3 - Prélèvement à la source généralisé : les points en suspens
Les grands axes du prélèvement à la source, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2018, ont été dévoilés. En revanche, de nombreuses clarifications techniques restent attendues.
Conférence de presse du 16 mars 2016 du Ministre des Finances et des Comptes Publics
L'essentiel
La collecte de l'impôt sur le revenu au titre des salaires sera confiée à l'employeur. / 3-1
Le taux d'imposition transmis à l'employeur pourra être individualisé au sein du couple. / 3-4
Le taux d'imposition sur les salaires pourra être modulé en fonction de certains événements. / 3-5
Des dispositifs seraient mis en place afin d'éviter une organisation de l'imposition en 2017. / 3-7
Collecte du prélèvement
Par l'employeur pour les salaires
Principes
La collecte du prélèvement à la source sur les salaires devrait être confiée à l'employeur. La Déclaration Sociale Nominative (DSN), dispositif qui automatise la transmission des données sociales, notamment des cotisations, à partir des données de paye, devrait être utilisée comme canal de prélèvement fiscal. Une ligne supplémentaire devrait ainsi figurer sur le bulletin de salaire.
L'administration calculera un taux d'imposition qu'elle transmettra à l'employeur ; elle restera l'interlocuteur unique du contribuable. Afin de respecter la confidentialité des revenus du contribuable, l'employeur n'aura d'ailleurs connaissance que d'un taux d'imposition à appliquer.
À noter
Pour les pensions de retraite et les revenus de remplacement (allocations de chômage, notamment), la collecte de l'impôt à la source sera confiée aux caisses de retraites ou d'assurance chômage.
Points à clarifier
Dans l'hypothèse où l'employeur opérerait le prélèvement sans le reverser à l'administration, des clarifications seront les bienvenues afin de protéger le salarié de bonne foi de toutes poursuites.
Par ailleurs, pour les salariés impatriés qui bénéficient de l'exonération de la fraction de leur rémunération afférente à leur activité exercée à l'étranger (CGI art. 155 B, III ; voir « Impôt sur le revenu », RF 1072, § 2309), le calcul de la rémunération exonérée est effectué, en pratique, à la fin de l'année, afin de veiller au respect de certains plafonds. Demain, avec le prélèvement à la source, la question est de savoir si ce calcul sera fait en paye par l'employeur, sur une base annuelle estimative, avec régularisation en fin d'année, ou bien si ces calculs interviendront toujours avec la déclaration annuelle des revenus.
Enfin, en pratique, il est probable que le raisonnement en « net » change la donne en matière de négociations sur les salaires. En outre, les réfractaires au nouveau dispositif ont fait part de leur crainte de voir les relations de travail altérées, du fait de la suspicion entourant l'utilisation, par l'employeur, d'informations confidentielles.
Autoliquidation pour les non-salariés et les revenus fonciers
Pour les revenus des travailleurs indépendants ou les revenus fonciers, des acomptes mensuels ou trimestriels devraient être acquittés par le contribuable, calculés en fonction des revenus de l'année précédente (N – 1), et ajustés en septembre N, lorsque la déclaration annuelle des revenus aura été traitée.
En pratique, ce dispositif va dans le sens inverse de la tendance actuelle à la simplification des démarches fiscales. En effet, outre la mise en place et les discussions liées au taux d'imposition, le contribuable devra gérer des acomptes (susceptibles, en principe, de faire l'objet de pénalités en cas de retard de paiement), tout en continuant à déposer une déclaration annuelle des revenus.
En revanche, une simplification pourrait être de dispenser de déclaration annuelle le non-résident fiscal, percevant uniquement des revenus fonciers ou revenus de location meublée (BIC) soumis à un régime micro, dont les acomptes correspondant au montant final de l'IR.
On peut également s'interroger sur la compatibilité du système des acomptes avec le régime de l'auto-entrepreneur, selon lequel les bénéfices font l'objet d'un versement fiscal libératoire trimestriel mensuel ou trimestriel.
Taux d'imposition personnalisé
Individualisable au sein du couple
En cas de disparité de revenus au sein d'un couple marié ou pacsé, il sera possible de demander une différenciation du taux de prélèvement entre les conjoints. Cela n'aura pas d'incidence sur le montant total d'impôt dû par le couple, seule la répartition du paiement entre les conjoints sera modifiée.
À noter
Il serait intéressant que le simulateur d'impôt sur le revenu de l'administration fiscale évolue pour prendre en compte ce nouveau besoin.
Modulable à la hausse ou à la baisse en cas d'événement
En cas d'événement en cours d'année (mariage ou conclusion d'un Pacs, naissance, licenciement, dégradation de la situation financière, décès…), le salarié (ou le bénéficiaire de revenus fonciers, ou l'indépendant) pourra immédiatement prévenir l'administration afin de demander le calcul d'un nouveau taux d'imposition ou la modulation de ses acomptes. Ainsi, une naissance ou un mariage pourra être pris en compte pour l'ajustement de l'impôt dès sa survenance, et non plus en N + 1.
À noter
Cette modulation devrait être justifiée. En pratique, on peut s'interroger sur le délai entre la demande émise par le contribuable et l'impact sur la feuille de paye.
À ce stade, les modalités de détermination du taux n'ont pas été abordées. Si l'administration se base sur le taux d'imposition du foyer fiscal de N – 1, des estimations d'impôt sur le revenu seraient nécessaires les primo-déclarants ou les contribuables qui deviennent résidents fiscaux de France en cours d'année.
D'autre part, l'administration fiscale devra également prendre en compte la spécificité des salariés qui multiplient des contrats à durée déterminée.
Calendrier
Entrée en vigueur
Le prélèvement à la source devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2018. Dans cette optique, des discussions vont être entamées avec les différents acteurs concernés dès le printemps 2016. Un projet de loi devrait être déposé en juin 2016, afin que la loi soit votée avant l'été 2016. L'administration fiscale communiquerait ainsi, à l'employeur et au contribuable, un taux de prélèvement au second semestre 2017.
Pas d'année blanche
Il a été garanti que la réforme serait neutre eu égard au calcul de l'impôt sur le revenu. Ainsi, la conjugalisation et la familialisation seront maintenues.
La gestion de la période transitoire entre le modèle actuel et le prélèvement à la source est l'un des aspects les plus sensibles de la réforme. Ainsi, le bénéfice des réductions d'impôts et des crédits d'impôts imputés sur l'IR dû au titre de 2017 sera conservé. En revanche, les revenus exceptionnels, par nature, ainsi que les revenus exclus de la réforme perçus en 2017 resteraient imposés, en 2018, selon les modalités habituelles.
Il est légitime de s'interroger sur des potentiels « gagnants » ou « perdants » de la réforme. Les perdants seraient, notamment, les contribuables qui profitaient du système des acomptes provisionnels pour faire travailler leur épargne. De même, des parents qui font garder leurs enfants à domicile, et bénéficient d'une réduction d'impôt en N+1, risquent de faire face à un problème de trésorerie si leur taux d'imposition 2018 ne prend pas en compte la réduction d'impôt. En effet, à défaut, ils devront attendre septembre 2018 pour récupérer la réduction d'impôt afférente aux salaires versés en 2017.
Seraient au contraire gagnantes les personnes partant à la retraite, qui dégageront un revenu important en 2017 et moins élevé les années suivantes.
Des mesures anti-abus seraient prévues afin d'éviter que les entreprises modifient la structure de la rémunération en 2017. Par exemple, verser les bonus afférents à 2017 en décembre 2017 (et non en mars ou avril 2018).