DG-Contentieux de l'assiette de l'impôt : dispositions générales
20-Titre 2 : Dispositions communes
30-Chapitre 3 : Autorité de la chose jugée
30-Section 3 : Portée et effets du principe de l'autorité de la chose jugée
CTX - Contentieux de l'assiette de l'impôt - Dispositions communes - Autorité de la chose jugée - Portée et effets du principe de l'autorité de la chose jugée
Le principe de l'autorité de la chose jugée s'oppose à ce que les questions
définitivement tranchées soient à nouveau remises en cause.
Ce principe s'applique aussi bien devant la juridiction administrative que
devant la juridiction judiciaire, à quelque degré que ce soit. Il entraîne
certaines conséquences pour le juge et les parties.
Il n'a d'ailleurs qu'une autorité relative, notamment dans le contentieux fiscal
et les diverses manifestations de cette relativité représentent autant de
limites à sa portée.
I. Étendue et conséquences du principe de l'autorité de la chose jugée
1 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 1-12/09/2012)
La chose jugée ne permettant pas de remettre en question ce qui a été
précédemment décidé par une juridiction administrative ou judiciaire, la même
juridiction ne peut plus être saisie du même litige (contribuable, impôt, année,
moyens identiques).
Il en résulte des conséquences importantes au regard du juge et des parties,
mais la chose jugée ne constitue pas, cependant, en dehors de la matière pénale,
un moyen d'ordre public.
A. Au regard du juge
10 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 10-12/09/2012)
Aux termes de
l'article
481, 1er alinéa, du code de procédure civile, le jugement, dès son prononcé,
dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche.
Lorsqu'il a statué sur une première requête, le juge a épuisé son pouvoir de
juridiction ; il ne lui appartient plus de se prononcer sur la même affaire,
sauf si, l'arrêt ayant été annulé en cassation, le Conseil d'Etat renvoie
l'affaire devant la même juridiction (Code de justice administrative,
art.
L821-2).
Par conséquent, il ne peut plus être utilement saisi d'une demande identique à
celle sur laquelle il a statué
(CE,
arrêt du 29 avril 1970, n° 75330).
Dans le même sens, le tribunal administratif ne peut remettre en cause un point
de droit qui a été tranché par un premier jugement non frappé d'appel,
l'autorité de la chose jugée s'attachant à ce jugement (CE, arrêt du 13 décembre
1963, n°s 55518 et 56193).
20 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 20-12/09/2012)
Par ailleurs, le juge peut interpréter la décision qu'il a rendu mais il ne peut
ni la modifier ni la compléter.
Ainsi, lorsque le tribunal administratif, faisant droit à une demande qui
mettait exclusivement en cause la nature de la profession exercée par un
patentable, a accordé une réduction du droit fixe relatif à l'ancienne
contribution des patentes mais s'est abstenu, à défaut de contestation sur ce
point, de statuer sur le droit proportionnel, il ne saurait, sans méconnaître
l'autorité de la chose jugée, décider, par la voie de l'interprétation, que la
valeur locative servant de base au droit proportionnel devait être fixée à un
chiffre différent de celui qui a été imposé (CE, arrêt du 7 janvier 1942, 1ère
espèce, RO, p. 4).
30 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 30-12/09/2012)
Enfin, le jugement qui méconnaît l'autorité de la chose jugée doit être annulé.
Méconnaît l'autorité de la chose jugée, et par conséquent doit être annulé, le
jugement par lequel un tribunal administratif ordonne, à l'occasion d'une
réclamation présentée en matière de taxe sur le chiffre d'affaires, une
expertise ayant pour objet de déterminer si un contribuable est passible de
l'impôt sur les bénéfices commerciaux lorsque cette question a été déjà
tranchée, sur la demande en décharge de l'impôt sur les bénéfices commerciaux
formée par le même contribuable et pour la même période, par un jugement du même
tribunal administratif devenu définitif à défaut d'appel (CE, arrêt du 5 juin
1939, n° 58834, RO, p. 328).
B. Au regard
des parties
40 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 40-12/09/2012)
L'article
122 du
code
de procédure civile indique que « constitue une fin de non-recevoir tout
moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans
examen au fond, pour défaut de droit d'agir » et range la chose jugée dans les
fins de non-recevoir.
Il en résulte, sur le plan fiscal, que les parties - contribuable ou
Administration - peuvent exciper de cette fin de non-recevoir, afin de rendre
une nouvelle requête de l'adversaire, ayant même objet et même cause,
irrecevable.
En règle générale, c'est plutôt le contribuable qui, à l'occasion d'une nouvelle
demande remet en question un ou plusieurs points déjà tranchés lors d'une
précédente décision juridictionnelle, le service étant alors dans l'obligation
de faire état de la fin de non-recevoir de chose jugée, afin de provoquer un
jugement rejetant la requête de l'intéressé comme irrecevable.
Ainsi, lorsque, statuant sur la requête d'une société industrielle primitivement
assujettie à l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux à raison d'un
bénéfice déterminé compte tenu des revenus de son portefeuille de valeurs
mobilières, le Conseil d'Etat a jugé que ces revenus mobiliers avaient
été régulièrement compris dans le bénéfice imposable de la société, celle-ci
n'est pas recevable, à l'occasion d'une imposition supplémentaire, à remettre en
discussion la régularité de la taxation desdits revenus (CE, arrêt du
1er février 1937, n° 46710, RO, p. 68).
De même, lorsque le Conseil d'Etat a jugé que les redressements
apportés au bénéfice déclaré par une société pour l'assiette de l'impôt sur les
sociétés étaient réguliers, l'autorité de la chose jugée s'oppose à ce que
ladite société remette en discussion le bien-fondé desdits redressements, à
l'occasion d'un litige concernant la taxe proportionnelle sur le revenu des
capitaux mobiliers, et son recours doit être rejeté dès lors qu'elle ne fait
valoir aucun vice propre à l'établissement des droits et pénalités contestés
(CE, arrêt du 7 janvier 1966, n° 65430, RO, p. 3).
C.
Au regard de l'ordre public
50 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 50-12/09/2012)
La fin de non-recevoir que constitue la chose jugée est d'ordre public en
matière pénale ; elle ne l'est pas en matière civile.
Si la chose jugée au criminel est opposable à tous, l'exception qui en résulte
n'est pas d'ordre public lorsque les intérêts pécuniaires des parties sont seuls
en cause ; dès lors, cette exception ne peut être proposée pour la première fois
devant la Cour de Cassation (cf.
Cass.
civ., 15 décembre 1980, n°79-15340).
Dans le contentieux fiscal, il en va de même, c'est-à-dire que cette fin de
non-recevoir est d'ordre public dans le contentieux répressif de l'impôt.
En revanche, dans le contentieux de l'assiette de l'impôt jugé par les
juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, elle n'est pas
d'ordre public ; il en résulte qu'elle ne peut être invoquée d'office par le
juge et que ce sont les parties qui doivent en faire état.
Ce moyen n'est en conséquence recevable devant la Cour de Cassation que si
l'exception de chose jugée a été soulevée devant le juge du fond.
Les juges du fond ne peuvent relever d'office le moyen tiré de la chose jugée
sans inviter les parties à présenter leurs observations
(Cass.
civ., 2e ch. ; 27 février 1985, n°84 10502).
II. Limites au principe et aux effets de l'autorité de la chose jugée : la
relativité de la chose jugée
60 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 60-12/09/2012)
La décision juridictionnelle, en dépit de la chose jugée qui s'y attache, n'a
cependant qu'une autorité relative.
Cette relativité se manifeste d'abord à l'égard des personnes qui n'ont pas été
parties à l'instance, la chose jugée ne leur étant pas opposable.
De plus, l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à des décisions de fond.
En outre, elle ne s'attache qu'à la question spécialement tranchée par le juge.
Enfin, le principe de l'annualité de l'impôt constitue l'un des aspects
particuliers de la relativité de la chose jugée dans le contentieux fiscal.
A. L'autorité de la chose jugée n'est pas opposable aux tiers
70 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 70-12/09/2012)
L'autorité de la chose jugée ne vaut que pour les parties en cause et n'a pas
d'effet à l'égard de tous. Ceux qui n'ont été ni parties, ni représentés aux
débats ne peuvent se voir opposer une décision à laquelle ils sont demeurés
étrangers.
En ce sens : CE, arrêt du 18 mars 1963, n° 54726.
80 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 80-12/09/2012)
L'application de cette règle présente un intérêt lorsque le jugement a été rendu
entre particuliers et que l'Administration se trouve alors dans la position de
tiers.
A cet égard, il est de jurisprudence constante qu'un jugement rendu au civil
n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard de
l'Administration qui n'était pas partie à l'instance
(CE
20 février 1980 n° 07235).
Ainsi, un jugement du tribunal de commerce estimant qu'une association ne
poursuivait aucun but lucratif est sans influence sur la solution d'un litige
relatif à l'assujettissement de cette association à la TVA
(CE
2 mars 1988 n° 25275, 25276, 57837).
De même, la qualification donnée par le juge judiciaire à une indemnité allouée
au contribuable ne lie ni l'Administration, ni le juge de l'impôt
(CE
30 juillet 2003 n° 221005).
90 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 90-12/09/2012)
On notera néanmoins que, contrairement à la règle énoncée au
II-A, les jugements d'annulation
rendus en matière d'excès de pouvoir ont l'autorité absolue de la chose jugée et
valent à l'égard de tous, la décision administrative mise à néant étant censée
n'avoir jamais eu d'existence juridique.
Cette autorité s'impose à l'Administration comme aux particuliers même s'ils
n'ont pas pris part à l'instance.
B. L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à une décision de fond
100 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 100-12/09/2012)
L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à ceux des jugements qui tranchent
un point de fond.
À remarquer que ce point de fond peut être relatif à la procédure d'imposition
ou à la charge de la preuve.
Lorsqu'il statue sur le fond, un tribunal épuise sa juridiction et il ne lui
appartient plus de se prononcer sur la même affaire.
En ce sens : CE, arrêt du 30 novembre 1928, n°s 96510 et 97030, Leb. chron., p.
1233, 2e esp.
110 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 110-12/09/2012)
En revanche, s'il écarte une première demande du contribuable pour vice de
forme, il peut, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée statuer au fond
sur une nouvelle demande relative à la même imposition.
Dès lors, si dans ce cas le tribunal se borne à constater qu'il n'y a lieu de
statuer, son jugement doit être annulé.
Si, ayant rejeté pour vice de forme une demande qui aurait dû être présentée en
premier lieu devant le service des impôts, le tribunal administratif est saisi
régulièrement d'une deuxième demande, il ne peut l'écarter pour le motif qu'il
aurait épuisé sa juridiction, et le jugement doit être annulé s'il se borne à
constater qu'il n'y a lieu de statuer (CE, arrêt du 31 janvier 1938, RO, p. 65).
120 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 120-12/09/2012)
D'une manière générale, le fait qu'un tribunal ait déclaré non recevable une
première requête pour un motif de forme ne prive pas le contribuable du droit de
rouvrir de nouveau le débat sur le fond par une seconde requête contre une
nouvelle décision du directeur, à condition bien entendu que la seconde
réclamation au service des impôts soit encore présentée dans les délais légaux.
En ce sens :
CE,
arrêt du 12 juillet 1974, n° 87076 et
CE,
arrêt du 25 juillet 1975, n°86984.
C. L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à la question tranchée par le
juge
1. Principe de l'autorité relative de la chose jugée, afférente à la seule
question tranchée par le juge
130 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 130-12/09/2012)
L'autorité de la chose jugée « n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du
jugement »
(Code
civil, art. 1351).
C'est ainsi que :
- une décision rejetant une réclamation pour un motif de forme (cf.
II-B § 110) n'emporte pas chose jugée quant au montant
des impositions contestées.
La décision par laquelle le tribunal administratif a rejeté comme non recevable
une réclamation présentée par un contribuable contre l'imposition qui lui a été
assignée au titre d'une année déterminée n'emporte pas chose jugée quant au
montant des cotisations dont l'intéressé est passible au titre de ladite année.
Cette décision ne peut, par suite, priver l'Administration du droit
d'établir, s'il y a lieu, une imposition supplémentaire (CE, arrêt du 6 novembre
1931, requêtes jointes n° 9387 à 9389, RO, p. 5700) ;
- une décision annulant une contrainte décernée contre un contribuable, par
suite du dégrèvement de l'imposition qui lui était réclamée, n'emporte pas chose
jugée quant à l'exigibilité de ladite imposition.
En se basant exclusivement, pour annuler une contrainte décernée contre un
contribuable, sur ce que celui-ci aurait précédemment obtenu le dégrèvement
intégral de l'imposition qui lui était réclamée, le tribunal administratif n'a
pas statué sur l'exigibilité de ladite imposition. L'intéressé ne peut dès lors
se fonder sur cette décision, en lui attribuant l'autorité de la chose jugée,
pour demander la décharge de la nouvelle cotisation qui lui a été assignée
ultérieurement au titre de la même année (CE, arrêt du 5 avril 1933, n° 22.048,
RO, 5991) ;
- de même une décision par laquelle le tribunal déclare qu'il n'y a pas lieu à
statuer sur l'imposition contestée en raison du dégrèvement d'office accordé par
l'Administration n'a pas l'autorité de la chose jugée quant au bien-fondé de
ladite imposition.
Lorsque le directeur, a, en raison de l'irrégularité de la procédure
d'imposition, prononcé d'office la décharge d'une cotisation d'impôt sur le
revenu, ce dégrèvement doit être considéré comme entraînant une omission au
rôle, au sens de l'article 139 de l'ancien code général des impôts directs.
D'autre part, la circonstance que le tribunal administratif saisi d'une demande
dirigée contre cette cotisation s'est, en raison du dégrèvement intervenu, borné
à rendre un jugement de non-lieu à statuer ne confère pas à la décision du
tribunal administratif l'autorité de la chose jugée. Il s'ensuit que
l'Administration peut valablement établir, dans le délai de répétition
prévu à l'article 139 précité, une nouvelle imposition pour la même année et sur
les mêmes bases (CE, arrêts des 30 octobre 1950, n° 3.941, RO, p. 100 et 7
juillet 1952, n° 9.284, RO, p. 85).
Un tribunal administratif ne peut se fonder, pour écarter une demande, sur
l'autorité de la chose jugée dans une autre instance qui n'avait pas le même
objet que le litige qui lui est soumis (CE, arrêt du 25 novembre 1970, n°
78100).
2. Conséquences de l'autorité relative de la chose jugée, afférente à la seule
question tranchée par le juge
140 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 140-12/09/2012)
Le fait que l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à la question tranchée
par le juge emporte les conséquences suivantes.
a. À l'égard du juge
150 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 150-12/09/2012)
La même juridiction peut être appelée à se prononcer valablement en ce qui
concerne une nouvelle imposition établie au titre de la même année quand la
première imposition a fait l'objet d'une précédente décision prononçant un
dégrèvement pour un motif d'irrégularité de procédure.
Ainsi, lorsque le tribunal administratif a prononcé la décharge d'une cotisation
en se fondant uniquement sur l'irrégularité de la procédure d'imposition, il
peut, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'attache à sa décision,
statuer au fond à l'égard d'une nouvelle cotisation établie au titre de la même
année et pour la même contribution, suivant une procédure régulière (CE, arrêt
du 29 juin 1936, n° 35947, RO, 6490).
Par ailleurs, l'autorité de la chose jugée ne s'impose pas au juge administratif
s'il n'y a pas eu constatation de fait, mais simple appréciation portée par une
juridiction civile sur une situation à l'occasion d'un litige de caractère non
fiscal.
Ainsi jugé par le juge administratif de l'impôt à propos d'une décision d'une
cour d'appel (juridiction civile) en matière d'expropriation.
Celle-ci, pour accorder une indemnité complémentaire de remploi à une société
civile expropriée de ses terrains, avait considéré que les terrains en cause
n'étaient pas « notoirement destinés à la revente » étant donné que la société
civile avait pour objet statutaire la construction de logements individuels et
collectifs.
Mais l'appréciation ainsi portée par le juge de l'expropriation n'a que
l'autorité relative de la chose jugée et ne fait pas obstacle à ce que la
juridiction administrative appelée à trancher un litige fiscal formule une
appréciation différente
(CE,
arrêt du 9 mars 1977, n° 98505).
b. À l'égard de l'Administration
160 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 160-12/09/2012)
Les limites au principe de l'autorité de la chose jugée, à savoir que celle-ci
ne s'attache qu'à la question tranchée par le juge, permettent à
l'Administration de faire usage, éventuellement, de son droit de reprise, alors
qu'une imposition a déjà donné lieu à une décision juridictionnelle, à condition
que le rehaussement ait un autre fondement juridique.
Ainsi, l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à la question spécialement
tranchée par les juges. Il en résulte que, postérieurement à un jugement du
tribunal administratif qui a maintenu l'impôt sur les bénéfices industriels et
commerciaux primitivement assigné à un contribuable, l'Administration
est en droit d'établir une imposition supplémentaire, sous réserve que celle-ci
ne remette en question aucun des points sur lesquels le tribunal administratif a
été appelé à statuer (CE, arrêt du 6 novembre 1931, n°s 9387 à 9389, RO, p.
5700)
Et dans le même ordre d'idées, lorsque, pour rejeter la demande dont il était
saisi, le tribunal administratif s'est borné à constater que, par suite du
dégrèvement accordé par le directeur, le contribuable s'est trouvé imposé
d'après un revenu inférieur à celui déclaré, le tribunal ne s'est nullement
prononcé sur le bien-fondé de ce dégrèvement et l'Administration peut
rétablir l'imposition par voie de rôle supplémentaire sans porter atteinte à
l'autorité de la chose jugée (CE, arrêt du 26 avril 1937, n° 55074, RO, p. 233).
D. Les conséquences des règles propres à l'annualité de l'impôt
1. Principe de l'annualité de l'impôt et autorité de la chose jugée
170 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 170-12/09/2012)
La relativité de la chose jugée trouve en droit fiscal une importante
application en raison des règles édictant l'annualité de l'impôt.
En effet, les impositions de même nature établies au titre d'années différentes
doivent, éventuellement, donner lieu à des actions indépendantes les unes des
autres, car elles sont considérées comme ayant des objets distincts.
Par conséquent, une décision rendue sur une imposition relative à une année
déterminée n'a pas l'autorité de la chose jugée au regard des impositions des
années antérieures ou postérieures.
Il n'en serait autrement que si une situation était rendue permanente par
l'effet d'une disposition législative.
Exemple : C'était le cas pour les anciennes contributions
foncières (des propriétés bâties et non bâties) en ce qui concernait la fixité
des évaluations, principe abandonné avec l'établissement des taxes foncières sur
les propriétés bâties et non bâties.
2. Conséquences du principe de l'annualité de l'impôt sur l'autorité de la chose
jugée
a. À l'égard de l'Administration
180 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 180-12/09/2012)
L'Administration peut valablement maintenir une imposition pour une année
postérieure, alors qu'un jugement favorable au contribuable serait déjà
intervenu en ce qui concerne un litige de même nature pour une année précédente.
Ainsi, lorsque, statuant sur une demande d'exemption temporaire de la
contribution foncière des propriétés bâties, le tribunal administratif a reconnu
au propriétaire d'un immeuble nouvellement édifié le droit à l'exemption non
seulement pour l'année visée dans la demande, mais encore pour les années
postérieures non visées dans cette demande et que le ministre a introduit,
contre le jugement, un recours devant le Conseil d'Etat,
l'Administration, sans attendre la décision du juge d'appel, est en
droit de maintenir le contribuable intéressé sur les rôles des années
postérieures (CE, arrêt du 4 janvier 1937, n° 55623, 1ère espèce, RO, p. 2).
b. À
l'égard du juge de l'impôt
190 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 190-12/09/2012)
Le tribunal administratif ne peut, sans violer le principe de la relativité de
la chose jugée, se borner à déclarer, pour accorder la décharge d'une imposition
concernant une année déterminée que c'est en méconnaissance du jugement qu'il a
rendu à l'égard de l'imposition de l'année antérieure, que l'Administration a
maintenu le contribuable sur les rôles de l'année suivante.
En ce sens, en matière de contribution foncière : CE, arrêt du 16 mars 1959, n°
44917, RO, p. 379.
c. À
l'égard du contribuable
200 (BOFiP-CTX-DG-20-30-30-§ 200-12/09/2012)
La réclamation d'un contribuable afférente à une imposition à caractère annuel
ne peut être rejetée par le tribunal au motif que des demandes similaires
afférentes à des années antérieures auraient été rejetées par des décisions
(jugements ou arrêts) passées en force de chose jugée.
Ainsi, la demande en mutation de cote d'un contribuable doit être considérée
comme recevable, eu égard au principe de l'annualité de l'impôt, encore bien
qu'une demande semblable concernant l'année précédente aurait été rejetée par un
jugement du tribunal administratif passé en force de chose jugée (CE, arrêt du
10 janvier 1938, n° 29737, RO, p. 4).
Remarque : La procédure de mutation de cote est supprimée
depuis le 1er août 1994 (loi de finances pour 1994, art. 85).
Ainsi, un contribuable ne peut se prévaloir, à l'occasion d'un litige relatif à
une imposition qui lui a été assignée pour une année déterminée, d'un jugement
du tribunal administratif rendu pour une année antérieure (CE, arrêt du 2
février 1942, n° 65709, RO, p. 35, dans une espèce où était en cause la
contribution des patentes, désormais supprimée).