20-Titre 2 : Conditions de constitution des provisions
10-Chapitre 1 : Conditions de fond
30-Section 3 : Caractère probable de la perte ou de la charge
BIC - Provisions – Conditions de constitution – Conditions de fond – Caractère probable de la perte ou de la charge
1 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 1-12/09/2012)
La perte, la dépréciation ou la charge en vue de laquelle est constituée une
provision doit être probable et non pas simplement éventuelle. À cet égard, la
probabilité doit être distinguée de la simple éventualité en ce sens qu'elle est
établie par des circonstances précises particulières, alors que l'éventualité
résulte d'un simple risque d'ordre général.
D'autre part, il n'y a pas lieu de constituer une provision lorsque la perte ou
la charge envisagée est non pas probable, mais certaine à la fois dans son
principe et dans son montant à la clôture de l'exercice.
I. Distinction entre probabilité et éventualité
10 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 10-12/09/2012)
Une provision ne peut être admise en déduction pour la détermination du résultat
fiscal d'un exercice que si des circonstances particulières donnent un caractère
hautement probable à la réalisation ultérieure des événements qui sont
susceptibles d'entraîner pour l'entreprise la perte ou la charge envisagée. On
ne saurait donc déduire des provisions fondées sur des risques purement
éventuels.
20 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 20-12/09/2012)
La question de savoir si la perte ou la charge envisagée peut être regardée
comme probable ou éventuelle est le plus souvent une question de fait qui doit
être résolue en fonction des circonstances propres à chaque affaire. Les
exemples ci-après, extraits de la jurisprudence, éclairent plus particulièrement
cette notion de probabilité.
A. Cas dans lesquels la probabilité de la charge ou de la dépréciation envisagée
a été jugée suffisante pour justifier une provision
30 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 30-12/09/2012)
- provision destinée à faire face aux frais de déménagement découlant du fait
que, le bail de son usine étant venu à expiration, une entreprise industrielle
était appelée à transférer ses installations dans un autre local (CE, arrêt du 6
mars 1959, n° 84260, RO, p. 372) ;
- provision pour dépassement de crédits correspondant au montant des travaux
exécutés par une entreprise sur divers monuments historiques et excédant les
crédits alloués par l'État : le règlement de ces travaux supplémentaires,
exécutés aux risques et périls de l'entrepreneur, a été jugé aléatoire et la
perte envisagée, probable (CE, arrêt du 18 février 1970, n°
74656,
RJ II, p. 35).
40 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 40-12/09/2012)
De même, il a été jugé :
- que lorsque, conformément à l'usage existant dans la région, une entreprise de
laiterie paie ses achats de lait selon le prix d'été et, postérieurement à la
clôture de chaque exercice, verse à ses fournisseurs un complément de prix
applicable aux livraisons d'hiver et calculé par référence aux avantages que les
coopératives laitières consentent à leurs adhérents pour les mêmes livraisons,
ce complément de prix constitue, même s'il ne résulte pas d'un engagement écrit,
une charge probable, nettement précisée quant à sa nature, d'une approximation
suffisante quant à son montant et qui, se rattachant aux achats effectués au
cours de l'exercice, peut faire l'objet d'une provision (CE, arrêt du 12 mai
1971, n°
78565,
RJ II, p. 86) ;
- qu'une entreprise, qui a obtenu par jugement une indemnité ayant le caractère
d'un profit exceptionnel, peut, dès lors que la partie adverse fait appel de ce
jugement, constituer une provision pour risque. Au cas particulier, le Conseil
d'État a considéré que la charge susceptible de résulter de la décision d'appel
à intervenir pouvait être regardée comme probable et qu'elle avait été estimée
avec une précision suffisante eu égard aux conclusions de l'appel (CE, arrêt du
31 mai 1978, n°
5107,
RJ II, p. 80) ;
- qu'une société qui a exploité une carrière de gypse souterraine désormais
abandonnée mais située sous des terrains sur lesquels ont été édifiés des
pavillons, est fondée à constituer une provision en vue de faire face aux
dommages susceptibles d'affecter les constructions dès lors que le processus de
dégradation et d'effondrement des carrières de gypse constitue un phénomène
naturel continu dont, en conséquence, la probabilité s'accroît avec le temps ;
pour ces raisons, la société ne saurait éluder la responsabilité de la
réparation des dommages de toute nature susceptibles de survenir (CE, arrêt du
14 janvier 1983, n°
33536).
50 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 50-12/09/2012)
Cas particulier : Dépenses afférentes à des travaux de remise
en état des sols de carrières après exploitation.
Les dispositions législatives et réglementaires actuellement en vigueur obligent
les exploitants de carrières, lorsque l'extraction des matériaux est achevée, à
remettre les sols en état de façon telle que les terrains qui ont été exploités
s'insèrent harmonieusement dans le paysage.
Ces dispositions qui sont rappelées et précisées dans les arrêtés portant
autorisation d'exploiter donnent aux dépenses rendues nécessaires par la
réhabilitation des sites exploités le caractère de frais généraux déductibles du
résultat fiscal, pour autant du moins qu'elles n'ont pas pour effet de conférer
aux terrains ainsi réhabilités une valeur supérieure à celle qui aurait été la
leur si la carrière n'avait pas été ouverte.
Lorsqu'elles ont le caractère de frais généraux, ces dépenses peuvent faire
l'objet d'une déduction anticipée sous la forme d'une provision en application
du premier alinéa de l'article
39-1-5°du
CGI, dès lors qu'elles apparaissent comme nettement précisées et rendues
probables par des événements en cours.
La probabilité de la charge de remise en état du site peut être considérée comme
démontrée du fait tant des obligations de portée générale déjà citées que des
contraintes particulières figurant dans les arrêtés individuels d'autorisation.
B. Cas dans lesquels, en revanche, la charge ou la dépréciation couverte par la
provision n'a pas été reconnue probable, mais seulement éventuelle
60 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 60-12/09/2012)
- provision pour droits d'auteur réservés, destinée à couvrir les risques de
procès que pourraient intenter les ayants droit de compositeurs décédés, dès
lors qu'il n'existait à la clôture de l'exercice aucun litige, ni même aucune
menace de litige. Une telle provision ne correspond, en effet, à aucune charge
précise. Il en est de même lorsque, l'entreprise ayant gagné en première
instance un procès intenté antérieurement, rien ne permet de supposer, à la fin
de l'exercice, qu'elle ait à faire face aux conséquences d'une décision d'appel
non encore intervenue (CE, arrêt du 30 juillet 1947, n° 78602, RO, p. 281) ;
- provision destinée à faire face aux charges résultant du licenciement de
l'intégralité du personnel, lorsque l'entreprise n'établit pas qu'à la clôture
de l'exercice des événements en cours rendaient probable un tel licenciement
(CE, arrêt du 30 mai 1949, n° 97035, RO, p. 182) ;
- provision constituée par une entreprise fabriquant des équipements automobiles
en vue de faire face, d'après les énonciations du relevé des provisions, à la
dépréciation des pièces destinées à des véhicules dont la fabrication devait
être arrêtée par les constructeurs. La condition de probabilité n'a pas été
considérée comme remplie, dès lors qu'aucun arrêt de fabrication de nature à
entraîner la dépréciation desdites pièces et organes n'était prévu à la date de
constitution de la provision litigieuse (CE, arrêt du 29 avril 1969, n°
74863,
7e, 8e et 9e s.-s. réunies, RJCD I, p. 102) ;
- provision pour remise éventuelle de locaux loués dans leur état primitif. Une
entreprise qui a fait subir diverses transformations à un immeuble dont elle est
locataire ne saurait, en effet, se prévaloir de ce que son bail lui impose
l'obligation de rétablir, à sa sortie des lieux, les locaux dans l'état où ils
se trouvaient au début de la location pour constituer, en franchise d'impôt, une
provision destinée à faire face aux travaux de remise en état de ces locaux, dès
lors qu'aucun fait précis ne permettait, à la clôture de l'exercice, de
considérer comme probable la résiliation ou la non-reconduction du bail en cours
(CE, arrêt du 22 octobre 1956, n°s 32617 et 33009, RO p. 181) ;
- provision constituée par une entreprise concessionnaire en vue du
renouvellement de certains agencements et installations qu'elle doit tenir en
parfait état d'entretien et remettre gratuitement à l'autorité concédante à
l'expiration de la concession, dès lors que l'entreprise n'établit pas que
certains événements rendaient prévisibles avec une certitude suffisante à la
clôture de l'exercice les travaux de renouvellement ou de modification de ces
éléments (CE, arrêt du 29 mai 1970, n°s
70943
et 71411, RJ II, p. 130) ;
- l'engagement pris par une compagnie d'assurances, conformément à une
convention collective du travail, de verser à ses employés une indemnité de
départ à la retraite lorsque ces derniers ont au moins dix ans de présence dans
l'entreprise, ne peut être regardé comme correspondant à « une charge nettement
précisée et que des événements en cours rendent probable » au sens de l'article
39-1-5° du CGI, susceptible de faire l'objet d'une provision. En effet, si les
intéressés acquièrent, année par année, droit à ladite indemnité, le paiement de
cette dernière ne peut intervenir qu'au jour du départ à la retraite du salarié
remplissant à cette date les conditions requises pour en bénéficier (CE, arrêt
du 30 janvier 1970, n° 76576, RJ II, p. 22 ; voir remarque n° 7 infra).
Remarques :
- cet arrêt a été infirmé par une décision du Conseil d'État du 2 février 1983
(n° 29069) reproduite au ;
- l'article
39-15°
du CGI interdit désormais la déduction au plan fiscal des provisions pour
charges de retraite ou de préretraite et précisé que cette mesure revêt un
caractère interprétatif.
Le champ d'application de cette mesure, son entrée en vigueur et le sort des
provisions déjà déduites au plan fiscal sont examinés plus loin,
.
- une commune avait manifesté l'intention d'ouvrir une nouvelle voie dont le
tracé pouvait, selon l'un des projets envisagés, obliger une entreprise à
déplacer le dépôt qu'elle possédait sur son territoire.
Ce projet n'étant resté qu'à l'état de pure intention et aucun acte laissant
présager sa mise en ½uvre n'ayant été pris, la charge éventuelle correspondante
n'avait pas un caractère probable et ne pouvait justifier la constitution d'une
provision (CE, arrêt du 24 juillet 1981, n° 17974, 7e et 8e s.-s.) ;
- une société A s'était engagée pour une durée de 5 ans à fournir des articles à
une société B qui lui réservait l'exclusivité de son approvisionnement. La
société A avait constitué une provision pour risque de mévente en cas de non
renouvellement du contrat. Elle prétendait que les produits restant en stock ne
trouveraient pas de débouché eu égard à leur spécificité. Le Conseil d'État a
jugé qu'aucune circonstance particulière et qu'aucun comportement du
cocontractant ne permettaient de regarder comme probables des difficultés
d'écoulement des stocks (CE, arrêt du 3 mars 1982, n° 24513, 8e et 9e s.-s.) ;
- provision destinée à faire face au risque de versement de pénalités
contractuelles auxquelles elle pouvait être astreinte si le matériel qu'elle
s'était engagée à construire ne satisfaisait pas à certaines performances
techniques. Il a été jugé qu'un tel risque, dont la survenance aura pour effet
de procurer à la société des recettes inférieures à celles qu'elle escomptait,
ne peut faire l'objet, à une certaine date, d'une provision que si, à cette même
date, les recettes attendues de l'exécution du contrat ont été tenues pour
acquises et comptabilisées comme telles à l'actif du bilan.
Au cas particulier, la société n'ayant pas regardé les recettes attendues de
l'exécution du contrat comme des créances acquises, ne pouvait en conséquence
constituer une provision pour faire face à l'application éventuelle des
pénalités contractuelles (CE, arrêt du 27 juillet 1979, n°
11716,
RJ II, p. 76).
II. Distinction entre probabilité et certitude
70 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 70-12/09/2012)
Pour être déductible, une provision doit être destinée à faire face à une perte
ou une charge que des événements survenus pendant l'exercice et en cours à sa
clôture rendent probable.
80 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 80-12/09/2012)
En conséquence, il n'y a pas lieu de constituer une provision lorsque, à la
clôture de l'exercice, la perte ou la charge envisagée est non pas probable,
mais certaine à la fois dans son principe et dans son montant. La perte ou la
charge doit, dans cette hypothèse, être déduite directement des résultats de
l'exercice. Par suite, une provision correspondant à une créance dont la perte
apparaîtrait comme certaine et définitive à la clôture de l'exercice serait
irrégulière.
Une société avait constitué une provision destinée à prendre en compte les
effets de la
« démarque inconnue » sur ses stocks en magasin entre la date de l'inventaire
physique et la clôture de l'exercice. Le Conseil d'État a jugé que la société ne
pouvait constituer une provision pour constater des pertes déjà réalisées à la
clôture de l'exercice (CE, arrêt du 26 juillet 1991, n°
112906,
7e et 8e s.-s., Galeries Lafayette).
90 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 90-12/09/2012)
Il convient de rappeler à cet égard que si la charge considérée, bien que
définitivement engagée au cours de l'exercice et présentant pour l'entreprise le
caractère d'une dette certaine quant à son existence et à son montant, n'a pas
encore été acquittée à la clôture dudit exercice, elle doit être comprise parmi
les charges de ce dernier, par inscription au compte du créancier intéressé ou à
un compte de charges à payer.
Tel est le cas, notamment :
- des loyers échus ou courus et non encore payés ;
- des intérêts échus ou courus et non encore payés (les entreprises qui tiennent
une comptabilité super-simplifiée sont toutefois autorisées à déduire les
intérêts au titre de l'exercice de leur paiement) ;
- des impôts mis en recouvrement au cours de l'exercice et qui ne seront payés
qu'au cours de l'exercice suivant ;
- des rabais à accorder, dont le montant est exactement connu à la clôture de
l'exercice.
Sur la distinction entre les provisions et les charges à payer : cf.
.
100 (BOFiP-BIC-PROV-20-10-30-§ 100-12/09/2012)
Le bénéfice de la jurisprudence citée ci-dessus ne peut bien entendu être
revendiqué lorsque le contribuable a inscrit parmi ses charges ou charges à
payer de l'exercice une charge qui était seulement probable à la clôture de cet
exercice et qui, par suite, aurait dû donner lieu à la constitution d'une
provision déductible sous des conditions de formes strictes (cf.
). Voir cependant cf.
, la mesure de tempérament
adoptée par l'Administration dans les cas de divergence entre les notions
comptables et fiscales de « charges à payer ».