ne procéder à aucun redressement suite au contrôle de la société Prosper et fils effectué le 2 juillet 1992, invoquée par la société Assiette II, produite et visée dans son bordereau de communication de pièces, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.242-1 du Code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 14 janvier 1975 ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société Assiette II ne se trouvait, ni quant à sa forme juridique ni quant à son activité, dans une situation identique à celles des sociétés PAM et Prosper et fils, la cour d'appel a fait ressortir que cette société ne rapportait pas la preuve qui lui incombait d'une décision non équivoque de l'URSSAF approuvant la pratique litigieuse ; que par ce seul motif, la cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en ses trois premières branches ;

Mais sur la quatrième branche du moyen :

Vu les articles L.242-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles 1 et 2 de l'arrêté du 14 janvier 1975 ;

Attendu que pour dire que l'URSSAF avait pu légitimement remettre en cause le calcul forfaitaire des cotisations sociales, après avoir énoncé qu'en matière de répartition du service constitué par un pourcentage du prix de la prestation servie au client, l'application des règles fiscales est déterminante, l'arrêt attaqué retient essentiellement que le pourcentage du service réservé au personnel de la société Assiette II ne figure ni sur les menus ni sur les notes des clients et qu'une femme de ménage bénéficie de la répartition du service sans être au contact avec la clientèle ;

Attendu, cependant, qu'il résulte des dispositions des articles 1 et 2 de l'arrêté du 14 janvier 1975 que les cotisations de sécurité sociale ne sont calculées forfaitairement que si l'employeur n'est pas en mesure de produire le registre de répartition conditionnant l'exonération de la TVA sur le service ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait la société, celle-ci avait présenté au contrôleur un registre de répartition régulièrement tenu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article R.144-6 du Code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'en condamnant la société Assiette II à une amende sans caractériser l'abus de droit qu'aurait commis celle-ci en interjetant appel du jugement qui l'avait condamné à payer à l'URSSAF une somme au titre des cotisations et majorations de retard dues pour les années 1996 et 1997, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Montpellier aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Assiette II et de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Montpellier ;

Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille trois.