3 - Le ministère du Travail dévoile ses questions/réponses sur le mécanisme de rachat des JRTT
Le ministère du Travail a mis en ligne le 27 octobre 2022 ses très attendues questions/réponses sur le dispositif de monétisation des jours de RTT acquis entre 2022 et 2025. De nombreuses précisions sont apportées sur les salariés bénéficiaires, les jours de repos pouvant être rachetés et le régime social applicable à la rémunération de ces jours.
Ministère du Travail, Rachat des jours de repos, questions/réponses, 27 octobre 2022
Rappel sur le dispositif de rachat des jours de RTT
Afin de soutenir le pouvoir d’achat des salariés, le gouvernement a mis en place, dans le cadre de la loi de finances rectificative du 16 août 2022 (LFR 2022), un dispositif de rachat des journées ou demi-journées de repos (loi 2022-1157 du 16 août 2022, art. 5 ; voir FH 3952, § 3-3). Ce mécanisme porte plus précisément sur les journées ou demi-journées acquises soit au titre d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine (c. trav. art. L. 3121-41 à L. 3121-47 ; voir « Temps de travail, salaire et formation », RF 1136, § 2361), soit au titre d'un accord de RTT antérieur à la loi du 20 août 2008 et maintenu en vigueur (voir RF 1136, § 2389).
Ce dispositif est ouvert depuis le 18 août 2022. Il concerne les jours de repos acquis du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025.
Les jours rachetés avec l’accord de l’employeur sont payés avec une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise (25 % en l’absence d’accord d’entreprise ou de branche ou taux fixé par l’accord avec un minimum de 10 %).
La rémunération versée bénéficie d’un régime social et fiscal avantageux, quasiment aligné sur celui des heures supplémentaires : réduction de cotisations salariales, exonération d’impôt sur le revenu et déduction forfaitaire de cotisations patronales, mais uniquement pour les « moins de 20 salariés » (voir § 3-9).
Le ministère du Travail revient sur ce mécanisme exceptionnel au travers d'une série de questions/réponses en ligne sur son site internet (https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/questions-reponses-rachat-de-jours-de-repos#).
Précisions sur les salariés concernés et exclus
Application aux salariés couverts par un ancien accord de cycle ou de modulation
La loi ne vise pas expressément les jours de repos acquis au titre d’un ancien accord de cycle de travail ou de modulation, antérieur à la loi du 20 août 2008 et maintenu en vigueur (voir RF 1136, §§ 2382 et 2383).
Vraisemblablement pour ne pas créer de disparités entre les salariés couverts soit par un ancien accord de RTT (visé par la loi), soit par un ancien accord de cycle ou de modulation (non visé par la loi), le ministère du Travail autorise le rachat des journées ou demi-journées de repos acquises par les salariés au titre d’accords de cycle de travail ou de modulation (Q/R n° 8).
Application aux salariés à temps partiel annualisé
Le ministère du Travail précise que les salariés à temps partiel « annualisé » qui bénéficient de RTT au titre d’un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en application de la loi du 20 août 2008 ou de jours de repos dans le cadre d’un dispositif conventionnel d’aménagement du travail à temps partiel sur tout ou partie de l’année (c. trav. art. L. 3121-44 ; voir RF 1136, § 2372) sont également éligibles au dispositif de rachat (Q/R n° 3).
Exclusion des salariés en forfait-jours
C’était induit par la loi, mais le ministère du Travail le dit expressément : les salariés en convention de forfait-jours sur l’année sont exclus du dispositif, puisqu’ils bénéficient d’un dispositif spécifique leur permettant de renoncer à des jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire avec le régime social et fiscal de faveur des heures supplémentaires (c. trav. art. L. 3121-59 ; voir RF 1136, § 2236) (Q/R n° 2).
Le ministère précise qu’il n’est pas possible d’inclure les salariés en forfait-jours dans le dispositif par accord collectif, la loi ne permettant pas une telle dérogation (Q/R n° 9).
Hypothèses particulières
Exclusion des jours de repos affectés sur un CET
Pour les entreprises où il existe un compte épargne-temps (CET), le ministère du Travail confirme une information obtenue auprès de la DGT mi-septembre : les jours de repos affectés sur le CET ne peuvent pas être monétisés dans le cadre du dispositif de la LFR 2022 (Q/R n° 2 et n° 10).
Leur monétisation est possible soit dans les conditions prévues par l'accord de CET, soit sur demande du salarié avec l'accord de l'employeur en l'absence de dispositions de l'accord de CET.
Quant aux jours de RTT qui ne sont pas affectés sur le CET, les questions-réponses du ministère n’apportent pas de précision. Sur ce point, la DGT nous avait précisé que le salarié pouvait soit demander leur rachat en application du dispositif de la LFR 2022, avec par conséquent les avantages sociaux et fiscaux inhérents à ce dispositif, soit les affecter sur son CET dans les conditions prévues par l'accord de CET.
Autres jours de repos exclus
Le ministère du Travail précise que sont également exclus du dispositif de rachat de la LFR 2022 :
Un formalisme uniformisé dans l’entreprise conseillé
La loi n’a prévu aucun formalisme, que ce soit pour la demande du salarié ou pour la réponse de l’employeur (refus ou accord).
Le ministère indique que le salarié doit matérialiser sa demande par tout moyen. Il recommande d’établir « un processus harmonisé au niveau des entreprises afin de faciliter le traitement des demandes » (Q/R n° 11).
Notons que le salarié peut faire autant de demandes de rachat qu’il souhaite, le nombre de demandes n’est pas limité (Q/R n° 12).
Un certain formalisme s’impose de fait puisque, pour le contrôle des exonérations sociales, l’employeur doit pouvoir fournir les documents formalisant la demande du salarié ainsi que son acceptation (le cas échéant partielle ou totale), indique le ministère du Travail (Q/R n° 16).
Les documents à fournir sont détaillés aux paragraphes 420 à 450 et 710 à 730 de la rubrique « exonérations heures supplémentaires et complémentaires » du Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS).
Précisions sur les exonérations sociales applicables
Réduction de cotisations salariales
Côté salarié, la rémunération versée au titre des jours de repos rachetés ouvre droit à la réduction de cotisations salariales d’assurance vieillesse (c. séc. soc. art. L. 241-17).
La rémunération à prendre en compte est celle du jour de repos auquel le salarié renonce, en tenant compte des majorations associées (Q/R n° 13 et n° 14).
Déduction forfaitaire de cotisations patronales
Côté employeur, la rémunération versée au titre des jours de repos rachetés ouvre droit à la déduction forfaitaire de cotisations patronales, mais uniquement pour les entreprises de moins de 20 salariés (déduction de 1,50 € par heure ; voir « Les cotisations sociales de l'entreprise », RF 1135, § 5305).
Le ministère du Travail indique que les entreprises de 20 à moins de 250 salariés ne bénéficient pas de la déduction forfaitaire patronale (de 0,50 €) dans le cadre de ce dispositif (Q/R n° 13).
La question se posait en effet pour cette deuxième catégorie d'entreprises : la LFR 2022 vise uniquement la déduction forfaitaire applicable aux entreprises de moins de 20 salariés (c. séc. soc. art. L. 241-18), elle ne mentionne pas la déduction forfaitaire instituée par la loi « pouvoir d’achat » au profit des entreprises de 20 à moins de 250 salariés, entrée en vigueur le 1er octobre 2022 (loi 2022-1158 du 16 août 2022, art. 2 ; voir FH 3952, § 8-2 ; voir FH 3958, rubrique « brèves »).
Le ministère du Travail n’a donc pas entendu interpréter la loi de manière extensive et n’a pas inclus la déduction forfaitaire de cotisations patronales des entreprises 20 à moins de 250 salariés dans le régime social du dispositif de rachat des jours de RTT.
Exonération fiscale
La rémunération des jours de repos monétisés dans le cadre du dispositif de la loi du 16 août 2022 est exonérée d'impôt sur le revenu dans la limite prévue par la législation fiscale pour les heures supplémentaires et complémentaires. Les Q/R n'apportent pas de précision sur ce plan, se contentant ici de reprendre ce que l'on savait déjà depuis la loi.
Pour mémoire, cette limite d'exonération est fixée à compter du 1er janvier 2022 à 7 500 € par an et par bénéficiaire en termes de net imposable (CGI art. 81 quater modifié ; loi 2022-1157 du 16 août 2022), soit, pour application en paye, une limite exprimée en brut de 8 037 € (hors cas des apprentis).
Cette limite s'apprécie de manière globale, en cumulant la rémunération des jours de repos monétisés et celle des heures supplémentaires « classiques » éventuellement réalisées par ailleurs par le salarié (loi 2022-1157 du 16 août 2022, art. 5, IV).